Pendant la campagne présidentielle de 2012, François Hollande avait fait de l’éducation nationale l’une de ses priorités. Cette promesse se concrétise aujourd’hui en grande partie par la réforme des rythmes scolaires. Au niveau local, certaines mairies font pourtant de la résistance. Zoom sur Rosny-sous-Bois.

A Rosny-sous-Bois, commune de plus de 41 000 habitants en Seine-Saint-Denis, la non-application de la réforme des rythmes scolaires constituait l’un des principaux arguments électoraux du maire UMP, réélu en mars dernier, Claude Capillon. Un article publié par leparisien.fr le 3 avril dernier et titré « Rythmes scolaires : le maire UMP dit non » relayait d’ailleurs les arguments avancés par le maire.

Pourtant, le 16 juin dernier, au cours d’une réunion publique organisée par la mairie, le même Claude Capillon annonçait que Rosny-sous-Bois ne fera pas figure d’exception et que par conséquent, la réforme, qui concernera 4 800 élèves de primaire, sera appliquée dès la rentrée prochaine. Selon l’élu municipal, la publication du second décret rend obligatoire la mise en place de la réforme. Pour autant, il insiste sur le fait que cette application se fera à « contrecœur ».

Assis à son bureau, au huitième étage de la mairie de Rosny-sous-Bois, Patrick Capillon, adjoint au maire, délégué aux politiques éducatives et à la petite enfance, présente la réforme des rythmes scolaires comme le plus gros chantier actuel pour la mairie. Il revient sur les grandes étapes du projet : « Après le premier décret de la réforme en janvier 2013, on a travaillé en concertation avec l’Education nationale, les parents d’élèves les services de la ville pour imaginer un schéma qui tenait compte du contenu du décret. Le caractère obligatoire de la réforme n’a été introduit que dans le second décret. » Dès le début, le maire, Claude Capillon, a estimé que c’était une réforme qui avait été mal bouclée parce que non concertée au niveau des maires et que, surtout, elle n’était pas financée à l’euro près et de façon pérenne ».

Patrick Capillon rappelle que le maire a cherché à attirer l’attention, par courrier, accompagné de demandes de rendez-vous au préfet, au ministre de l’Education, dont la réponse unique à ces courriers « consistait à rappeler que la réforme était une bonne réforme à mener mais ne répondait pas aux sujets évoqués dans le fond ». Patrick Capillon poursuit, « sans réponse à ses lettres et à ses demandes avant le premier tour des municipales, le maire a pris la décision de se rallier à la non application des rythmes scolaires à la rentrée ». La possibilité pour les municipalités de ne pas intégrer de Temps d’Activités Périscolaires (TAP) au nouveau rythme semble constituer pour le maire, une porte ouverte laissée par Benoît Hamon et ainsi, une occasion pour faire de la résistance.

Capture d’écran 2014Capture d’écran 2014L’adjoint aux politiques éducatives rappelle que « le deuxième décret précise que les TAP ne sont pas obligatoires ni pour les collectivités, ni pour les enfants. Et nouveauté, Benoît Hamon compte attribuer les 50 euros par enfant même si les TAP ne sont pas mis en place. On devait monter un dossier avant le 5 juin, on n’a pas décidé en concertation avec les enseignants et avec les parents d’élèves parce qu’on manquait de temps, il fallait rendre le dossier le 5 juin ! Les 50 euros seront utilisés de manière à ce que même les élèves qui ne restent pas pendant la pause méridienne puissent en profiter. Je ne sais pas encore quelle forme cela prendra, mais l’argent servira à la formation des animateurs et à la mise en place de matériel pédagogique pour l’accueil pendant la pause méridienne ».

A quelques rues de la mairie, Magali Turlure, membre de la FCPE réagit vivement aux modalités d’applications de la réforme et plus généralement aux politiques menées par le maire réélu. «  La valeur ajoutée de la réforme c’était les TAP ! Nos enfants ne sont pas des rats de laboratoires ! Ils ont besoin d’un rythme ! La réforme qu’on nous propose sur Rosny ? C’est un réaménagement des horaires mais c’est pas la réforme. Pour les familles qui ont des trains à 8h30 alors que l’école commence à 8h40, les enfants glissent en périscolaire et c’est une facture de plus pour les familles. Les deux heures de la pause méridienne ça nous interpelle parce qu’il n’y a pas les locaux. Pas assez de temps pour mener la réforme ? On avait travaillé avec la mairie depuis le 5 octobre, en concertation sur des grilles avec des TAP l’après-midi mais ils ont tout bloqué au moment des élections municipales alors qu’ils avaient largement le temps de la préparer correctement cette réforme. Sauf que pour eux, c’est pas une priorité l’enfance ! ».

Elle accuse d’ailleurs le maire de prendre en otage les enfants de la ville au profit de ses ambitions politiques. La présidente de l’union de coordination locale de la FCPE de Rosny poursuit : « Il veut pas mettre en place les TAP et pourtant il accepte les 50 euros ? Pour moi il détourne de l’argent. Mais d’ailleurs pour pleins de gens ! » Et de terminer à propos des concertations que le maire prétend engager l’an prochain en glissant , «  moi je crois pas en eux« . En l’état actuel des choses, aucun parti ne semble être satisfait du « réaménagement des rythmes scolaires ». Même Patrick Capillon parle de ce changement comme une réforme « a minima » et concède être « mécontent » des dispositions prises pour la rentrée prochaine.

Nous avons tenté de joindre les professeurs des écoles primaires de Rosny-sous-Bois. Malgré un « droit de discrétion » souvent invoqué, trois institutrices Rosnéennes ont souhaité faire part de leur mécontentement et ce, à plusieurs niveaux. Selon elles, le gouvernement a entrepris les réformes scolaires à l’envers. Elles estiment qu’avant une modification des rythmes scolaires, le gouvernement aurait dû tenir ses promesses en termes d’augmentation du nombre de postes dans l’éducation nationale, mais aussi en termes d’allègement des programmes et des effectifs par classe. Au niveau local, elles dénoncent une réforme inadaptée et imposée sans prise en compte des concertations précédentes. Dans le contexte actuel, les instituteurs de certaines écoles primaires comme Jean Mermoz ou Jean Moulin, appellent à la grève pédagogique ce jeudi 26 juin, ainsi qu’à l’occupation des écoles par les parents d’élèves.

Sur fond de contestations massives, cette réforme sonne un peu comme une double peine pour les Rosnéens. Certains craignent que les animateurs et les professeurs des écoles les plus expérimentés partent dans les villes les mieux loties et que les élèves dont les parents en ont les moyens, partent dans le privé (écoles qui elles, ont par ailleurs le droit de rester à quatre jours). Que resterait-il alors des avantages présentés par le gouvernement concernant cette réforme ?

Anne-Cécile Demulsant et Tom Lanneau

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