Depuis la rentrée, associations et syndicats étudiants des universités franciliennes multiplient rassemblements et manifestations pour contester la politique migratoire et obtenir la régularisation de leurs camarades de classe. Des collectifs parisiens, essentiellement composés d’étudiants, sont allés plus loin : ils occupent depuis le 30 janvier un bâtiment de Paris 8, à Saint-Denis. Ils y ont installé une dizaine de migrants, sans toit.

« On nous a dit que la France, c’était le pays des intellectuels. Et ils veulent nous expulser. Nous sommes des étudiants et nous aspirons à être des intellos ». Anna* ne mâche pas ses mots. Cette étudiante en Master de Sociologie, ressortissante de la Côte d’Ivoire, est en situation irrégulière. « Nous ne quémandons pas. Nous avons payés nos frais d’inscriptions pour accéder à l’université et ce n’est pas gratuit. Alors qu’on nous foute la paix ! Nous ne posons aucun problème à la société française et aux Français. Nous vivons dans la peur. Du jour au lendemain, on peut passer la nuit au centre de rétention à cause d’une irrégularité, faute d’avoir une carte de séjour », s’indigne-t-elle. 

« Une carte d’étudiant = un titre de séjour »

Fin janvier, une centaine de ces étudiants sans papiers, évoluant dans différentes universités franciliennes (Paris 5, Paris 13 Villetaneuse, Paris 7, Paris 1, Paris 8, Nanterre…) ont manifesté sous la pluie, de la rue de la Montagne-Sainte-Geneviève, dans le Vème arrondissement de Paris, jusqu’au parvis du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Soutenus par associations, syndicats étudiants et professeurs, ils ont fait entendre leur colère, raconté leur quotidien, entre les nuits sous les tentes de la Chapelle et de la Villette, la boule au ventre, la crainte de croiser la police, la menace d’une expulsion… et les cours à la fac. Comment suivre ses études dans de bonnes conditions et sans se soucier en permanence de sa situation administrative ?

Depuis la rentrée, de nombreux rassemblements, toujours pacifiques, ont lieu dans différentes universités parisiennes. La dernière en date, jeudi 24 janvier, s’est déroulée devant Paris 8 à Saint-Denis. Ils n’étaient pas nombreux, une vingtaine de personnes, à interpeller les étudiants, à coller des affiches qui appellent à « rejoindre le combat », à distribuer des tracts et à demander le soutien de la présidence de l’université, de l’administration, des professeurs afin que ces étudiants sans papiers puissent obtenir une carte de séjour. Sur les pancartes accrochées aux murs et grilles de la fac, on peut lire « Régularisation de tou-te-s étudiant-e-s sans papiers », « On vit ici, on étudie ici, on reste ici ! « , ou encore « une carte d’étudiant = un titre de séjour », « La France c’est comme Jul, si elle ne me quitte pas, je ne la quitte pas ».

À proximité du rassemblement, un petite groupe de jeunes discute. « C’est vraiment malheureux que les gens courent jour et nuit dans les préfectures pour être enfin régularisés, à plus forte raison quand ils sont étudiants. Ils ont choisi la France pour poursuivre leurs cursus universitaire. C’est honteux pour notre pays », lâche Geneviève, 24 ans, étudiante en cinéma. Samuel, 20 ans, étudiant en langues, arabe et hébreu, militant au Réseau universitaire sans frontières (RUSF), poursuit : « On veut que ces étudiants puissent avoir l’esprit tranquille comme tous les autres étudiants. Ils vivent de galères en galères, c’est insupportable de fermer les yeux sur ce qu’ils vivent à longueur de journée. Ce qu’ils réclament, c’est le respect de leurs droits. Il faut les respecter. Nous menons ce combat pour dire au gouvernement et aux préfectures : une carte d’étudiant donne droit à une carte de séjour. Voilà, ce que nous réclamons ».

« Le soutien des présidents des universités pèsera dans la balance des négociations avec les préfectures »

À 22 ans, Samy* fait partie de ces étudiants en situation irrégulière. Il est arrivé d’Algérie en 2015 avec un visa de touriste pour reprendre ses études. Aujourd’hui en Master 1 de philosophie à Paris 8, le jeune homme ne cache pas sa fatigue et son désarroi. « On veut juste être considérés comme des étudiants comme les autres. Sans titre de séjour, on ne peut rien faire : pas de travail, pas de stage, pas de logement. On vit vraiment dans des conditions difficiles. On a la crainte même de sortir avec les amis pour prendre un verre dans les terrasses. Chaque fois que je viens à la fac, j’ai peur de croiser des policiers et de me faire contrôler ». Tasse de thé entre les mains, Boubacar* tente de se réchauffer. Le jeune homme de 26 ans étudie en licence de Géographie à Nanterre. Un parcours scolaire rendu difficile par sa situation administrative. « Un mois après mon arrivée en France, en juin 2016, j’ai commencé les démarches au niveau de la préfecture de Bobigny. Je n’ai toujours rien reçu à ce jour. On m’a une fois refusé la demande et je ne savais même pas pourquoi. Ce qu’on veut, c’est juste un carte de séjour. Nous ne réclamons pas des cartes d’identité françaises mais un titre de séjour pour tous les étudiants. Ce qui va nous permettre de nous concentrer sur nos études, pas autre chose ».

Thomas Martin, 23 ans, membre du collectif solidaire de Paris 8, explique qu’une aide juridique a été mise en place à l’université. « Chaque vendredi une avocate spécialisée dans le droit des titres de séjour tient une permanence bénévole pour aider les étudiants à constituer un dossier et répondre aux questions qu’ils se posent sur leurs droits ». C’est loin d’être suffisant, concède-t-il. « Nous avons besoin de lettres de soutien écrites par les universités qui ont inscrit les étudiants, et qui leur font délibérément courir de grand risque en refusant de motiver leur régularisation. Le soutien des présidents des universités pèsera dans la balance des négociations avec les préfectures. Des professeurs de plusieurs universités participent déjà à ces rassemblements et plaident en faveur de leurs étudiants pour que prennent fin les inégalités entre étudiants français et étrangers ».

Thomas Martin, 23 ans, membre du collectif solidaire de Paris 8.

Des collectifs parisiens, essentiellement composés d’étudiants, ont décidé d’aller plus loin. Depuis le 30 janvier, ils occupent le Bâtiment A de la fac de Paris 8, à Saint-Denis. Le but, c’est d’abord de permettre à des étudiants exilés vivant à la rue une nuit au chaud. In fine, il s’agit de lutter contre la politique migratoire française et obtenir la régularisation de ces migrants.

Kab NIANG

Crédit photo : Mohammed BENSABER

*les prénoms ont été modifiés

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