Tous les regards étaient tournés vers la Bavière, qui renouvelait son parlement ce dimanche, à une semaine du grand rendez-vous de l’élection fédérale. Tom s’est installé quelques jours outre-Rhin afin de prendre la température. 

Dimanche 15 septembre dernier avait lieu l’élection du parlement du Land de Bavière. Ceci, à une semaine de l’élection fédérale allemande, le 22 septembre prochain. À 17 heures 30, au siège national du parti des Verts, Die Grünen, la salle est à moitié remplie. On ressent quand même une certaine agitation : les journalistes ajustent leurs caméras, les militants s’activent, les micros sont branchés et l’estrade sur laquelle vont parler les deux dirigeants du parti est installée. Tout ceci dans une salle assez petite, tapissée de vert, dans laquelle il règne une chaleur étouffante. Les bouteilles de bière (bio, évidemment), et les bretzels affluent par dizaines.

Verts2Verts2Selon un journaliste du Berliner Zeitung, l’importance de cette élection repose sur le fait qu’elle se déroule une semaine avant que les allemands aient à choisir leur chancelier à l’occasion du Bundestagswahl (élections fédérales). « En réalité, la Bavière ne représente que 12,6 des 80 millions d’Allemands, confie-t-il distraitement en regardant la retransmission d’un match de foot à la télé. On ne peut pas non plus dire que ce Land reflète les opinions politiques partagées en Allemagne. Mais cette élection donne un sacré coup de fouet à la campagne ! ». Selon lui, le résultat le plus intéressant à analyser va être celui des libéraux (Parti libéral démocrate appelé FDP) qui risquent de chuter. « Les Allemands détestent les libéraux, ils vont faire moins de 5 % », dit-il en rigolant. Au même moment, la télé centrale diffuse un sondage selon lequel 78% des Allemands ne seraient pas satisfaits du travail des libéraux.

17h50. Dix minutes avant les premières estimations, la salle se remplie soudainement. Les militants écologistes allemands sont plutôt jeunes. La moyenne d’ âge ne semble guère dépasser les 30 ans. La tension est palpable. La plupart des militants écolos espèrent dépasser la barre des 10% dans ce Land, à une semaine de l’élection du chancelier.

18 heures. Les premiers résultats s’affichent sur un écran de taille moyenne situé au milieu de la salle et entouré par une soixantaine de personnes. Le premier réflexe des gens hypnotisés par le petit écran : crier en voyant le score du CSU (Union chrétienne-sociale de Bavière), englobé dans le CDU (Union chrétienne-démocrate d’Allemagne), le parti d’Angela Merkel. 49%, soit une majorité absolue. Lorsque le présentateur télé annonce que les Verts obtiennent 8,5% des suffrages, quelques personnes s’adressent à leurs voisins, mais l’ambiance n’est plus à a fête. Quelques râles de déceptions surviennent même du fond de la salle. En revanche, à l’annonce du score des libéraux (3%), la salle réagit vivement avec des rires moqueurs.

« On s’attendait à avoir plus de 10% »

Malgré cette défaite, un des cinq chefs de bureau du cabinet directeur des Verts, Thomas Lange, m’accorde tout de même une interview. Spontanément, il avouera « je suis un peu déçu du résultat, car on s’attendait à avoir plus de 10%. Enfin pour l’instant, ce n’est qu’un pronostic. Les scores ne sont pas encore définitifs », mais le ton est défaitiste.

Il commence par un bref historique du parti Die Grünen, mettant en avant le fait que le mouvement des Verts en Allemagne n’est pas basé uniquement sur une logique écologiste. « À l’origine, ce parti regroupe des mouvements de révolte contre la société allemande, sa famille patriarcale et la détermination sociale en fonction du sexe ». Cependant, il explique que malgré des actions comme celles menées en 68 en Allemagne, ces mouvements alternatifs ne réussissaient pas à peser sur la scène nationale. « Un mouvement ne suffisait plus. On a dû créer un parti pour pouvoir proposer un autre système, du changement ». Il évoquera d’ailleurs avec un sourire rêveur l’arrivée des Verts au Bundestag (équivalent de l’Assemblée nationale en France) en 1982 : un contraste entre les hommes politiques « traditionnels » et les jeunes élus Verts qui s’habillaient de façon « décontractée ».

Selon lui, l’écologie est représentée par une phrase « La terre, ce sont nos enfants qui nous la prêtent ». C’est-à-dire que ce seront les générations prochaines qui hériteront du monde dans lequel nous vivons. Ainsi, nous devons faire des efforts pour le réparer (écologiquement ou humainement). Il citera d’ailleurs certaines mesures proposées par les Verts comme l’instauration du salaire minimum ou encore la réduction de la circulation des véhicules.

