Politiques et militants de tous poils ont retenu la leçon sur l’importance des réseaux sociaux en période d’élection. Les tweets faciles et creux ont envahi les fils jusqu’à les détricoter.

Twitter en période municipale ça ressemble à ta boum d’anniversaire en 4ème. Celle que tu a attendu 3 mois. 90 longs jours pendant lesquels tu as fait la vaisselle chaque jour et il faut bien l’avouer, fayoté comme jamais. Le jour de cet aboutissement de ta vie sociale tout se passe bien. Puis soudain le drame. Tes parents débarquent et squattent. Mais eux ils sont beaucoup moins attendus que les soldats américains sur les plages de Normandie. Adieu l’ambiance. Ben Twitter il lui est arrivé la même chose. On s’y amusait bien, on partageait des infos intéressantes et on live-tweetait La nouvelle star, les Anges de la téléréalité euh pardon La grande librairie et Mots Croisés.

Puis ils sont arrivés, en masse, comme la pluie de criquets biblique. Eux ? Ce sont les hommes et femmes politiques. Il y avait eu des prémices. Nadine Morano, pour ne citer que la meilleure d’entre eux, sévit depuis au moins trois ans sur le réseau, un peu comme le Monsanto sur le maïs. Bizarrement elle n’a pas eu de mal à contracter sa « pensée » en 140 caractères. Pour ceux qui ne sont pas inscrits sur ce réseau social je vous jure vous ne loupez pas grand chose. Enfin si.

En gros l’ex-ministre (oui je sais ça fait un choc) éructe contre la dictature socialiste et porte aux nues l’ex-président Sarkozy, génie incompris. Et elle fait aussi des selfies, avec son « amie Carla » en option. Le débat politique ça fait rêver hein ? Sinon il y a aussi le relou, ministre ou membre de l’opposition, qui tweete son agenda à tout va. « Demain je serai l’invité de Jean-Jacques Bourdin à 7h40 sur BFM » puis deux minutes plus tard « Demain je serai l’invité de Patrick Cohen sur France Inter à 7h45 ». Et ainsi de suite jusqu’au soir car ils ont le don d’ubiquité ces squatteurs d’antenne. Si vous vous débrouillez bien vous pouvez suivre votre ministre préféré ou député à la trace en lisant le programme TV/Radio. A croire qu’ils ont été élus par Sms comme dans les émissions de téléréalité. Ou qu’ils sont devenus chroniqueurs à la télé. On savait pour la reconversion de Roselyne Bachelot mais pas pour celle d’Henri Guaino.

Le militant lambda, vaillant soldat

L’estocade finale, oui car ça peut encore être pire, a été portée par le militant lambda. Vous savez ce vaillant soldat, apôtre du vivre-ensemble, pétri des valeurs républicaines, convaincu des vertus de la chose publique, qui adore se lever tôt le dimanche matin. Mais lui ne va pas à la messe, au grand dam de sa mamie Ginette. Il préfère aller au marché pour distribuer des tracts. Avant son plaisir restait solitaire, parce que bon le marché à l’aube personnellement ce n’est pas trop mon délire. Aujourd’hui le militant doté d’une arme de destruction massive, à savoir un smartphone, peut me faire vivre en direct sa séance de tractage. Sans mon consentement. A l’origine je l’ai virtuellement suivi pour me tenir au courant. Mais je n’avais pas signé pour ça.

Il poste sur Twitter 42 photos de lui et ses complices tout sourire. Et vu l’avalanche picturale en moins de 5 minutes on est sûr qu’il n’est pas chez Free. Son tweet est aussi déprimant que les docks du Havre à 3h du matin en hiver. « Ce matin au marché Charles Ingalls avec les militants de la #teamMachin. Super accueil !!! ». Comme ils ont l’air de douter de nos capacités cognitives, le/la candidat(e) se sent obligé de poster à son tour une photo de lui, aussi naturelle qu’une pose de Beyoncé sur ses pochettes d’album. Histoire de prouver que ce matin il était bien au marché Charles Ingalls. Son texte est le suivant : « Ce matin sous le soleil au marché Charles Ingalls à l’écoute des habitants. Super accueil !!!!!!!!! #teamMachin ».

