Sous l’étiquette UMP, Julien Mugerin brigue la mairie de Stains, bastion communiste depuis près de vingt ans. Un défi politique que ce poulain de 28 ans ne voit pas comme inatteignable. Rencontre.

Costard-cravate vissé sur les épaules, une grosse montre argentée au poignet, un sourire charmeur et la blague facile, Julien Mugerin, est arrivé en avance sur l’heure du rendez-vous. Candidat UMP à Stains (93), il revient autour d’un chocolat chaud, sur son engagement dans cette commune du nord de la Seine-Saint-Denis, bastion emblématique du Parti communiste français, qui n’a jamais connu d’autre étiquette politique depuis la fondation de la Ve république.

Rien ne le prédestinait à passer par le chemin qu’il emprunte aujourd’hui, « ma famille était loin de la politique ». Pourtant, en 2003, Mugerin est séduit par Nicolas Sarkozy. Il se retrouve avec lui sur deux points : l’écologie et l’égalité des chances. « L’écologie n’appartient pas à la gauche ! Il suffit de regarder le Grenelle de l’environnement. Et puis il s’intéressait aussi à la question de l’avenir des jeunes de quartiers populaires en leur faisant comprendre qu’ils pouvaient réussir ! » C’est alors qu’il « réalise » être de droite. En 2004 il s’encarte à l’UMP pour « agir sur la scène publique ». « J’avoue que j’ai eu du mal à avouer à certaines personnes de mon entourage que j’étais de droite. C’était mon grand coming out ! » lâche-t-il en rigolant.

Ce jeune « sarkozyste » concède ne pas avoir grandi à Stains (où il n’habite que depuis peu), mais à Saint-Denis, depuis qu’il a 15 ans. Cependant, il se défend : « les problématiques de Saint-Denis et celles de Stains sont proches. Et puis c’était à Stains que j’allais faire les courses, que j’allais voir ma famille… C’est comme si j’y habitais ! » Il raconte être tombé amoureux de cette ville, d’où son choix de se présenter comme candidat aux municipales de 2014.

Point original de la démarche de Julien Mugerin : il dénonce le fait que la ville de Saint-Denis, la plus grande commune du département, empiète sur l’identité stanoise « on s’y réfère trop ! Dès que l’on veut aller au cinéma, aller au restaurant, on doit aller à Saint-Denis… Stains est une ville dortoir. » En revanche, il souhaite prendre la ville de Garges-lès-Gonesses (Val d’Oise) comme exemple (ville où il travaille en tant que cadre territorial) et qui présente des ressemblances avec Stains : Garges compte 40 000 habitants, Stains, 35 000, les deux communes possèdent des quartiers populaires… Il cite d’abord le souhait d’élaborer une politique de la ville en consultation avec les habitants, « ce que le maire de Stains, Michel Beaumale, ne fait pas, estime-t-il, tandis que certaines dispositions inscrites dans mon programme émanent directement des Stanois grâce à des questionnaires, des rencontres avec les citoyens ». Ensuite, il rapproche l’histoire politique de Stains de celle de Garges. En effet, de 1945 à 1995, la commune a été aux mains du Parti communiste, avant de basculer avec un candidat UMP la même année. Depuis ce bouleversement, Mugerin estime que « la ville s’est énormément améliorée alors que dans le même temps, Stains s’est dégradée ».

Julien Mugerin est convaincu que l’UMP reste une alternative crédible pour la banlieue malgré les nombreux dérapages du personnel UMP sur l’insécurité, l’immigration… Il considère que son parti est celui qui aborde le mieux les problématiques des quartiers populaires (insécurité, pression fiscale…). Il dénonce notamment l’hypocrisie d’une gauche « bien-pensante » qui, derrière des discours vantant la méritocratie « n’utilisent leurs militants Noirs et Arabes que pour faire bouger les chaises dans les salles. Et encore, ça a changé depuis l’interventionnisme de Sarkozy. Mais moi ce n’est pas pour ça que je m’engage dans un parti. Si je m’implique, c’est pour changer les choses ».

Mugerin assume un programme sécuritaire, plaçant l’insécurité comme le problème majeur de Stains. Il dénonce notamment le fait que le PCF soit « insensible » à cette question » alors que « le commissariat de Stains-Pierrefitte est le deuxième de France en terme de violences faites aux personnes. Si on ne parle pas de sécurité, c’est juste qu’on a rien compris à Stains ». Il dira d’ailleurs que la première mesure qu’il prendra s’il parvenait à remporter les élections serait de renforcer les moyens de la police municipale stanoise.

Il relie notamment le problème de l’insécurité à celui de l’emploi, deuxième axe majeur de la politique qu’il envisage pour Stains. « Dans certains quartiers, le chômage des jeunes atteint 40%. Or ceux qui vendent de la drogue ne vont pas avoir envie d’aller chercher du boulot ! » De plus, il considère que si les entrepreneurs sont peu nombreux à s’installer à Stains, c’est encore à cause du problème de l’insécurité. « Or, je veux être le fer de lance de l’emploi sur ma ville. Je veux aller chercher les entreprises pour les faire venir car on a de la place ».

Julien Mugerin semble vouloir ouvrir les fenêtres pour « faire taire les discours victimisants » en donnant de l’ambition aux jeunes. « Je suis conscient que quand on part du Clos Saint Lazare ou du Moulin Neuf, on part avec un handicap. Mais on peut s’en affranchir. Il ne faut pas baisser les bras ! » La tradition « clientéliste » rongerait la ville : « certaines personnes viennent me dire que pour avoir telle chose, il faut avoir sa carte ».

Conscient d’être un outsider à Stains, le jeune candidat assume totalement et utilise même ce statut comme un argument politique : « tout le gâchis qu’on a fait de Stains n’est pas de ma faute : l’injustice, la dégradation des conditions de vie, le clientélisme… Ce sont les gérants actuels de la ville qui doivent être tenus pour responsables de cette situation. Moi, je n’ai pas trempé dans ces choses-là ». Après avoir insisté sur « l’insécurité présente à Stains », Mugerin pointe notamment du doigt une « dégradation de la qualité de vie » : « on a une ville sale, un centre-ville plein de poussière… Alors que dans le même temps, les impôts locaux ont augmenté de 50% en 10 ans ».

En plus des pratiques clientélistes, le candidat UMP reproche au candidat PCF, Azzedine Taibi, « de se comporter en pacha. « Il dit oui à tout mais ne fait rien », d’où son surnom, l’affirme Mugerin, de « Monsieur Oui-oui ». Le PCF semble  » persuadé d’avoir déjà gagné les élections. Ils nous disent clairement qu’on n’est pas chez nous. D’ailleurs, il suffit de regarder un conseil municipal : ces réunions sont dirigées du début à la fin par Michel Beaumale ! »

Julien Mugerin est dans la rhétorique de l’amour avec Stains. Il voit grand. Et pourquoi pas « des Champs-Elysées à Stains ! Quand on me dit que ma ville est une ville pourrie, ça me fait mal » dit-il en grimaçant. C’est pourquoi il promet que même s’il n’est pas élu, il se jettera « à fond » dans l’opposition, « je tannerais le maire » pour améliorer la condition de vie des Stanois. Quant à ses ambitions futures, Julien lâche dans un grand éclat de rire, en regardant dans le fond de sa tasse de chocolat chaud : « J’pense même pas à mes vacances de cet été. Donc pour moi, dans dix ans c’est très dur à imaginer… A Stains j’espère ».

Balla Fofana et Tom Lanneau

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