« C’est toujours après une émeute qu’on parle de Sarcelles » assure Bambi, une jeune sarcelloise de 15 ans. Dans ce film documentaire de 52 minutes, la ville de Sarcelles, méconnue, fantasmée, et souvent présentée comme le haut lieu de la criminalité et de la délinquance, est dépeinte de manière complexe à travers les questions de la cohésion sociale et multiculturelle, dans une ville-monde de la banlieue nord de Paris, composée de 90 communautés.
Le film nous invite à un voyage urbain à travers les récits de 9 Sarcellois de tout horizon, de toutes origines et de tous âges, aux trajectoires diverses, au cœur d’une ville, vitrine de la diversité, qui peine à « vivre ensemble » et à « faire ensemble ». Il interroge la cohésion sociale et multiculturelle, la question de l’identité et du vivre ensemble dans les quartiers de Sarcelles.
Eddy, Belkacem, Bambi, Michel, Gilles et les autres racontent comment ils ont vu leur ville évoluer au fil des années depuis leur arrivée et dépeignent leurs rêves, leur ville idéale où toutes les communautés ne vivraient pas les uns à côté des autres, mais coexisteraient. L’enjeu principal du documentaire est de démontrer, à travers l’histoire du grand ensemble de Sarcelles, construit à la fin des années 50, comment les liens de solidarité qui unissaient des communautés diverses socialement et culturellement se sont délités et quel avenir pour ces quartiers ?
Alimenté par des images d’archives des années 1960, le film retrace avec précision et finesse l’histoire de ce grand ensemble où régnait mixité sociale et culturelle en harmonie jusqu’au milieu des années 1970, ville heureuse et unie dans la douceur des 30 Glorieuses. Belkacem, un ex-rapatrié algérien, réside au quartier des Sablons depuis 1965 et se souvient avec nostalgie des moments de convivialité partagés avec ses voisins avocats, médecins, hauts fonctionnaires au bas des immeubles neufs, symbole de la modernité d’après-guerre. Il regrette : « on est passé du grand ensemble où on se côtoyait, où on se rencontrait, maintenant on se croise dans la rue ». Harry Alimi, ex-sarcellois, d’origine juive déplore la ségrégation dans les quartiers : « le jeune musulman et le jeune juif ne se croisent plus. La ségrégation crée des fossés entre les communautés ».
Sarcelles est une ville-monde, aux mille visages, multiculturelle et religieuse où les communautés religieuses sont pleinement reconnues, mais où le repli communautaire gagne du terrain. Nabil Koskossi, militant associatif sarcellois, est ambitieux et veut faire bouger les choses. Après avoir monté une liste citoyenne aux cantonales qui a fait plus de 10 % des voix, il insiste : « les institutions nous poussent au communautarisme, mais nous on ne veut pas tomber dans ce piège-là, on est des citoyens français à part entière ». Ce film est un cri d’alerte pour les quartiers stigmatisés, toujours plus ségrégués, toujours plus repliés sur eux-mêmes où la mixité sociale et le « faire ensemble » est un défi d’envergure.
Myriam Boukhobza
Lien vers Sarcellopolis (Visa d’or du meilleur webdocumentaire en 2015)
Diffusion le 17 octobre sur France 3 Paris Ile de France-16h30
Sarcellopolis, interroge le « vivre ensemble » dans les quartiers
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