Original hein ? Oui évidemment il/elle ne tweetera jamais, enfin son assistant, « On a été accueilli avec des pierres et en fait ça m’a soûlé j’en avais marre de sourire et faire semblant de m’intéresser aux problèmes des gens. » Dommage. Bref tant d’enthousiasme et de points d’exclamation ça me dépite et ça pollue mon fil Twitter. Parce que ça ne s’arrête pas qu’au marché. Tout ça parce que des consultants en communication politique, payés un bras et un rein, ont expliqué que Twitter c’est moderne, interactif et un outil indispensable pour communiquer avec les citoyens. Depuis la campagne ne cesse jamais. Même la nuit les militants insomniaques continuent de défendre leur poulain et tweetent des liens vers des articles. Jusqu’à présent je me disais que j’aimerais bien connaître le dealer de Jean-Claude Van Damme. Maintenant je me dis que celui des militants ne doit pas être si mal…

Une vision déformée de la réalité

Je veux bien que la passion galvanise mais là c’est un peu trop. Donc après le marché il y a le café citoyen et ses « échanges passionnants« . Puis les « tractages dynamiques » Puis le meeting dans la salle de l’arrondissement. Puis la rencontre à la maison de retraite, à la maison de quartier, à la boucherie, à la piscine, à la course de poneys magiques, au club des philatélistes et à l’amicale des retraités arméniens cruciverbistes. Là encore les tweets dithyrambiques accompagnent chaque étape de la rencontre. Si le candidat par malheur a une renommée nationale c’est fichu.

Attendez-vous au live-tweet complet et exhaustif des éléments de langage, pardon des propositions citoyennes, débités sur LCP par le poulain du militant zélé. Il ne se démonte jamais. Il tweete le moindre de ses faits et gestes. Même la NSA est moins exhaustive c’est dire. Il a aussi une vision disons déformée de la réalité. La règle sur les réseaux sociaux c’est de mentir. Vous avez une vie merveilleuse sur les internets, en toutes circonstances. Le militant c’est pareil. Vous pouvez prendre son tract, le chiffonner, le jeter à terre, cracher dessus, faire la danse de la pluie et y mettre le feu qu’il vous regardera et vous sourira vous enjoignant à voter pour la candidate du renouveau. Et ne pipera mot de cette légère incompréhension entre eux et vous.

Il y a aussi ceux de la catégorie super Glue extra-forte. Ils sévissent dans la vraie vie, IRL pour les geeks, et sur le web. Ils sont aussi tenaces que les étudiants qui essaient de vous convaincre de lâcher votre RIB pour donner 30 euros par mois à Médecins du Monde même si vous leur dites que vous êtes au chômage, malade, insolvable et dépressif. Là encore le militant transformera sur Twitter tous ces moments merveilleux de cette relation unilatérale en « Rencontre avec les habitants Place Loana Du Loft. Échanges passionnants. #TeamMachin« .

De toute façon impossible de le louper ce tweet car grâce à la technique dite de l’invasion numérique il sera retweeté par tous les soutiens dans la seconde. Comme les plaies d’Egypte sont sept, le malheur n’arrive jamais seul. Il y a pire dans l’échelle du militant 2.0 relou. Celui qui raconte par le menu le porte-à-porte du candidat. Oui ils ont osé reprendre la technique Témoin de Jéhovah. Venir chez vous vous parler de l’élection. « Cet après-midi porte-à-porte citoyen au lotissement Pascal Sevran. Super accueil !!!!!!!!!! » Puis « Super rencontre avec Mireille habitante de la tour Larusso. #teamMachin« . Donc le candidat, tel un vendeur d’encyclopédie, vient vous importuner chez vous, le samedi après-midi à l’heure de la redif de « Tellement vrai » pendant que vous avez posé un masque à la banane écrasée et au yaourt sur vos cheveux.

Et là les petits militants sournois, avant même que vous ne protestiez, vous prennent en photo pour montrer que le harcèlement à domicile ça fonctionne. Elle sera postée sur Twitter à la seconde. Vous pouvez dire adieu à votre e-réputation et à votre dignité. Si vous n’avez plus d’amis après ça, vous pouvez toujours demander s’il y a besoin de militants pour tracter. Un conseil, n’oubliez pas de préciser que vous adorez Twitter.

Faïza Zerouala

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