Au moins 200 personnes se sont réunies samedi 9 janvier au soir sur le parvis de la mairie de Montreuil en soutien à Moussa Tchantchuing. L’humanitaire français de 28 ans est emprisonné au Bangladesh depuis bientôt trois semaines, en attendant son jugement.

La sono est branchée. Test micro. Un deux un deux. Les bénévoles du comité de soutien pour la libération de Moussa s’activent pour accrocher deux portraits en noir et blanc de Moussa Tchantchuing sur la façade de la Mairie de Montreuil. Les nombreux commerces adjacents font les allers et venues des badauds sur le parvis de la mairie. Certains s’arrêtent. Une femme demande « qui est le jeune homme sur l’affiche ? »Montreuilloise, elle n’a « entendu parler de cette histoire nulle part. » Il faut dire que la couverture médiatique à propos de la mise en détention de ce ressortissant français se fait sans tambour ni trompette. « C’est plutôt silence radio, il y a eu quelques lignes dans la presse, et encore c’était lapidaire ! » s’étonne une jeune femme venue avec son bébé, présente parmi au moins  200 autres personnes qui ont fait le déplacement.

Au même moment sur internet, une vidéo commence à faire le tour des réseaux sociaux. Relayée par l’ONG BarakaCity qui emploie Moussa, on y voit Manuel Valls, en déplacement à Evry (91) le 8 janvier, aux côtés du maire Francis Chouat. Interpellé au sujet de la détention de l’humanitaire français, le Premier ministre botte en touche en cinq sec en faisant une réponse du berger à la bergère.

httpv://www.youtube.com/watch?v=Gdtj3EwvTVM

Détenu depuis le 22 décembre dernier dans un centre d’incarcération du sud du Bangladesh, Moussa Tchantchuig attend du fond de sa cellule que le juge chargé de statuer daigne se prononcer. L’audience a à plusieurs reprises été reportée : une fois, car ledit juge « était en vacances » , une autre fois la procédure a été ralentie, le rapport de la police n’étant pas parvenu au tribunal. « Le bureau de police se trouve en face du tribunal » précise Kamdem, le grand frère de Moussa, qui souligne l’excès de zèle du pouvoir judiciaire bangladais. Mais aussi le comportement du Consul de France au Bangladesh, Charley Causeret, qui a rendu visite à son frère fin décembre. En lieu et place de soutien, « mon frère a du essuyer des reproches. Et la visite n’a pas duré plus de 20 minutes et non pas deux heures comme ont pu avancer les autorités… »

IMG_2339Pour le maire de Montreuil, Patrice Bessac (FDG), « c’est un homme sincère et intègre qui a été emprisonné. Montreuil n’abandonnera jamais l’un de ses enfants. Cet entrepreneur d’humanité a fait sienne la souffrance des autres. Cet homme, notre concitoyen paie aujourd’hui de sa liberté. » Patrice Bessac assure que sa municipalité a effectué des démarches en faveur de la libération de Moussa. Un démarrage un peu long à la détente pour certains proches de l’humanitaire. Un constat analogue pour Sihame Assbague, « on a connu d’autres cas de français emprisonnés à l’étranger et pour lesquels on s’est davantage impliqués. »

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Etat d’urgence, déchéance de nationalité, contrôle au faciès. Le cas de Moussa cristallise à lui seul toutes ces thématiques politico-sociétales. Plusieurs raisons expliquent la discrétion des autorités et des médias pour Sihame Assbague : « Moussa est Noir et musulman, l’identification de l’opinion publique quand il s’agit d’un « Français sans origine » est plus facile, là en l’occurence ça parle moins. Par ailleurs, le lien avec BarakaCity qui est fortement décriée par les médias et les pouvoirs publics peut expliquer leur silence dans cette affaire. Enfin, la raison même de la présence de Moussa sur place, à savoir l’assistance à une population opprimée et ignorée fait qu’il y a très peu d’intérêt. »

« Nous avons réussi à avoir Moussa au téléphone jeudi 7 janvier. Il garde le moral, mais s’inquiète pour la maman. Nous avons été reçus par l’Ambassadeur du Bangladesh en France. Il s’est voulu rassurant, mais il n’y a pas de quoi être confiant » témoigne Kamdem. Il est également parvenu à décrocher premier un rendez-vous au Quai d’Orsay lundi 11 janvier prochain.

En attendant, le délibéré, maintes fois reporté, devrait avoir lieu ce dimanche 10 janvier au matin vers 11 heures, soit à 6 heures, heure française. Le juge peut décider une libération provisoire de Moussa mais de ne pas abandonner les poursuites, en attendant un procès dans plusieurs mois. Il peut aussi décider de clore définitivement le dossier.

Hanane Kaddour

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