[#LÉGISLATIVES2017] Snapchat est plus efficace que les tracts pour le plus jeune candidat aux législatives de la 6ème circonscription de Paris. Mohamed Haouas, 21 ans, passionné de politique, attire les jeunes grâce à sa campagne sur les réseaux. 

« Oh Mohamed Haouas, c’est toi sur les affiches ? Je vais voter pour toi !« . Voici le genre de remarques auxquelles a le droit le jeune Parisien dans son quartier des Amandiers, à Ménilmontant, depuis qu’il est candidat aux élections législatives. Il est l’un des 26 prétendants à la députation dans la 6ème circonscription de la capitale, à cheval entre le XIe et XXe arrondissement. Parmi ses adversaires : l’écologiste Cécile Duflot. Rien que ça ! À tout juste 21 ans, cet étudiant en dernière année de BTS industriel, fan du cinéaste Luc Besson, qui souhaite rejoindre bientôt une école d’ingénieur, n’est pas mécontent de bousculer les standards des visages que floquent habituellement les affiches des panneaux officiels.

Autour de ce grand gaillard, très sociable, un groupe de jeunes surmotivés et une garde rapprochée composée de camarades de classe, dont sa suppléante Anne Paillet et son attaché presse, Kevin Bikoy, tous deux d’anciens camarades du lycée Maurice-Ravel. Moyenne d’âge : 18 ans. « Nous, on s’en fiche de la gauche, de la droite et des partis politiques. On fait une candidature citoyenne pour être des porte-parole, sans penser aux futures élections ». Leur outil de travail : leur téléphone portable essentiellement. Leurs « meetings » à eux, ce sont leurs followers et abonnés sur Snap, Tinder avec qui ils parlent politique en tentant de les convaincre.

« Avec Tinder, ce qui est pratique, c’est la géolocalisation. On tape directement dans l’œil des gens de la circo. Si tu matches, plutôt qu’un plan cul, on te propose de boire un verre pour débattre ! »

C’est là le point fort de la team : la maîtrise parfaite des réseaux sociaux, surtout Snap. « On s’en sert énormément et c’est facile car on s’en servait déjà tous avant », explique l’aspirant à l’Assemblée nationale, capture d’écran à l’appui. Manière de dire que lui ne découvre pas les réseaux avec cette campagne comme d’autres candidats plus âgés ! Sur les contenus de ses comptes, pas de tête de chien gênante sur un.e quarantenaire mal à l’aise mais des stories qui passent crème ! Les potes relaient des messages d’encouragement avec tracts et affiches en fond où le candidat est vêtu d’un élégant costume noir.

Ainsi, on peut lire les mots suivants : « Oueee Momo de la cité à l’Elysée », ou « quand ton pote se présente aux élections« . Son équipe de campagne a également créé un profil Tinder pour le candidat. « On exploite à fond tous les outils numériques. Avec Tinder, ce qui est pratique, c’est la géolocalisation qui permet de taper directement dans l’œil des gens de la circo. Et si tu matches, plutôt qu’un plan cul, on te propose de boire un verre pour débattre ! »

Quel impact sur les jeunes électeurs ? Ont-ils été convaincus d’aller voter grâce à cette campagne très réseaux sociaux ? « Je ne sais pas mais au moins on a fait quelque chose d’extra c’est de redonner goût et réintéresser à la politique des jeunes à travers nos snaps et nos stories. Par exemple, on a montré les coulisses de notre campagne et ça a plu. Cette campagne sur Snap, ça a permis à beaucoup de jeunes qui s’en foutaient de poser des questions et de s’informer. Et peut-être qu’ils iront voter », espère Mohamed Haouas.