Verts3Bien que Thomas Lange soit un militant écologiste, il avoue comprendre que l’avenir de la planète puisse sembler dérisoire, face à des situations de crise que subissent actuellement la Grèce, l’Italie, l’Irlande, l’Espagne… « Selon moi, nous ne pouvons nous soucier de l’écologie que lorsque nos besoins primaires sont satisfaits. C’est normal que l’on pense d’abord à sa sécurité ! » Cette réponse entraînera l’indignation de certaines personnes présentent dans la salle au moment de ces paroles : « non, mais c’est fou ! Il est chef du bureau du cabinet des Verts et il dit ici que l’écologie n’est pas faite pour les pauvres ! »

Par la suite, Thomas Lange évoque la coalition Parti Socialiste – Europe Ecologie Les Verts (EELV). Il revient notamment sur la déclaration faite la veille par le secrétaire national d’EELV, Pascal Durand, lançant l’ultimatum suivant au Parti socialiste : « le président de la République a six jours pour nous dire ce que va vraiment être la transition énergétique (…) [Sinon], j’en tirerais les conséquences et je demanderai au mouvement d’en tirer les conséquences ». Thomas Lange soutient son homologue français. Selon lui, François Hollande a tendance à trop laisser de place aux compromis, ne pouvant pas accomplir de mesures importantes. « Il faut le pousser à agir sur la politique intérieure française ! Nous voyons qu’il se lance dans des guerres extérieures pour éviter d’avoir à résoudre les problèmes dans son pays! », dira-t-il avec une certaine gravité.

« Hollande n’est pas rayonnant »

En revanche, il se montrera beaucoup plus conciliant avec Angela Merkel, pourtant adversaire politique du parti. Il reviendra notamment sur la promesse de cette dernière sur la quasi-sortie du nucléaire en Allemagne d’ici 2022. « Selon moi, ce n’est pas de la démagogie, car elle a déjà agi sur la promotion de certains changements énergétiques ». D’ailleurs, le directeur du cabinet des Verts vante le fait que cette amélioration ait été impulsée par son parti. « Mais l’objectif des Verts est de produire trois fois plus d’énergie grâce aux éoliennes et aux panneaux solaires. D’ailleurs, lors de la dernière campagne, tout un Land de l’Allemagne n’a été alimenté que par les énergies renouvelables ! » Pour augmenter l’efficacité de cette nouveauté, il évoque la possibilité d’ouvrir les énergies renouvelables aux lois de la concurrence du marché.

T. Lange enchaîne en disant qu’en Allemagne, on ne prend jamais la France en exemple. Alors que l’inverse est moins évidente. « On ne peut pas les prendre comme exemple, car c’est un gouvernement socialiste. Et puis il faut dire ce qui est : Hollande n’est pas rayonnant », lâche-t-il avec un large sourire.

Enfin, il évoque les mesures phares que prendrait le gouvernement s’il passait sous les couleurs vertes. « Tout d’abord, nous mettrions fin à l’exploitation industrielle animale », puis, il attrape un prospectus de son parti et enchaîne en lisant le bout de papier « nous instaurerions aussi un salaire minimum, nous engagerions un grand programme de changement énergétique, l’exportation des armes serait plus réglementée… ». Avec ce programme, Thomas Lange dira espérer obtenir le résultat de 13% la semaine suivante, chiffre en baisse après une croissance exponentielle suite à l’incident de Fukushima.

Selon une femme travaillant pour la communication du parti, cette chute est due au fait que l’opinion publique a « oublié » l’événement. Elle se plaint aussi d’un acharnement des médias sur son parti « que ce soit la presse ou les autres partis politiques… Sûrement, parce qu’ils avaient peur ! », dira-t-elle avec son accent reconnaissable.

« Nous mettrons plus d’argent au service de la formation et de l’écologie »

S’en suit une allocution télévisée des deux candidats du Parti Bündnis 90 [Alliance 90, groupe d’opposition d’ex Allemagne de l’est]/Die Grünen, Jürgen Trittin et Katrin Göring-Eckardt. « Nous avons l’intention de devenir des précurseurs (…) Il ne faut pas nous sous-estimer ! (…) Nous mettrons plus d’argent au service de la formation et de l’écologie ». Ils pointeront aussi du doigt le fait que le FDP et le CDU exploitent le charbon, ce contre quoi ils souhaitent lutter « pour se faire, nous avons besoin de cohabiter ! ».

Piar Kürsdörfer, étudiante en économie de 24 ans et militante écologiste habillée en vert, dit s’être investie dans ce parti, car selon elle, c’est un domaine primordial pour l’avenir bien qu’elle ne sache pas définir ce qu’est « être écolo ». Elle avouera d’ailleurs que son déclic n’a pas été un documentaire télé ou un manifeste, mais son copain. Mais elle s’implique fortement dans des mouvements soutenant la sortie du nucléaire. Elle espère d’ailleurs que si les Verts arrivent au pouvoir, leurs premières mesures se concentreront sur les énergies renouvelables.

Une étudiante en psychologie de 20 ans nommée Eva, prend part au débat. Revenue de France il a peu, elle souligne les différences entre l’écologie française et allemande. Elle fait part de sa proximité avec la nature sans pour autant être militante écologiste. « Dans certaines villes, les gens achètent des jardins même si ce n’est pas à côté de chez eux ! Ils utilisent aussi plus les vélos et les transports en commun qu’en France ». Selon elle, les raisons pour lesquelles les Allemands ont une conscience écologiste plus développée qu’en France repose dans le fait que dès le plus jeune âge, on inculque aux Allemands certaines valeurs « vertes ». « Par exemple, en cours, nous étudions les conséquences du gaz à effet de serre et les alternatives aux énergies nucléaires. Il y a même des troupes de marionnettistes qui passent dans les écoles et qui sensibilisent les jeunes à l’environnement ! »

Nous verrons si la semaine prochaine, la récolte des voix pour les Verts relève plus de la famine ou de la récolte massive. Pour l’équipe de campagne des Verts, la deuxième option est plus probable. « Nous pensons que le fait que les gens voient un score aussi faible pour les écologistes les fera se déplacer plus massivement aux urnes ».

Tom Lanneau

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