Catherine a fait le choix de l’éducation bilingue pour son fils. Dans la CLIS (classe pour l’inclusion scolaire) de Champs-sur-Marne, les sourds peuvent apprendre la Langue des Signes Française et le français écrit. Son choix s’explique par la crainte de l’exclusion : « Certains parents sont obligés de mettre les enfants sourds en intégration dans l’enseignement classique. Cela peut-être catastrophique : l’enfant n’a pas de copain sourd, il est très isolé car la communication se fait très peu voire très mal ».

L’école des Deux Parcs est l’une des six écoles en France qui proposent une alternative à l’oralisme. Pourquoi si peu d’écoles ? En 1880, la langue des signes a été interdite, pendant plus d’un siècle. Aujourd’hui encore, le monde sourd sort difficilement de cette longue interdiction. Pour enrayer ces difficultés, l’Éducation Nationale a créé en 2006 des pôles académiques pour l’accompagnement à la scolarisation des élèves sourds ou PASS. Champs-sur-Marne est devenue le PASS de l’académie de Créteil. A ce titre, elle accueille 22 enfants de Seine-et-Marne, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne.

 

Depuis quelques mois, les mauvaises nouvelles s’accumulent pour ces parents. Catherine revient sur les événements précurseurs qui les ont alertés. « Premièrement, les enfants sont partis en classe découverte et la mairie a décidé que les enfants qui n’habitaient pas Champs devaient payer 885 euros alors que les autres enfants n’ont payé que 180 euros. Puis entre Noël et le jour de l’an, nous avons reçu un courrier de la mairie qui expliquait que les tarifs de la cantine passaient de 5 à 13 euros au 1er janvier ».

 

Ces enfants qui n’habitent pas Champs sont essentiellement les sourds qui n’ont pas accès à l’éducation bilingue dans leur commune d’origine. La mairie chercherait-elle à décourager les parents des enfants sourds ? En février, une nouvelle information les assomme davantage : l’Éducation Nationale a alerté le directeur du SSEFIS (Service de Soutien à l’Éducation Familiale et à l’Intégration Scolaire) sur l’École des Deux Parcs. Il a alors rencontré la mairie qui lui a signifié qu’à cause du Grand Paris, ils fermeraient les CLIS d’ici 3 ans. L’inquiétude grandit : « Si cette classe ferme, qu’est-ce qu’on fait avec les enfants ? On déménage dans le 91, à Poitiers,  à Toulouse ? Venir à Champs n’est pas une solution de confort, c’est l’une des rares classes qui existent » me répète Catherine. Mais que vient faire le Grand Paris dans cette histoire ?

A Champs-sur-Marne, le projet du Grand Paris se décline sous la forme de la nouvelle gare de Noisy-Champs. Pour relever ce défi, la ville de Champs doit investir dans tous les équipements annexes à l’accueil d’une nouvelle population. Les financements ne sont pas vraiment précis. Et c’est ce que déplore Daniel Guillaume, 1er maire adjoint (Petite enfance, Enfance, Éducation, Communication)  contacté par téléphone : « On va nous obliger à construire 400 logements par an mais ce qu’on décortique c’est qu’aucun centime ne sera débloqué ni par l’État ni par la Société du Grand Paris pour financer les équipements pour accompagner les nouveaux habitants ».

Concernant la fermeture de la CLIS, il précise que : «  Ce sont des pistes pour revenir sur les dépenses obligatoires et premières. Depuis le début de cette vieille histoire d’amour avec la langue des signes, on a supporté les frais mais il y a des réductions de crédit. On a dans cette école et dans les autres des difficultés de scolarisation. Le soutien des enfants sourds c’est une solidarité nationale, soit on nous donne les moyens réels et on donne les moyens aux familles soit on trouve une autre structure ».

Devant le refus de moyens supplémentaires et la faible voire inexistante participation des communes d’origine des enfants, la mairie a demandé à l’inspection académique si une autre commune était prête à accueillir à son tour cette CLIS.

Le droit à l’école pour tous se retrouve aujourd’hui en danger face au cataclysme du Grand Paris. Et le développement de la ville de Champs pourrait se faire au détriment des enfants sourds. Catherine est consciente de ces manques de moyens : « Il faut que tout le monde mettes la main au portefeuille. Peut-être que si l’on aide financièrement la maire de Champs, elle gardera ces classes ?

De plus en plus de charges sont supportées par les communes. Mais l’autre réalité c’est que cette école est une des rares en France à accueillir les enfants signeurs.

Rouguyata Sall

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