« Au Parti socialiste,  je n’ai pas accroché, trop de politique politicienne »

Le candidat de 21 ans a pris goût à la politique il y a quelques années déjà. « C’est mon prof d’histoire qui m’a donné transmis cette passion, j’avais 15 ans », raconte celui qui a fréquenté le collège ZEP Robert-Doisneau dans le 20ème. « Je l’en remercie encore aujourd’hui. Il a vu mon intérêt et m’a conseillé de rejoindre les conseils de la jeunesse ». Depuis, Mohamed Haouas ne les a pas quittés, encouragé par son père, tailleur, sa mère, maman au foyer, et ses grandes soeurs, jusqu’à faire un court passage au Parti socialiste. « Là-bas, je n’ai pas accroché. Trop de politique politicienne« , tranche le candidat. D’où cette volonté de se présenter en indépendant.

Pour faire campagne, il faut aussi un programme. Celui des jeunes militants reprend l’idée de taxe robot mise en avant par le socialiste Benoît Hamon et propose un plan national de soutien à la recherche scientifique et médicale. « On veut que les futurs ingénieurs restent en France et que la recherche en santé ne soit pas uniquement guidée par la rentabilité des entreprises pharmaceutiques », liste, entre autres, le jeune candidat. Du côté des réformes citoyennes, Mohamed Haouas souhaite la création d’une assemblée participative ouverte à tous les habitants de la circonscription et pousse pour un mandat unique. « Moi député, je fais mes cinq ans et je passe le relais à un autre jeune », assure ce fils d’immigrés algériens.

Candidature citoyenne soutenue par le MDP de Robert Hue

Ce jeudi 8 juin, Mohamed Haouas est en plein tractage du côté de Bastille, dans le 11ème arrondissement. Une campagne classique qui reste indispensable malgré tout. Voici qu’arrive l’ancien président du PCF et soutien du président Emmanuel Macron, Robert Hue, qui interrompt le jeune candidat pour le saluer chaleureusement. Les deux ont rendez-vous. Ils s’engouffrent dans le café du coin pour une réunion du Mouvement Des Progressistes (MDP), fondé par l’ancien ministre, qui présente huit candidats en Ile-de-France.

Mohamed Haouas, candidat de la 6ème circonscription, aux côtés de Robert Hue, président du MDP qui soutient sa campagne.

Mohamed Haouas et ses amis ont d’abord voulu lancer une candidature totalement indépendante mais ont vite réalisé qu’ils feraient face à des obstacles à la fois administratifs et financiers. Ils ont alors accueilli la proposition de soutien du MDP avec enthousiasme. « Au début, le côté soutien à Macron nous a fait un peu peur », admet-il. « Mais ce qui est bien c’est que le MDP ne nous impose rien du tout et respecte complètement notre initiative citoyenne. On a écrit le programme nous-mêmes, de façon collaborative ».

L’indépendance, Mohamed Haouas y tient beaucoup. Il rappelle qu’il a lui même organisé des manifestations contre la loi Travail l’année dernière. « Si on est élu et que Macron met en place des choses intéressantes, on ne va pas hésiter à les voter. En revanche, s’il met en oeuvre des mesures libérales dans la continuité de la loi El Khomri, on s’y opposera », affirme le natif de l’Est parisien. Pour lutter contre le chômage, plutôt que le CICE, « qui permet de filer de l’argent n’importe comment à n’importe quelle boîte« , les jeunes derrière Mohamed Haouas proposent notamment un allègement des charges pour les TPE et PME à condition qu’elles embauchent des chômeurs.

Malgré une campagne axée réseaux sociaux, le tractage sur le terrain est inévitable pour toucher tous les électeurs.

En attendant le résultat de dimanche, les militants ont encore du pain sur la planche. Le lendemain matin, à 5h, Mohamed et sa bande ont prévu d’aller peindre des tags politiques biodégradables sur les trottoirs de leurs quartiers. « Je vais essayer de motiver d’autres potes mais je crois qu’ils sont un peu fatigués ». Même à 21 ans, une campagne, ça éreinte.

Lina RHRISSI

Articles liés