Le Bondy Blog : Si tu devais te présenter…

Myth Syzer : Je suis Myth Syzer, j’étais beatmaker à la base puis je suis devenu rappeur-chanteur. Je me suis mis à poser il y a un peu moins d’un an et cette année, j’ai sorti deux projets, « Bisous » et « Bisous Mortels ».

Le Bondy Blog : Tu es connu en tant que producteur, tu as notamment produit pour Hamza, Damso ou encore La Fouine. Quelles ont été tes influences et qu’est-ce qui t’a poussé à composer ?

Myth Syzer : Ma principale influence vient de Dr. Dre, avec ses albums « The Chronic » et « 2001 ». C’est lui qui m’a poussé à faire des instrus. Puis il y a eu Kanye West. Plus tard, j’ai découvert des beatmakers un peu plus expérimentaux comme J. Dilla, Flying Lotus ou Madlib. Par la suite, ça s’est confirmé avec les nouveaux producteurs comme Metro Boomin et Southside [qui ont produit pour des stars du rap américain tel que Drake, ndr].

Le Bondy Blog : Tu es issu du collectif Bons Gamins. Quelles sont les origines de ce groupe ?

Myth Syzer : Ca fait dix ans que je suis sur Paris. J’ai d’abord rencontré Loveni puis Ichon. Tous les deux rappaient et moi j’étais beatmaker. Le feeling est bien passé humainement entre nous et donc on a décidé de former le groupe Bons Gamins. Ca existait un peu avant grâce à Loveni, puisque son grand frère l’appelait « bon gamin ». Nous on aimait bien ce blaze et du coup c’est resté.

Le Bondy Blog : Plus tôt dans l’année tu as sorti l’album « Bisous », quel bilan tires-tu de ce projet ?

Myth Syzer : Un bilan très positif ! Ça m’a permis de faire pas mal de concerts, d’avoir de nouveaux auditeurs, surtout des femmes (rires). J’ai osé faire ce genre d’album sur l’amour et du coup je me suis lancé sur un nouveau délire, une nouvelle page s’est tournée pour moi. Ca m’a fait du bien parce que j’en avais besoin, je commençais à bloquer en ne faisant que des instrus.

Le Bondy Blog : L’amour est le leitmotiv de « Bisous ». Quelle a été la genèse de cet album ?

Myth Syzer : C’est parti de la relation que j’avais avec mon ex-copine, qui écoutait pas mal de sons autour de l’amour. Je voulais un peu l’impressionner (rires) et du coup je me suis mis à faire des chansons comme ça. Ça a donné le morceau « Le code » dans un premier temps, mais à la base je voulais juste faire un morceau pour me taper un délire et il s’avère qu’il a marché. Du coup ça m’a encouragé à en faire d’autres, j’en ai fait 2, 3, 4 etc et ça a donné un projet.

Le Bondy Blog : À quel moment t’es-tu décidé à passer derrière le micro ?

Myth Syzer : Justement, avec ma relation, j’avais envie de pouvoir parler, qu’elle comprenne plus que juste une instru. C’est comme ça que j’extériorise en général, en faisant du son, mais avec cette personne-là j’estimais qu’une instru ne suffisait pas, donc il fallait que je prenne le micro.

Le Bondy Blog : On observe que tout a été travaillé autour de l’album, jusqu’à l’imagerie et aux roses au milieu d’un vase brisé sur la pochette. Souhaitais-tu créer un univers autour de ce disque ?

Myth Syzer : Il fallait que tout soit cohérent avec les morceaux. On a réussi à faire une pochette qui collait bien avec les sons. On a ramené un côté nineties même si je n’aime pas ce mot, il est présent dans les sonorités de mon album et je ne peux pas le nier. En termes de direction artistique et de photographie, on a souhaité créer tout un délire autour de ça.

Le Bondy Blog : Le 30 novembre dernier, tu sortais « Bisous Mortels ». Pourquoi être revenu si vite ?

Myth Syzer : J’en avais vraiment besoin. Cette année, je ne voulais pas m’arrêter à faire un projet seulement romantique, parce que ce n’est pas entièrement moi. J’ai toutes les facettes, comme toi tu peux avoir toutes les facettes, l’amour, la haine les deux se mélangent et j’avais besoin de cracher ce truc-là. J’ai sorti ce projet pour un besoin. J’avais des morceaux qui dormaient que j’aimais bien et je voulais les sortir cette année. J’ai fait le dark side de « Bisous ».

