À quelques pas de la Piazza di Spagna, au milieu des allées et venues des touristes et badauds, Patricia et d’autres militantes ont posé leurs banderoles pour dénoncer les bombardements subis depuis plus de vingt jours sur le bande de Gaza. 

17 heures, au cœur de Rome. La ville où mènent tous les chemins est envahie par les touristes, animée par les peintres et rythmée par les accords des musiciens massés sur les trottoirs. Il fait une chaleur suffocante ce dimanche 27 juillet. Peu de chance de trouver de l’ombre : ceux qui ont trouvé le Saint Graal sur la terrasse d’un café ont du mal à céder leur place.

Pas loin de la place centrale, parmi les rires et les guitares, une femme donne de la voix dans un mégaphone. C’est Patricia. La soixantaine, les cheveux gris, elle fait partie d’ un stand de soutien au peuple palestinien situé sur une petite place annexe avec une poignée de femmes de son âge. Celles-ci viennent de différentes associations : Rete romana di solidarietà con il popolo Palestinese, Amici della mezza luna rossa Palestinese, U.S citizen for peace, Con la Palestina nel cuore,… « Nous sommes réunies pour la paix et la justice » résume l’une d’entre elles.

10564605_10203556303220416_1342452829_n10564605_10203556303220416_1342452829_nDevant leur tente, plusieurs slogans sont posés au sol, dénonçant le « terrorisme israélien » et le « génocide à Gaza ». « Les médias nous manipulent, notre stand a pour but d’informer les gens et les tenir au courant de la situation » explique Patricia, souriante, un keffieh sur les épaules. Plusieurs centaines de personnes passent par la place sans même prêter attention à la tente verte. Néanmoins quelques dizaines d’entre-elles s’arrêtent pour poser des questions aux associations, devant les photos de blessés de guerre, et de familles pleurant leurs proches ayant perdu la vie dans les bombardements.

Ces femmes rejettent avec force toute amalgame : « Nous ne sommes pas antisémites mais antisionistes ! » Néanmoins, Patricia insiste : « Israël veut se faire passer pour une victime, mais ils ne se défendent pas, ils attaquent ! » L’une de ses amies ajoute :  » Cette colonisation continue à pour but de vider Gaza de ses habitants, et cette agression est justifiée par l’holocauste depuis 1948 ! »

Anissa est assise au centre de la table. Les cheveux gris et la soixantaine passée, elle parle couramment français. Gaza, elle connaît bien. Elle y a travaillé dans le domaine social, entre l’Égypte, la Cisjordanie, et la Palestine. Attachée au lieu et à la population, elle se sent particulièrement impliquée dans ce conflit : « Je suis révoltée par la politique coloniale et raciste d’Israël, mais aussi par le silence de notre gouvernement sur les événements. Se taire c’est apporter son soutien à la colonisation ! » lance t-elle avec fougue. « Les médias nous disent qu’Israël essaie d’éviter les victimes civiles… Par exemple, avant les bombardements, ils conseillent à la population de fuir. Mais pour aller où ? Ils ne peuvent pas fuir la bande de Gaza ! C’est ridicule. »

Fréquemment en contact avec la population palestinienne vivant au coeur des zones dévastées, elle raconte les conditions de vie actuelles. Coupures d’eau et d’électricité sont le lot quotidien des civils, les centrales électriques ferment,  les destructions de lieux de culte et d’écoles sont fréquentes. De Gaza, les amis d’Anissa lui demandent « de faire connaître leur situation, de montrer ce qu’Israël est en train de leur faire subir, et crier au monde qu’ils existent » rapporte-t-elle avec émotion.

10583117_10203556303300418_1740093276_nL’interdiction de manifester à Paris ? Même les moins bien informés semblent être au courant. La nouvelle a dû faire grand bruit. « Un pays prônant la liberté, l’égalité et la fraternité ne doit pas empêcher son peuple d’exprimer son empathie avec un peuple en souffrance ! Quelle déception » assène Anissa. « C’est bafouer le droit du peuple » ajoute Patricia. Un jeune homme d’origine anglaise entend la conversation et tient à y prendre part : « en France, il y a de plus en plus de problèmes avec la censure. Hier c’était Dieudonné, aujourd’hui ce sont les manifestations. Et à chaque fois ça tourne autour du même sujet : Israël ! »

Si les membres du stand affirment que l’engouement de la population italienne est moindre qu’en France à propos du conflit, la tension peut monter d’une minute à l’autre sur la petite place. En atteste la présence d’une voiture de police. « En général, il n’y a pas trop de problèmes. Mais quelques pro-Israéliens crient devant le stand et nous insultent. Hier par exemple une personne a craché sur notre pancarte » relate Patricia. Les conversations autour de la tente sont animées : ça parle fort, avec les mains. Simone, 16 ans n’est pas d’accord avec les manifestants, « si le Hamas tire sur Israël c’est normal qu’il se défende« . Selon lui, le nombre de victimes civiles aurait pu être diminué avec « une meilleure communication au sein de la bande de Gaza« . Mais il tient à ajouter qu’il n’est « pour aucune des deux parties. Je suis contre la mort, pour la paix. »

Seul incident notable du jour, une française bouscule une manifestante en lui hurlant au visage « tu ne connais rien de ce qui se passe là-bas, alors ferme ta gueule ! » La police s’interpose et tout rentre rapidement dans l’ordre. Un manifestant confie même, quelques secondes après que « tous les jours, il y a des tentatives d’intimidation…mais ils ne comprennent pas que ça ne marche pas ! »

Paradoxalement, le plus grand espoir d’Anissa pour la résolution du conflit vient d’Israël. Elle cite l’exemple des cinquante réservistes israéliens refusant de se rendre au front, à Gaza, ou encore des manifestations dans les rues regroupant plusieurs milliers de personnes dans les rues de Tel Aviv. « Les Israéliens doivent se révolter« , c’est la pensée qui semble dominer ici.

Tom Lanneau

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