Ce gouvernement continue son entreprise de démantèlement du service public de l’Education nationale

Valérie Sourisseau, 46 ans, professeur agrégée de français, lycée Mozart, Le Blanc-Mesnil, Seine-Saint-Denis,  syndiquée SNES-FSU

« Que dire sinon que c’est lamentable, même si on n’est pas vraiment surpris. Ce gouvernement continue, et cette fois de manière plus visible que d’habitude, son entreprise de démantèlement progressif de ce service public fondamental qu’est l’Education nationale. On a déjà des classes surchargées, pas que dans le 93, dans toute la France. Il y a un manque criant de personnels, professeurs mais aussi de conseillers principaux d’éducation, personnels de direction… Le gouvernement propose donc d’aggraver les choses, sans doute pour pouvoir dire ensuite que l’école publique ne fonctionne pas et qu’il faut donc lui donner encore moins d’argent, et favoriser le privé payant. Quand toute la classe moyenne aura été dégoûtée de l’école publique et mettra ses enfants dans le privé, ce gouvernement aura atteint son but. C’est le début d’un processus très grave qui est en cours, et qui met en danger la démocratie même, car sans une éducation fonctionnelle et égalitaire, point de démocratie ».

La suppression annoncée de 1 800 postes est une catastrophe

Steve Mai Van Bartolen, 36 ans, professeur de lettres classiques, lycée Mozart, Le Blanc-Mesnil, Seine-Saint-Denis, secrétaire de section locale SNES-FSU

« D’une manière générale, nous refusons les heures supplémentaires parce qu’elles sont une façon de ne pas créer de postes. S’il y a toujours quelques collègues prêts à en accepter, c’est parce que le niveau de rémunération est bas. La suppression annoncée de 1 800 postes, dont 1 400 chez les enseignants, est une catastrophe parce qu’elle signifie aussi que le ministère a renoncé à revaloriser nos traitements. La valeur du point d’indice à partir duquel nos traitements sont calculés est gelée depuis 2010 : nos salaires ne sont donc même plus indexés sur l’inflation. Le ministère souhaite compenser la suppression des postes par l’augmentation du nombre d’heures supplémentaires qu’on peut nous imposer : d’une heure actuellement, le ministère compte nous en imposer deux mais c’est déjà ce que nous faisons ! La mesure sur laquelle il compte est inefficace »

Parler de suppression, c’est être complètement à côté de la plaque

Elodie Wahl, 39 ans, professeur de français, collège Michelet, Saint-Ouen, Seine-Saint-Denis, syndiquée CGT

« Je trouve ça scandaleux. On manque déjà de professeurs ! Parler de suppression, c’est être complètement à côté de la plaque. Il faut aussi du personnel pour encadrer les élèves.  Après, si on s’en fout de l’évolution des jeunes les plus en difficulté… Quant aux heures supplémentaires, on pourrait y réfléchir dans une société où le chômage n’existe pas. Mais là il faut partager le travail. Avec ces réformes, l’école devient une préparation à l’entreprise : nos cours ne sont plus très importants, ce n’est plus très grave de ne pas avoir de temps pour les préparer… L’école avec ces réformes va devenir une préparation à la subordination salariale et ne servira plus à faire passer une culture ni à développer un esprit critique. »

Nous manquons de professeurs et nous faisons déjà des heures supplémentaires !

Samuel Nolla, 35 ans, professeur de mathématiques, lycée Marcelin-Berthelot, Pantin, Seine-Saint-Denis, syndiqué

« Si on cherche à faire un transfert de compétences de l’école publique à l’école privée, qu’on nous le dise clairement. Il y a des grèves partout dans le 93 pour plus de moyens. Nous manquons de professeurs, et nous faisons déjà des heures supplémentaires… Je ne sais pas de quelle réalité parle le ministre. Nous ne voulons pas d’heures supplémentaires car cela nous fait moins bien faire notre travail. On ne sait pas si cela donnera de bons résultats, et de toute façon, cela prendra du temps. Qu’est-ce qu’on fait des gamins pendant dix ans? » 

Ces annonces, c’est une paupérisation des conditions de travail avec une petite carotte au bout

Vivien Meunier, 33 ans, conseiller principal d’éducation, collège Romain-Rolland, Clichy sous Bois, Seine-Saint-Denis

« On nous dit que les heures supplémentaires sont là pour contre-balancer la suppression de postes, ça rappelle le « travailler plus pour gagner plus ». C’est une paupérisation des conditions de travail avec une petite carotte au bout. Concrètement, j’ai du mal à imaginer que les enseignants fassent 4 ou 5 heures supplémentaires par semaine, vu que chaque heure de cours demande plusieurs heures de préparation. Avec des enseignants fatigués, qui vont se mettre en arrêt, je ne sais pas si on va y gagner. Il vaudrait mieux avoir un meilleur salaire de base pour rendre le métier attractif. »

On ne peut pas seulement raisonner en termes comptables

Tony Lampuré, 29 ans, professeur de mathématiques, lycée Jean-Renoir, Bondy, Seine-Saint-Denis, syndiqué SUD Education

« Je suis plutôt inquiet. Il faut des créations de postes, pas des suppressions. Il y a aussi un problème de salaire dans l’Education nationale, à tel point que des collègues prennent des heures supplémentaires pour boucler les fins de mois. Il y a aussi un manque de candidats. Le ministre fait de grandes annonces mais j’ai l’impression que l’objectif est de faire des économies. Or, on ne peut pas seulement raisonner en termes comptables : on embauche des contractuels mais encore faut-il les former pour qu’ils ne naviguent pas à vue ? »

Comment peut-on envisager de supprimer des postes en pleine augmentation massive des effectifs ?

Virignie*, 35 ans, professeur de français, lycée Mozart, Le Blanc-Mesnil, Seine-Saint-Denis

« Je suis très choquée par cette annonce, preuve du mépris du ministre quant aux réels besoin de l’Education nationale. Je ne comprends pas comment on peut seulement envisager de supprimer des postes en pleine période d’augmentation massive des effectifs suite au baby-boom des années 2000. Cette mesure absurde prouve une nouvelle fois que les logiques économiques passent avant le droit à l’éducation. C’est un bien mauvais calcul. Au lycée Mozart, les effectifs d’élèves ont augmenté de 30% en cinq ans. Nous souffrons du manque d’adultes pour encadrer les élèves. Dans ce contexte, l’annonce du ministre est catastrophique ».

Qu’ils nous préviennent si c’est utile qu’on passe le concours ou pas, ça ira plus vite !

Léa Hardy, 21 ans, étudiante à l’Ecole supérieure du professorat et de l’éducation (ESPE), Paris IV

« On est assez en colère et inquiets. S’il y a suppression de postes, ça veut dire moins de places au concours. En plaisantant, je disais aux autres étudiants: ‘qu’ils nous préviennent si c’est utile qu’on passe le concours ou pas, ça ira plus vite !’ Ce n’est pas normal ! Après on se plaint qu’il y ait des zones sensibles… On devrait mettre tous les moyens dans l’éducation, comme ça se fait dans d’autres pays européens  car c’est l’école qui forge l’avenir des gens. »

Propos recueillis par Sarah SMAÏL et Mohamed ERRAMI

* A leur demande, les prénoms des personnes interrogées ont été modifiés

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