« On se bat pour que cette réforme soit appliquée correctement ». Depuis jeudi dernier, l’entrée du collège Jean Vilar à La Courneuve (Seine-Saint-Denis) est bloquée. Cette décision a été prise à l’initiative des parents avec le soutien des professeurs.
Il n’est pas encore 14 heures, l’heure du repas touche à sa fin. Parents et professeurs se relaient à l’entrée du collège pour maintenir le blocus, accueillir d’autres parents et expliquer les raisons du mouvement social. Messieurs C. et D., professeurs de SVT font partis des enseignants devant le collège.
Monsieur C. prend la parole et évoque la situation : « à partir de la rentrée prochaine, notre établissement rentre dans le réseau REP+. C’est une bonne réforme, mais on ne nous donne pas les moyens de l’appliquer correctement ». Et pour cause, une enveloppe de 56 heures (perte sèche) viendra à manquer à la prochaine rentrée. « Ces 56 heures on nous a dit qu’on allait la payer nous-mêmes avec la DHG » explique l’enseignant, « pour les subventionner on doit supprimer toutes les aides personnalisées qui avaient fait leurs preuves ». En exemple, l’enseignant cite les modules relais, un soutien intensif pour élèves en grandes difficultés. Ce dispositif « disparaît complètement » selon lui si la réforme s’applique telle quelle.
D’autres dispositifs et activités ayant pour objectif de « lutter contre l’échec et le décrochage scolaire » se verront réduits voire disparaître comme cité dans un communiqué établi le 6 mars dernier « plusieurs options (sport, histoire des arts) […], une partie des heures allouées à l’atelier pour la prévention du décrochage scolaire, la quasi-totalité de l’aide personnalisée en français, mathématiques et histoire-géographie pour les classes de 5e, 4e et 3e ».
« En enlevant ces 56 heures, on doit retirer tous ces dispositifs qui ont fait leurs preuves » s’inquiète le professeur de sciences. Avec les enseignants qui l’entourent, une partie d’entre eux s’accordent à dire qu’il s’agit d’une « bonne réforme dans le fond », mais qu’il ne « faut pas qu’elle soit faite au détriment des élèves ». « Il n’y a pas la même répartition sur le territoire national, on trouve ça injuste et ça va renforcer les inégalités sur le territoire » renchérit son collègue Monsieur D. « Nos revendications portent pour ce collège et tous les établissements dans cette situation » conclut Monsieur C.
Avec eux, des parents d’élèves. Enseignants et parents se soutiennent mutuellement. « On a les parents derrière nous. Ils sont de plus en plus nombreux » affirme une professeur de français.
« Il ne faut pas que les élèves et les profs perdent leurs acquis »
Les parents d’élèves ne sont pas restés muets face à cette situation qui les révolte tout autant que l’équipe éducative. Nombreux se sont déplacés et étaient présents cet après-midi devant l’établissement de La Courneuve.
« Ça donne l’impression que ce collège est mis de côté », se lasse Nadine Lucas, parent d’élève. Elle aussi s’inquiète du devenir des ateliers d’aides personnalisés et des autres ateliers et dispositifs mis en place dans cet établissement. « Les ateliers, ça donne aux élèves un autre aspect de l’école, l’approche pédagogique n’est pas du tout la même » explique-t-elle. Une autre mère de famille présente devant le collège partage son avis « y’a des gamins qui n’ont pas la chance d’avoir des parents qui savent lire ou écrire ».
Lasse, Nadine estime « que l’égalité au niveau de l’éducation n’est pas identique pour tous les collèges ». Son souhait : « que les élèves et les profs ne perdent pas leurs acquis ». « On se bat pour notre collège » affirme-t-elle avec d’autres mères de famille à l’entrée du collège Jean Vilar. Depuis jeudi, parents et professeurs ont enchaîné les courriers à l’inspection d’académie et un communiqué pour faire connaître leur revendication et inquiétude.
Lundi matin, Stéphane Troussel (président PS du conseil général du département), le maire de la commune et Marie-Georges Buffet (députée de la 4e circonscription du département) sont venus les soutenir.
Dans un courrier adressé au directeur d’académie, Stéphane Troussel demande à son interlocuteur de « bien vouloir reconsidérer l’enveloppe horaire attribuée au collège Jean Vilar afin que l’ensemble des projets portés par l’établissement puisse perdurer ».
Contacté aujourd’hui, le cabinet de la DASEN (Directeur d’académie inspection académique) revient sur les changements à la rentrée 2015 : « nous avons 27 collèges qui vont être REP+ sur nos 125 et 52 qui seront en REP. Ce qui nous fait 79 collèges qui intègrent l’éducation prioritaire à la rentrée 2015. C’est une des plus grosses enveloppes au niveau national. Il y a bel et bien des moyens conséquents attribués à la Seine-saint-Denis pour prendre en compte le public et les élèves que l’ont accueille».
La DASEN se veut plus rassurante : « le collège bénéficie déjà de moyens supplémentaires pour la mise en place de la reforme de l’éducation prioritaire à la fois sur la concertation, à la fois sur l’accompagnement aux élèves. Les ateliers qui sont mis en place actuellement sur le collège sont rediscutés en concertation avec l’équipe des enseignants et le chef d’établissement pour voir de quelle manière on va utiliser ces heures pour accompagner au mieux les élèves ».
Mais,  lorsqu’il s’agit d’évoquer la disparition des ateliers, le cabinet n’engage pas sa responsabilité : « si des ateliers qui se tiennent aujourd’hui et qui ne se tiendraient plus à la rentrée c’est parce que les enseignants et le chef d’établissement estiment que ces ateliers-là sont moins pertinents et qu’ils vont les remplacer par d’autres formes d’accompagnement ».
 
Imane Youssfi

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