Le Bondy Blog : « Bisous Mortels » tranche radicalement avec « Bisous » au niveau des sonorités, avec des paroles beaucoup plus sombres, et même la pochette sur laquelle on te voit avec le visage tuméfié. Peut-on considérer « Bisous Mortels » comme une suite logique à « Bisous », ou est-ce un projet totalement opposé au précédent ?

Myth Syzer : Plus comme une suite. Ils sont complémentaires, un peu comme le Yin et le Yang, ou comme si t’arrivais au cinquième chapitre d’un livre et que ça commençait à devenir sombre. C’est un peu ça le délire.

Le Bondy Blog : Ce qui différencie également les deux projets, c’est que sur le premier figurent plusieurs chanteuses telles que Bonnie Banane ou encore Lolo Zouai, alors que sur le deuxième on ne trouve que des rappeurs. Etait-ce un parti pris ?

Myth Syzer : Ce n’était pas voulu, tout ça s’est fait inconsciemment ! Quand je pense à la femme, je pense à la douceur et au bien-être qu’elle peut nous apporter, et du coup elles sont plus intervenues sur « Bisous ». Sur ce nouveau projet je me suis pas senti de mettre trop de femmes, je ne connais pas du tout de rappeuses et je ne voulais pas spécialement de chant sur ce projet.

Le Bondy Blog : Sur les deux projets, on constate la présence de rappeurs de l’ancienne et de la nouvelle génération comme Doc Gynéco et Roméo Elvis sur « Bisous », puis Lino et Take a Mic sur « Bisous Mortels ». Etait-ce important pour toi de mélanger les époques et les styles sur tes deux projets ?

Myth Syzer : C’est ce que j’aime dans la vie, rencontrer des gens complètement différents et c’est ce que j’aime dans la musique également. C’était facile d’enregistrer avec tout le monde, tout s’est très bien passé, on s’entend tous très bien humainement.

Le Bondy Blog : Etait-ce difficile de réunir autant d’artistes ayant un style différent autour d’un seul thème ?

Myth Syzer : Pas du tout ! A l’époque où je n’étais que beatmaker, j’avais essayé de réunir six ou sept rappeurs sur un morceau, mais c’était compliqué. Mais là tout s’est fait au compte-goutte, sans trop de calculs et sans avoir en tête de faire un projet. J’avais des featurings qui s’accumulaient, et au bout de cinq six feats je me suis dit que j’allais faire un projet.

Le Bondy Blog : Appréhendais-tu de faire un album totalement solo, et est-ce ce qui explique la présence d’autant de rappeurs sur tes deux albums ?

Myth Syzer : Ce n’est pas de l’appréhension, c’est que je ne me sens pas encore capable de faire un projet solo. J’ai encore pas mal de trucs à bosser. En termes de refrains je pense ne pas être trop dégueulasse, donc j’en fais pas mal sur « Bisous mortels », et puis j’ai invité mes gars. Je voulais garder l’esprit de « Bisous » et c’est pour ça que c’est cohérent entre les deux, je pose autant sur l’un que sur l’autre. Aujourd’hui c’est sur l’écriture que je dois encore m’améliorer, et je dois encore perfectionner ma voix.

Le Bondy Blog : Qu’est-ce qui te fascine tant dans l’amour ?

Myth Syzer : C’est ce côté électrique et puissant qui peut à la fois te faire énormément de bien et te détruire, il faut être prêt pour l’amour. C’est ce qui me plaît, c’est un sujet simple mais il y a tellement de choses à dire dedans, et il faut oser les dire. J’ai fait part de mes faiblesses dans « Bisous » et j’ai osé insulter tout le monde dans « Bisous Mortels ». Ce sont les deux côtés de l’amour : avec ta meuf vous pouvez vous insulter tout comme vous pouvez vous embrasser et j’ai voulu retranscrire ça dans les deux projets.

Le Bondy Blog : Perçois-tu plus de considération envers les producteurs en France ?

