Après avoir annoncé sa candidature à la tête de l’Ump vendredi dernier, Nicolas Sarkozy s’est exprimé dans une interview donnée au JT de France 2. Une quarantaine de minutes pour faire peau neuve et se remettre en piste.

Le 8 mars 2012, Nicolas Sarkozy avait juré, au micro de Jean-Jacques Bourdin, qu’en cas de défaite à la présidentielle, il arrêterait la politique. Pourtant, au JT de 20h de France 2, ce 21 septembre 2014, qui voit-on ressurgir, fièrement qualifié par Laurent Delahousse « d’invité exceptionnel » ? Un retour sur une parole non tenue.

L’interview est lancée à 20h15 précises. Nicolas Sarkozy souhaite donner une image décontractée avant son entrée en scène : sourires et poignées de main en veux-tu en voilà dans les couloirs de France Télévisions.

Dès le début de l’entrevue, l’ancien chef de l’Etat prend la posture du « sage » : l’air posé, humble, capable de reconnaitre ses erreurs (avec un sourire paternel) et de maîtriser ses tics corporels. En bref, quelqu’un qui a su, grâce à plus de deux ans « hors de la sphère politique », « mesurer la vanité de certains sentiments, écarter tout esprit de revanche ou d’affrontement ». Il concède notamment avoir cru pouvoir « réussir tout seul » lors de sa présidence, avoir eu du mal à « déléguer certaines tâches ». Quelle belle incarnation du dicton « l’Etat c’est moi » ! Nicolas Sarkozy reconnait même, enfin, avoir pu blesser certaines personnes avec ses propos, mettant un point final à sa tirade par un mélancolique : « si c’était à refaire je ne le referais pas ». Il déclare ne vouloir faire de procès d’intention ni à son parti divisé, ni au gouvernement actuel, se plaçant au-dessus de la mêlée.

Et pourtant, si certains verront lors de ce JT, un nouvel homme, d’autres y verront les traces d’un esprit revanchard et vaniteux. Au bout de 10 minutes d’interview, alors même que quelques secondes avant, il rejetait tout alarmisme, il considère que la France est « un des rares pays où il n’y a plus d’espoir ».

De même, clamant qu’il ne croit pas en l’homme providentiel, Nicolas Sarkozy estime devoir « rendre à la France ce qu’elle lui a donné », « renouveler la politique », dépasser un clivage droite gauche aujourd’hui éliminé… « Si je ne le fais pas, qui le fera ? ». Une sorte de Jeanne d’Arc du XXIème siècle ?

Les secousses corporelles accompagnent la première question judicaire, et la voix de l’ancien chef de l’Etat trahit une certaine colère. Évoquant les deux affaires pour lesquelles il a obtenu un non-lieu (Karachi et Betancourt), Nicolas Sarkozy « omet » d’évoquer la demi-douzaine d’affaires dans lesquelles son nom est cité actuellement. Il souhaite aussi affirmer qu’il est un citoyen comme les autres… Pourtant il se lamente sur le fait d’avoir été placé sur écoute.

Au moment de parler de l’actuel président, N. Sarkozy affirme « ne rien penser de ce dernier » avec un mépris affiché. Alors qu’il se défend de ne pas vouloir faire dans la caricature et dans le dramatisme, il dépeint, tout au long de l’interview, le portrait d’une France triste, sans espoir, violente, abattue… paroles à peine anxiogène. Un « homme nouveau » mettant en avant un discours sécuritaire qui nous rappelle fortement sa campagne de 2007.

Il s’étonnera aussi de la promesse de François Hollande concernant la création de 60 000 emplois dans l’Education Nationale… Nicolas Sarkozy a-t’il la mémoire courte ? Après avoir supprimé les IUFM et 80 000 postes dans l’enseignement, le « sage » se rendra-t-il un jour dans un collège ZEP pour constater le manque de profs et de formation ? L’Education Nationale, doit elle être la cible première des coupes budgétaires ? Ne doit-on pas miser sur notre jeunesse ?

Il aura fallu moins de 15 minutes pour retrouver la vanité de l’ancien chef de l’Etat, se permettant de reprendre toutes les questions de L. Delahousse, lui donnant même une leçon, à la manière d’un prof de lycée faisant la morale à un élève « avez-vous oublié ce qu’il s’est passé en 2008 ? Êtes-vous tellement drogué par l’actualité quotidienne » ?

Être capable de rassembler, voilà l’autre leitmotiv de Nicolas Sarkozy. Malgré les tacles adressés à ses adversaires, « j’aurai besoin d’eux ». Juppé ? Un ami, un compagnon, « j’aurai besoin de lui ». Fillon ? « Mon Premier ministre pendant 5 ans, j’aurai besoin de lui »… D’ailleurs, dans « j’aurai besoin de… », l’orateur ne se place-t-il pas au-dessus des autres ?

Vient le sujet journalistique le plus croustillant : le Front National. L’ancien chef de l’Etat battu en 2012 se lamente de ne pas avoir été remboursé pour sa campagne alors que « même » Marine Le Pen l’a été. L’adhésion au FN ? Il n’y croit pas, ce choix fait partie du « désespoir » dans lequel serait plongé la France. Il souhaite aller chercher ces gens qui souffrent « un par un »… Tournant vers la droite de la droite ? La suite nous laisse entendre que oui.

« Ces gens qui souffrent se disent que la France fout le camp (…) et se demande est-ce qu’on va garder notre civilisation »… Qu’entend-on ici par « notre civilisation » ? Il évoque aussi la suppression de l’espace Schengen, dispositif « qui ne marche pas », et souhaite être plus « pragmatique » vis-à-vis des questions de l’immigration (ne manquant pas de rappeler la croissance démographique africaine et la proximité de ce continent avec les côtes européennes).

Lorsque Laurent Delahousse lui demande s’il pense avoir convaincu les français grâce à ses propos, N. Sarkozy réplique « je me suis engagé dans une longue route après avoir fortement réfléchi », mettant en avant sa détermination et son envie de passer outre les querelles politiciennes. Il souhaite d’ailleurs un « retour au peuple » avec la mise en place de plusieurs référendums… Pourtant n’est-ce pas le premier président de la Ve République à n’en avoir organisé aucun ?

Ces derniers jours, la plupart des médias ont fait du « retour » de l’ancien chef de l’Etat en politique leurs choux gras. Pourtant, d’après les derniers sondages, 55% des français ne souhaitent pas son retour et bon nombre d’analystes politiques estiment qu’Hollande n’a pas été élu par convictions politiques mais par rejet de Nicolas Sarkozy… Alors beaucoup de bruit pour pas grand-chose ?

Tom Lanneau

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