Ils étaient une dizaine à avoir bravé le froid et la pluie ce matin à 7heures devant le lycée Mozart du Blanc-Mesnil (93) fraîchement élu meilleur lycée de France par Le Parisien. Ces jeunes viennent pour bloquer leur lycée afin de contester non seulement la loi travail mais aussi les conditions sociales des banlieues et la société dans laquelle ils sont amenés à vivre. Au lycée Mozart le mouvement a déjà été reconduit plusieurs fois durant ces trois dernières semaines et son issue n’est pas négociable : le retrait de la loi travail. Les élèves sont, pour la plupart, conscients de l’impact de ce projet de loi sur leur vie, c’est le cas de Nassim en terminal STMG et de Yassine, élève de première S, « il faut rassembler un maximum de lycéen, c’est dans ces moments qu’il faut montrer que l’on n’est pas passifs et qu’on ne se laissera pas faire ».
Loin de l’image du jeune obsédé et obnubilé par les réseaux sociaux et par sa propre personne, Nassim et Yassine assurent « que c’est l’occasion de montrer que les jeunes d’aujourd’hui sont conscients des enjeux, qu’ils sont intéressés par ce qu’il se passe actuellement ». Yassine affirme aussi qu’il se sent plus intégré dans la société française quand il y a des mouvements lycéens, il y a une vraie place !
Le blocus s’est prolongé jusqu’à 11 heures, à cette heure la décision est prise de rejoindre la manifestation parisienne de 13h30. Accompagnés de quelques professeurs et d’une cinquantaine d’élèves nous avons avancé jusqu’à la mairie où les employés municipaux de la CGT nous ont rejoints. Nous nous sommes donc tous dirigés vers la gare RER de Drancy faisant un maximum de bruit en criant différents slogans contre le gouvernement et le Président. Transmetteur d’une bonne ambiance et de débats dans les différentes gares et dans les différents wagons occupés, les élèves du lycée Mozart ont fait mentir tous les clichés sur les jeunes de banlieue. Image pourtant qui va leur coller à la peau à l’arrivée place d’Italie, lieu de la manifestation. En effet les contrôles de CRS se suivent et se ressemblent sans raison apparente, une routine pour la plupart des élèves souvent victime de contrôle au faciès. 1, 2, 3 contrôles cela devient une routine. « Le pire c’est qu’ils laissent passer tout le monde et quand on arrive à tous les coups on est contrôlés. A chaque fois, et le pire c’est qu’ils le font sans aucune gêne, comme si c’était normal » assure un autre élève du lycée Mozart.
Les jeunes du lycée Mozart, très énergiques, vont à la rencontre de tous les cortèges lycéens qu’ils voient passer, ils intègrent celui d’un lycée parisien pour quelques minutes, comme toujours ils transmettent leur bonne humeur et rigolent avec les lycéens. Une lycéenne parisienne nous demande alors d’où nous venons. Nous lui répondons avec notre fierté habituelle, « du 93 », fiers de l’héritage contestataire de ce territoire. Cette jeune fille nous dit alors « mais vous y comprenez quelque chose à la loi travail vous ? ».
Les élèves du lycée Mozart ont une sorte de tradition des luttes, le module science-po (module permettant un suivi pour des élèves voulant rentrer dans la prestigieuse école) et l’option sciences politiques forment des élèves qui animent de la plus belle des manières de nombreuses actions citoyennes. Nous avons manifesté contre la loi travail mais cette journée est révélatrice de nombreuses lacunes au sein de notre société, des lacunes trop rétrogrades pour les garder dans une société aussi moderne que la société française d’aujourd’hui. Enfin si les élèves du lycée Mozart par ce grand froid et cette pluie se sont donnés le courage de mener une action aussi éprouvante c’est parce qu’ils comprennent le risque qu’ils courent avec la loi travail qui va creuser, encore un peu plus, la tombe du monde de demain.
Tamim Gharib

Articles liés