Myth Syzer : Je pense, notamment avec des gars comme Ikaz Boi [qui a notamment produit pour Damso ndr], mais parce qu’on taffe énormément. Ça commence à venir et on s’intéresse de plus en plus à nous, les gens grattent plus et s’intéressent à qui a produit un titre etc. Mais ce sont quand même les chanteurs et les rappeurs qui sont sur le devant de la scène et ça ne changera jamais.

Le Bondy Blog : Qu’est-ce qui manque selon toi pour que la France rattrape son retard sur les Etats-Unis, où des producteurs comme Dr. Dre, Dj Khaled ou encore Timbaland sont de véritables superstars ?

Myth Syzer : On a du mal à s’ouvrir en France et on aime bien classer les gens dans des cases. Je me suis déjà pris un tweet « Mais t’es beatmaker t’as pas le droit de rapper », c’est ce genre de cases qui sont réelles en France. C’est à nous artistes d’amener le public vers d’autres univers et de prendre des risques. C’est pour ça que je respecte énormément les gens qui en prennent comme Hamza, qui est mélodieux et qui mélange l’anglais et le français dans ses textes. Je pense que peu de gens osent et c’est pour ça qu’il y a du retard, mais si on osait autant que les Américains il n’y aurait pas tant de retard que ça.

Le Bondy Blog : Sur les deux projets, en plus des membres de Bons Gamins on retrouve également Jok’air et Hamza. Quels rapports entretiens-tu avec eux ?

Myth Syzer : Ca fait longtemps qu’on se connait avec Hamza, c’est pendant qu’il sortait son album « H-24 » qu’on s’est connu. J’ai fait pas mal de séances studio avec lui et il est impressionnant en termes de mélodie et de flow. Je pense qu’il est le meilleur. On a une relation à distance en ce moment parce qu’il est à Bruxelles et moi à Paris mais on se capte de temps en temps. Quant à Jok’air, je l’ai connu quand j’ai fait le morceau « Cigarette » avec lui et Alkapote. On est restés en contact puis je l’ai invité sur « Bisous » dans le titre « Voyou ». C’est un très bon gars, très gentil et qui fait partie des artistes en France qui prennent des risques.

Le Bondy Blog : Comment ont réagi les membres de ton groupe lorsque tu t’es mis à rapper ?

Myth Syzer : Personne ne m’a découragé. Il n’y avait pas d’encouragements à vrai dire, ils m’ont laissé faire, ils m’ont dit des fois « c’est bon ! » d’autres fois « c’est pas bon ». On se donne des conseils tous ensemble, c’est la famille.

Le Bondy Blog : Quel bilan fais-tu de cette année 2018 ?

Myth Syzer : Un bilan très positif ! Parce que qu’est-ce que j’aurais fait si je n’avais pas osé prendre le micro, est-ce que je serais en train de parler avec toi ? Peut-être que mon année aurait été meilleure ou moins bien, on ne sait pas, c’est le destin. Je me sentais cantonné au beatmaking, donc peut-être que j’aurais été saoulé et que j’aurais arrêté. En tout cas, je me sens beaucoup plus épanoui parce que je suis un artiste à part entière et je peux le dire maintenant. Même si je ne suis pas totalement au point sur la partie rap, je sais que je suis en mesure de faire un album rap sans l’aide de personne. Il n’y a que du positif, j’ai fait des festivals, des tournées, les salles sont remplies et les gens connaissent mes paroles. Si j’inspire des gens c’est tout bénef. Je ne prétends pas être quelqu’un d’inspirant mais si je fais des trucs qui inspirent des gens ça tue et je suis honoré de ouf ! Et si je suis à la base d’une nouvelle mouvance de beatmakers qui veulent rapper ça tue.

Le Bondy Blog : Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour 2019 ?

Myth Syzer : D’être heureux tout simplement. De continuer à faire ce que j’aime, de continuer à oser et que ça plaise aux gens. Pour le moment je vais lever le pied et me contenter des faire des beats. Je vais prendre du recul sur cette année et réfléchir à ce que je vais envoyer en 2019, mais en 2019, je serai présent.

Propos recueillis par Félix MUBENGA

Crédit photo : Elsa GOUDENEGE

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