Si les journaux anglais posés au coin des métros misaient tout sur une victoire de leur équipe samedi à Twickenham, le XV de France, lui, ne comptait pas se laisser abattre si facilement. Et pourtant.

Au rugby, un Angleterre-France, on appelle ça un crunch et cette année, peut-être plus que les autres années, ce match reste un événement majeur dans le Tournoi des 6 Nations surtout pour nos bleus. Les supporters attendent beaucoup et comme on a fait le déplacement, on espère en prendre plein les yeux. Dès l’arrivée à l’hôtel, les langues se délient, on parle de la compo qui peut être intéressante pour ce match mais en voyant les visages des joueurs on sent une tension lourde au sein du groupe. Cinq heures avant la rencontre, les joueurs sont déjà très concentrés, Thierry Dusautoir discute avec PSA, Morgan Parra se fait masser. Chacun arbore ses couleurs bleu-blanc-rouge et s’adonne une promenade pour souder le groupe avant le déplacement vers le stade.

Nous, avant la rencontre, on se dirige vers le lieu de réception des Harlequins, une des équipes du championnat anglais de rugby (Premiership). Jean-Claude Skrela est l’invité d’honneur en quelque sorte et offre une analyse d’avant-match avec ses pronostics. « Il va falloir donner du panache, poser les bases dès le début et surtout montrer qu’on en veut ». Pour lui, une victoire française est envisageable, aux joueurs de faire ce qu’il faut. Entre l’entrée et le plat c’est aussi à notre tour de donner nos pronostics. Si je mise sur une victoire anglaise 15-9, Lucile et Sandrine, elles, croient fortement à une victoire française. « Jessica t’es vraiment une traître, tu crois même pas en ton équipe », me disent elles en me taquinant. Le fait est que je crois fortement en eux, mais pas face aux Anglais et certainement pas à Twickenham.

Moment de détente passé, on se dirige vers le stade au milieu d’écharpes rouges et blanches et de pintes de Guinness en main. Les chants anglais résonnent aux quatre coins et le chemin pour atteindre ce stade mythique paraît très court quand on s’amuse un peu. Arborant nos jolis maillots français, on joue aux Chabal sur les photos, nos amis anglais s’incrustant dans chacune d’elles. En effet, les anglais sont eux aussi déjà dans l’ambiance, le stade se remplit progressivement, on croise des français, des anglais et du coup on ne sait même plus en quelle langue s’exprimer. Mais on se rend vite compte que la seule langue compréhensible dans ce stade c’est le jargon du rugby.

Une fois bien agrippé à notre siège, on admire l’immensité du stade, les sourires se trouvent figés sur nos visages, on se dit que sa y est on y est. Les français entrent sur le terrain suivis de près par les angais, le stade est en feu, on claque des mains, on saute, des cris indescriptibles forment une foule joyeuse et en même temps impatiente que le coup d’envoi soit envoyé. L’heure des hymnes est venu : Malika, journaliste spécialiste rugby à Yahoo, procède à sa typique capture du moment avec son appareil photo. La marseillaise résonne et on se rend vite compte que nombre de supporters français ont fait le déplacement pour notre plus grand bonheur. Mais le grand moment, reste celui de l’hymne anglais. Là on se prend vraiment une claque.

Rugby1Le cadre est posé et les anglais donnent le coup d’envoi. Si les français dominent le jeu les pénalités s’enchaînent tout de même. Owen Farrell pour le côté anglais et Morgan Parra pour le côté français sont donc à l’œuvre. Mais tout bascule à la 30ème minute lorsque le centre Wesley Fofana fait une avancée de 70m, balle en main, opérant cinq raffuts et évitant une cuillère (geste de la main sur le pied de l’adversaire pour le faire chuter) de Chris Ashton. Il franchit l’en-but et aplatit le premier essai de la rencontre. A ce moment on se regarde, on se dit que c’est pas possible, mais avec Fofana tout devient possible.

On se retourne gentillement vers notre ami anglais, on serre le poing et on échange quelques mots en signe de joie. Notre John national a le visage fermé mais en tant que fervent supporter anglais, il nous fait un sourire qui voulait dire « ce n’est que la 30ème minute, il reste 50 minutes, on va rien lâcher ». Tant mieux, on attend du spectacle. Les supporters français font entendre leur voix même dans une simple touche, la marseillaise retentit et nous sommes obligés de suivre le groupe et de chantonner avec eux.

Quand à John, il devenait un peu fou sur les bords, il répétait sans cesse aux joueurs anglais « kill him » (tue le) en parlant notamment de Bastareaud ou de Picamoles. Si on comprend vite que rien n’est joué, l’essentiel à partir de ce moment est de réciter notre rugby et de ne surtout pas tombé dans le laisser-aller. Mais comme nous sommes français et que nous ne faisons jamais rien comme les autres, nous lâchons du leste et on voit le match nous échapper petit à petit. A la 39 ème minute, Morgan Parra manque sa pénalité qui aurait permis de creuser l’écart avant la pause, ceci marquera la descente aux enfers des français.

A la mi-temps, on se questionne, on parle entre nous, on prend quelques photos de ce stade immense où on se sent tout petit et une fois le coup d’envoi de la seconde période donné, on reprend notre sérieux. Depuis notre siège on ne s’empêche pas de donner des noms gentils à l’arbitre et de crier quelques mots sympathiques, on sent tout doucement que la situation nous échappe, ce qui ne déplait pas à John qui nous met les mains sur les épaules à chaque occassion anglaise. Le célèbre « Swing Long, Sweet Chariot » est chanté fièrement par nos amis anglais et à force on en vient même, nous supporters français, à connaître les paroles par cœur.

Le british style est de mise autant dans les tribunes que sur le terrain. Assomé par un essai de l’anglais Tuilagui, on enchaîne les erreurs du côté français et lorsque qu’à 5 minutes de la fin du match les anglais mènent 23-13, on sent la foule se diriger tout doucement vers la sortie. Le match est plié, Twickenham et ses 81 219 spectateurs sont en feu, et les français baissent la tête. Nous on reste jusqu’à la fin et notre copain anglais se permet de nous embrasser en guise de sympathie tout en arborant fièrement ses couleurs anglaises.

Les français font la haie d’honneur aux anglais et chacun rentre dans les vestiaires. Quant à nous, on sait que les filles du XV de France affrontent les anglaises juste après dans ce même stade, on assiste à l’hymne des deux équipes mais nous ne pouvons rester plus longtemps. Dans l’Eurostar du retour, j’aperçois Marine de Nadaï, le numéro 4 du XV féminin qui m’avoue que ce match a été un grand moment pour elle et toute l’équipe. Les filles ont en effet gagnés les anglaises chez elles 30-20. Le gros moment positif de ce weekend pour l’équipe de France. Quant à nos bleus, on les retrouve aussi à la gare de St Pancras, Benjamin Fall sourit, Fofana reste concentré casque sur les oreilles, Nyanga et Picamoles se charient mais certains visages restent fermés malgré tout. Cette victoire était en effet importante pour la suite du tournoi, rendez-vous maintenant le 9 mars pour Irlande-France, en espérant voir nos bleus dans la performance.

Jessica Fiscal

 

 

 

 

 

 

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