Suite aux propos tenus par le parfumeur Jean-Paul Guerlain le 15 octobre sur France 2 « Pour une fois, je me suis mis à travailler comme un Nègre. Je ne sais pas si les Nègres ont toujours tellement travaillé, mais enfin… », le collectif aussitôt constitué « Boycotter Guerlain » appelait à un rassemblement le 23 octobre à 15 heures devant la boutique du parfumeur, au 66 avenue des Champs-Élysées. Un millier de personnes ont répondu à l’appel. Des Noirs essentiellement. Mais pas seulement. Parmi elles, Benoit Hamon, porte-parole du Parti socialiste et l’humoriste controversé Dieudonné.

La tension est palpable. Les mots virulents. « Guerlain négrophobe », « Guerlain si tu savais, les Nègres ils t’emmerdent », scandent les manifestants, dont les visages traduisent de la colère. Pour eux, le « silence gardé (après les déclarations de Jean-Paul Guerlain sur France 2, ndlr) par la classe politique, de gauche comme de droite (…) et par le chef de l’Etat, Nicolas Sarkozy », est « inacceptable ». « Les politiques ont montré une indifférence totale et absolue à l’égard de la diaspora noire », déplorent des manifestants, qui comprennent mal par ailleurs que la secrétaire d’Etat à la jeunesse et aux sports, Rama Yade, ainsi que les sportifs et artistes noirs français en général se soient tus également.

La journaliste Maimouna de Trace TV affirme qu’il y a une liberté d’expression à géométrie variable selon que la personne est noire ou blanche. Elle estime que la remarque d’un membre « du groupe de rap Sexion d’Assaut à propos des homosexuels n’aurait pas créé une telle polémique si elle avait été tenue par un Blanc ». Elle estime de même au sujet des paroles prononcées par Dieudonné concernant les « sionistes ».

Felicien Gerent, membre de l’association SCLC (Southern Christian Leadership Conference), considère que ce qui s’est passé, ou plutôt ne s’est pas passé après la diffusion du journal du 13 heures de France 2, relève du mépris : « Il y a une négation de la loi reconnaissant l’esclavage des Noirs comme crime contre l’humanité. Nos ancêtres qui sont morts sans sépultures, on est en train de les insulter. Il faut qu’ils comprennent que le Nègre sera debout. »

Le Parti socialiste a tenu à marquer ce rassemblement de sa présence. Benoît Hamon déclare que « la place du Parti socialiste est d’être là. Il est insupportable d’entendre prononcer des propos racistes sur le service public. » Dieudonné, acclamé par la foule qui rit à ses paroles, donne de la voix : « SOS racisme coupable ! » Coupable, selon lui, d’avoir entretenu « la division et le communautarisme entre les différentes populations, blacks, blancs, beurs » et d’avoir laissé penser « qu’il y avait les gentils d’un coté et les méchants de l’autre ».

Soudain, il se met à chercher des yeux Benoît Hamon, et lâche : « Benoît Hamon est parti ? Tu m’étonnes, avec tous ces Noirs, le pauvre, il a dû avoir peur. » Or au même moment, Benoît Hamon est en train de répondre aux questions des journalistes. L’apercevant un peu plus tard quitter la manifestation, Dieudonné l’invite à changer de direction : « La manifestation est par ici, reviens. »

Serge Romana, Guadeloupéen et président du « Comité marche du 23 mai 1998 » (marche à l’origine de la loi Taubira votée en 2001 reconnaissant la traite négrière comme un crime contre l’humanité), dit ne plus être choqué par des propos tels que ceux tenus par Jean-Paul Guerlain : « C’est du pipi de chat. C’est du racisme vulgaire. Aujourd’hui, il faut être dans l’élaboration et non dans l’affect. Par ailleurs, je trouve que ces propos n’ont pas de poids par rapport au discours prononcé par Nicolas Sarkozy à Dakar. Contrairement à Guerlain, le discours de Sarkozy était réfléchi, subreptice et dangereux. C’est donc sur cela qu’il faut concentrer notre énergie. »

Mimissa Barberis

Mimissa Barberis

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