C’est l’événement sportif du moment pour les habitants d’Évry-Courcouronnes. Sur les réseaux sociaux, on ne parle que de ça ! La « CAN Epinetzo », c’est le nom du tournoi de foot lancé par des jeunes des quartiers des Épinettes et des Aunettes. Depuis plus d’une semaine, la compétition, calquée sur le modèle de la coupe d’Afrique des nations qui aura lieu du 21 juin au 19 juillet en Égypte, séduit les amoureux du ballon rond. Chaque week-end, le stade Jean-Louis-Moulin est le théâtre de joutes conviviales entre les joueurs, des jeunes issus des quartiers, représentant des pays comme le Congo, la Côte d’Ivoire, le Maroc ou encore l’Algérie.

Malgré la pluie, ce dimanche, la petite tribune se remplit progressivement. L’entrée est gratuite. Le stade est occupé par les joueurs qui s’échauffent mais aussi des jeunes qui viennent tâter le ballon pour s’amuser. Pour chausser les crampons et porter le maillot, il suffit d’habiter dans les quartiers des Épinettes et des Aunettes. D’où l’appellation « Epinetzo », un jeu de mots entre « Épinettes » et « (Au)nettes ». Et bien sûr, savoir jouer au foot. « On a l’habitude de faire des matchs entre nous. Comme il y a plusieurs nationalités, on s’est dit qu’il fallait organiser ce type de tournoi », explique Moussa, co-organisateur. Sous ce dimanche pluvieux, deux matchs se jouent simultanément sur les deux parties de la pelouse synthétique. D’un côté, la Côte d’Ivoire défie les DOM-TOM, avec les Guadeloupéens, les Martiniquais, les Guyanais… De l’autre, le Congo se mesure au « Reste du monde », une équipe composée des Italiens, des Asiatiques et autres origines diverses du quartier.

C’est la seconde confrontation qui rassemble une grande partie du public. Pas de banderoles à l’horizon comme on peut le voir dans un stade mais des centaines de jeunes, déchaînés, prêts à encourager leurs champions respectifs. A l’image de Gracias, venu supporter le Congo. Lui-même originaire du pays, ce résident évryen âgé de 22 ans est convaincu de la victoire des siens, vêtus de maillots bleus. « Je pense que le Congo va l’emporter trois buts à un, pronostique-t-il. L’équipe d’en face a des qualités mais nos joueurs vont mouiller le maillot pour gagner ce match. Et c’est là l’essentiel ».

Les supporters massés au bord du terrain, voire sur le terrain

Ça crée de l’ambiance, ça évite les embrouilles

Le match commence avec des retardataires qui viennent se tenir debout le long des lignes de touche, à proximité des quatorze footballeurs (sept joueurs par équipe). La partie s’emballe dès la première minute de jeu.  Des cris d’encouragements fusent de part et d’autre. Les actions dangereuses devant les buts font soulever certaines personnes. Chacun y va de ses commentaires à commencer par Darel, animateur résidant aux Aunettes. S’il espère la victoire du « Reste du monde », ce fan de Manchester United n’a d’yeux que pour le numéro 17 de l’équipe congolaise. Darel sort son portable et commence un Facebook Live, en mode commentateur de beIN Sports. « Le but a été marqué par le numéro 17, Jéro, qui habite dans le même quartier que moi, explique-t-il. Il a l’habitude de ce genre de rencontres. C’est une pièce maîtresse de l’équipe. S’il avait joué le premier match contre le Maroc (perdu 5-2, ndlr), l’issue de la rencontre aurait été différente. »

Dès lors, les buts s’enchaînent. A chaque fois, les jeunes exultent, n’hésitant pas à envahir le terrain. Le tout, sur fond de musique africaine pour agrémenter l’instant. Une démonstration de joie qui fait rire les aînés. « Les petits ne respectent vraiment rien. Ils envahissent le terrain. Normal, comme ça », s’amuse un supporter face à Darel, également surpris par la scène. Et pourtant, il indique avoir connu une ambiance similaire dès le début de la compétition. « Quand l’Algérie a joué la semaine dernière, la tribune était aux couleurs du drapeau algérien. C’était une ambiance de folie quand elle a gagné contre la Côte d’Ivoire (7-2) ».

A la CAN Epinetzo, un but se célèbre… sur le terrain, même pour les spectateurs

Lors du coup de sifflet final, le public envahit de nouveau la pelouse, allant féliciter les joueurs. Difficile de rester en place face aux spectacles proposés par les équipes depuis le début de la compétition. Les jeunes courent dans tous les sens comme si c’étaient eux, les vainqueurs du match. Quoi de plus normal pour Mamadou qui a vu dans ce match si spectaculaire une occasion de faire communion. « Ce tournoi est une bonne chose pour les jeunes du quartier. On partage un moment amical. Tout le monde rigole, apprécie le spectacle, se félicite ce conseiller commercial évryen de 32 ans. Ça crée de l’ambiance, ça évite les embrouilles. Après j’aurais aimé que les gens de tous les quartiers d’Évry puissent avoir le droit de participer. Mais bon, je suppose que les organisateurs n’ont pas eu le temps nécessaire de planifier le tournoi pour ça ».

Venu en famille, Fabien, cadre dans une entreprise de transport et de logistique, repart satisfait de la journée. « Les rencontres ont été bien gérées dans l’ensemble. C’est un tournoi bon enfant. Je m’attendais à ce qu’il y ait des frictions entre joueurs ou dans les tribunes. J’ai été agréablement surpris. » Seule fausse note pour Fabien, « quelques incohérences au niveau de l’arbitrage du match Congo-Reste du monde. Il y a eu trop de débordements durant les temps de jeu, c’était gênant ». Il n’aura pas le temps de suivre la troisième rencontre de la journée, entre le Maroc et la Tunisie (2-2), également commentée sur les réseaux sociaux.

A Créteil ou Aulnay, déjà des émules

Car la CAN Epinetzo fait le buzz sur Internet depuis le début de la compétition. Retransmis en direct sur les réseaux sociaux (Snapchat et Instagram), les matches, interviews et même, conférences de presse, sont visionnés par plus de 50 000 personnes. Le tournoi a reçu le soutien du rappeur Niska, à l’origine de la médiatisation de l’initiative. Mais aussi des stars du foot. Plusieurs footballeurs professionnels en activité ou retraités comme Paul Pogba, Mohamed Sissoko, Didier Drogba, Medhi Benatia ou encore Ricardo Faty y vont de leurs commentaires sur Instagram et Twitter. Chacun apporte même son soutien à son pays d’origine, tel Karim Benzema, vis-à-vis de l’équipe d’Algérie, ou le champion du monde Benjamin Mendy avec l’équipe du Sénégal.

Il aura donc suffi d’une simple initiative lancée par des jeunes de quartier pour qu’elle traverse les frontières départementales. Ainsi, la Coupe d’Afrique des nations des quartiers s’est exportée à Créteil (Val-de-Marne), à Levallois (Hauts-de-Seine) – où le tournoi a pris fin après un match qui a dégénéré – ou encore à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). Un autre tournoi à Clamart (Hauts-de-Seine) serait à l’étude, selon les organisateurs cristoliens.

Du côté d’Évry, rendez-vous ce samedi 25 et dimanche 26 mai pour suivre la troisième journée de la CAN Epinetzo, toujours au stade Jean-Louis-Moulin. Avec la promesse de voir du spectacle, aussi bien sur le terrain que dans les tribunes.

Fleury VUADIAMBO

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