Je suis une enfant des années 1990. J’ai regardé Les Minikeums, Les années fac et le Cosby Show. J’ai joué aux Pogs, à la Nintendo et à Docteur Maboul. J’ai eu un lecteur cassette dans lequel j’ai usé et abusé de la face A de la K7 d’Hélène Rollès, héroïne inoubliable de Hélène et les garçons. Comme toutes les filles de l’époque j’ai fermé les yeux très forts espérant qu’en les ouvrant, je serai blonde comme la belle Hélène et que mon amoureux s’appellerait Nicolas. Mais ça, c’était avant de découvrir le bouton de la radio sur mon lecteur cassette. Je suis née le jour où je l’ai tourné et que j’ai entendu : « On est jeunes et ambitieux, parfois vicieux, faut qu’tu t’dises qu’tu peux être l’prince de la ville si tu veux, où tu veux, quand tu veux », un refrain qui a mis un chassé dans les côtes de l’arnaque made in TF1.

Je ne chantais plus « Hélène, je m’appelle Hélène », mais « on vit en HLM les uns sur les autres, lits superposés, rien connu d’autre ». À l’époque, je ne savais pas qui chantait ce truc mais je ne pouvais plus me passer de ce son. Une tuerie. En fait, c’était le groupe 113. Le 113 n’avait d’ailleurs pas fini de déboucher mon conduit auditif puisque c’est tout l’album Les Princes de la ville qui était un bijou. Piste 9, Jackpotes 2000 : « j’me fais tout p’tit pour pas qu’les videurs me triquard à l’entrée ça refoule on n’accepte pas les fêtards, accompagné, faut l’être si tu veux danser, le physio qu’est à la porte ne parle pas un mot d’français, 2m10, un clando, un beau morceau. »

Les lyrics tuent, mais elles ne sont rien sans ce son qui fait danser jusque dans la cour de l’école. Et je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans peuvent aussi connaître. Parlez à n’importe qui du 113, petit ou grand il vous répondra « Eh tonton, les cabas ils sont trop lourds. Euhhh allez montez dans la voiture… j’voulais rester à la cité mon père m’a dit léléla dans ce cas-là j’ramène tous mes amis léléla alors dans une semaine j’rentre à Vitry léléla j’irai finir mes jours là-bas ouah ouah ouah. » Tonton du bled, racontait avec brio le voyage en 504 d’un mec en partance de Vitry pour Bejaïa City.

Incroyable, on chantait haut et fort « à Paris j’ai dévalisé tout Tati », presque fiers d’être pauvres et reniant le survêtement Lacoste, Sergio Tacchini ou Kappa pour lequel on s’était saignés. Les années collège, c’est les années où tu bricoles comme tu peux pour ne surtout pas te différencier des autres. Alors que tout le monde portait une paire de Nike Air, moi je m’accrochais à la branche comme je pouvais, mais rien à faire, des baskets à 500 francs c’était trop. Résultat : j’ai pas eu des Nike Air mais un modèle asthmatique dégoté dans un magasin de déstockage.

Il m’arrive d’être nostalgique quand je repense à cette époque. Je l’oublie souvent mais il y a quelques jours un événement me l’a rappelée. Dj Mehdi est mort. Qui c’est ? Un DJ et producteur phare du hip-hop. Et vous savez quoi, c’est bien lui qui avait signé la prod de l’album Les Princes de la ville du 113. Dj Mehdi est mort, je me souviens. J’ai grandi, le temps a passé vite. Lui est sûrement parti trop tôt.

Joanna Yakin

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