EUROPÉENNES 2014. A quelques semaines des élections, le parlement européen accueille en son sein un événement réunissant plus de 5 000 jeunes européens, venant des 28 pays de l’UE : l’European Youth Event (EYE) du 9 au 11 mai.

C’est au pied des drapeaux des pays de l’Union Européenne qui font face au parlement européen, tour en verre haute de 60 mètres, que s’ouvrent les festivités. Un groupe composé de jeunes musiciens interprète une version acapela du titre « Roar » de Katty Perry. Cette chanson constitue une habile transition pour la présentatrice : « J’espère que comme dans la chanson, vous avez the EYE of the Tiger (…) Que vous nous donnerez votre propre vision de ce que doit être l’Europe selon vous ». La foule, europhile, accueille ce lancement avec des cris et des applaudissements.

L’ambiance est bon enfant, les jeunes européens se rencontrent, les langages se confondent et les couleurs se mélangent. Belle image au lendemain du 69ème anniversaire de l’armistice. Accompagné sur scène par le maire socialiste de Strasbourg (Roland Ries), l’une des vice-présidentes du parlement (la grecque Anni Podimata) et l’un des représentants du Youth European Forum, les organisateurs de l’événement invitent les jeunes à « prendre la parole » tout au long du week-end afin de partager leur vision idéale de l’Europe. Roland Ries annonce même la création d’un « Office de la jeunesse » à Strasbourg afin de donner suite aux propositions qui seront faites lors des débats qui animeront les deux journées. « Pour une fois que l’on a la parole, on ne va pas la lâcher ! » lance avec enthousiasme et gestes désordonnés un anglais situé derrière moi, laissant apparaître ses bagues.

10336833_10203018658019622_7995333882443332397_n10336833_10203018658019622_7995333882443332397_nDes centaines d’activités différentes sont proposées lors de l’EYE. Ces modules sont regroupés en 5 thèmes « cruciaux » pour la jeunesse européenne : le chômage, la révolution numérique, l’avenir de l’Union européenne, la durabilité et les valeurs européennes. Pour ma part, mon 1er atelier fut une conférence afin d’aborder les différents moyens qui peuvent être envisagés à l’échelle européenne afin de lutter contre la discrimination. « C’est très fort d’avoir réussi à réunir 5 000 jeunes venant de l’Europe entière ! » lance Lucie, une jeune étudiante de droit de 19 ans. C’est à l’occasion de ce module que nous croisons Ska Keller, candidate allemande verte à la présidence de la commission européenne.

Cette jeune femme de 33 ans raconte à son auditoire, assis dans un bâtiment en bois, avec humour et dans un anglais parfait, les expériences discriminatoires qu’elle a pu, et qu’elle vit encore au parlement européen : « je suis jeune, je suis une femme, et en plus je me présente pour un poste à haute responsabilité (…) Comme quoi les discriminations peuvent se recouper ! ». Chose notable : pas une seule fois durant son discours madame Keller n’a évoqué son programme ou fait de communication pour son parti, cela même à quelque jour des élections.

10358127_10203018657059598_535593102817196999_nAprès cette conférence, plusieurs centaines de jeunes se dirigent vers les tentes « cantines », produisant un nombre impressionnant de flamenkuch. Sur les dizaines de tables en bois, les différentes nationalités se rencontrent, rigolent et partagent leur ressenti sur l’évènement. Alan vient de Zagreb en Croatie, dernier pays ayant adhérer à l’Union Européenne, en 2013. « Ce genre d’évènement est super ! Il nous permet de connaître les autres, ceux qui comme nous, constituent l’Union Européenne, alors que certains habitent à l’autre bout du continent » s’exclame-t-il.

L’atelier qui suit est un débat sur la participation électorale des jeunes en Europe, et leur vision de l’Union Européenne. Le module est situé dans le parlement européen, à l’entrée duquel nous pouvons entrer après une fouille assidue. Cet atelier est organisé par l’Office Franco-Allemand de la Jeunesse (OFAJ). Selon certains, la hausse de l’abstention pourrait être limité par un travail médiatique promouvant le rôle de l’Union dans notre vie quotidienne, expliquer ce à quoi sert un eurodéputé… Les intervenants préconisent aussi des réunions d’information dans les écoles. Un spectateur français lance « les hommes politiques ne s’intéressent aux jeunes que quand il y a des élections. S’ils ne sont pas là pour nous, on ne sera pas là pour eux ».

10330324_10203018657419607_780738389616852652_nMathieu Cahn, adjoint au maire de Strasbourg, réfute. « On ne parle de l’Union Européenne que quand ça va mal alors que quand ça va bien, les politiques nationales récoltent les fruits du succès ». Sophie, étudiante malgache vivant en France lâche « L’Europe est mon avenir si je pouvais voter ! ». Adam est slovaque et habite la capitale Bratislava. Parlant français avec un accent à couper au couteau, il m’explique, devant un amphithéâtre du parlement européen nommé Robert Schuman : « cette rencontre me fait penser à un processus d’européanisation ». Toutefois, au sujet de l’Ukraine, il reste sceptique quant à l’importance de l’Union Européenne. « Les Slovaques ont peur, les ukrainiens sont nos voisins. Je ne sais pas si les armées des différents Etats européens pourront faire face à la Russie ».

10359915_10203018665739815_6323716606686582355_nBien que la majeure partie des personnes présentes à l’événement soient europhiles, nombreux sont ceux qui s’interrogent sur la manière dont nous souhaitons construire l’Europe. Leonard est allemand et vit à Constance, près de la frontière suisse. Dans un français parfait, il estime que « les autres pays européens ne doivent pas prendre exemple sur le modèle ultralibéral allemand. Nous voulons d’une Europe unie oui, mais pas d’une Europe de l’austérité ». Et si finalement l’Europe vue par les jeunes était une Europe sociale et unie ? C’est une opinion que semble partager une partie des jeunes présents.

Néanmoins, les personnes présentes lors de cette réunion européenne ne sont pas représentatives de l’ensemble de la population. La montée des partis nationalistes eurosceptiques en Europe tend à prouver que les eurocitoyens considèrent l’Union comme la source de tous les maux nationaux (notamment le chômage des jeunes atteignant les 56% en Grèce pour 24% en moyenne dans l’Union Européenne). C’est ce que semble confirmer un récent sondage TNS Sofres estimant que 30% des 25-34 ans voteraient pour le Front National, arrivant ainsi en tête devant l’UMP et le PS.

Tom Lanneau

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