Ce samedi 24 novembre, il est 14h30 et l’ambiance est sereine face à l’Opéra de Paris avant le départ de la marche contre les violences faites aux femmes. Des orchestres commencent à jouer des morceaux entraînants, les gens se regroupent tranquillement, se saluent, font connaissance. Tous sont venus pour défendre une même cause : la lutte contre les violences faites aux femmes. Un bon nombre sont venus avec leurs pancartes, où on peut lire des slogans comme la célèbre phrase de Simone de Beauvoir, « On ne naît pas femme, on le devient », ou encore « Viol, stop impunité », tandis que « #NousToutes, Ras le viol » est inscrit sur des affiches violettes brandies un peu partout dans la foule.

Organisée à la veille de la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, la marche #NousToutes a rassemblé des milliers de personnes à Paris et à travers la France, des mobilisations ayant eu lieu entre autres à Lyon, Marseille, Rennes, Toulouse. Dans les médias, des appels à la mobilisation ont été lancés notamment par 400 journalistes et 250 personnalités. 

« So so so, solidarité, avec les femmes du monde entier ! »  scandent les manifestantes et manifestants. Léa, étudiante de 20 ans, nous explique les raisons de sa présence à la marche : « Il y a deux ans, j’ai été victime d’un viol. J’arrive à en parler facilement, parce qu’il ne doit pas y avoir de tabou. C’est ma façon de me battre, parce que je n’ai pas porté plainte, mais je refuse d’être une victime. On se rend compte que beaucoup sont dans le même cas et n’osent pas en parler. Pour moi, c’est une cause où tout le monde devrait être là. C’est une cause nationale. »

Léa est entourée de ses amis, parmi lesquels Guillaume, 21 ans, fait part de son point de vue : « Je suis venu parce que je trouve normal de manifester pour ce genre de choses. Ce n’est pas normal de voir de tels débordements dans une société comme la nôtre. Je ne comprends pas pourquoi certains hommes réagissent comme ça envers les femmes. C’est important de montrer que les hommes ne sont pas tous violents. »

Le mouvement bat son plein et les manifestants, de plus en plus nombreux, suivent la cadence des percussions et des coups de sifflet. Tous les âges et toutes les classes sociales sont représentés, un vrai melting-pot représentatif de la société française unie pour une même cause. 

Jean-Claude, 78 ans, retraité bénévole de l’association SOS Africaines en danger, raconte les raisons de sa colère : «  Je ne connais rien de plus exécrable que cette idée de vouloir exciser les femmes. Je ne connais pas de crime supérieur à celui-là. Je suis venu sans ma femme parce qu’elle n’a pu se déplacer, mais elle a mandaté pour la représenter et je suis accompagné d’un groupe, celui de notre association. Nous luttons contre les tortures faites aux femmes. »

Sur fond d’un rythme endiablé de percussions saccadées, la foule avance d’un pas déterminé. Des passants suivent le mouvement d’un regard enjoué. Une manifestation pacifique qu’aucun débordement n’est venu gâcher, malgré les craintes de heurts avec la mobilisation des “gilets jaunes” organisée le même jour.

Dans le cortège, les panneaux de revendication se succèdent : « Arrêtons de banaliser et de tolérer la violence » ou encore l’astucieux slogan « Pour jouir, il faut dire Oui », des message sans équivoque qui rendent compte d’une volonté de dépasser les tabous et de marquer les esprits. Les panneaux de la CGT indiquent qu’il y en a « assez des violences faites aux femmes au travail et dans la vie. » La manifestation, clairement bien organisée, permet à la diversité des acteurs d’avoir sa place : différents syndicats et associations y sont intégrés à l’unisson, chacun partageant ses différentes motivations. Un périmètre de sécurité a été mis en place pour permettre aux personnes à mobilité réduite de participer au mouvement comme tout le monde.

Plusieurs personnalités sont au rendez-vous, comme l’ex-ministre Najat Vallaud-Belkacem ou la comédienne Muriel Robin, qui avait mené une mobilisation sur la même thématique début octobre à Paris. Présent sur les lieux, le sénateur socialiste du Val d’Oise et secrétaire national du parti socialiste, Rachid Temal, explique les raisons de sa venue : « Je suis là comme l’an dernier, parce qu’il n’est pas acceptable qu’en 2018, dans le monde et particulièrement en France, il y ait des violences faites aux femmes, des propos sexistes, de la discrimination, et donc c’est pour cela qu’on marche. La marche en elle-même, c’est pour mettre en exergue le problème, mais après il y a toutes les actions qui doivent être mises en place au quotidien. Des choses ont déjà été faites dans le précédent quinquennat mais on constate aujourd’hui que les associations ont moins de capacité à agir par manque de moyens. »

La député européenne présidente des socialiste français Christine Revault d’Allonnes a elle aussi fait le déplacement : « Je suis venue comme tous les ans, tout simplement parce que les violences faites aux femmes tuent tous les jours en France et en Europe. Au Parlement, on s’est battu pour un texte qui est la convention d’Istanbul ; cela permet, la prévention, la protection et la poursuite de ceux qui sont coupables de ces violences. C’est un combat de tous les jours, la parole doit être libérée à ce sujet et tout reste encore à faire. »

En France, en 2017, 219 000 femmes majeures ont déclaré avoir été victimes de violences physiques et/ou sexuelles, selon la lettre de novembre de l’Observatoire national des violences faites aux femmes. En 2016, 123 femmes sont mortes sous les coups de leur compagnon. Malgré une augmentation des signalements suite au mouvement #MeToo, moins d’une victime sur cinq déclare avoir déposé plainte. Dans un rapport publié le 22 novembre, un collectif d’organisations dont le Haut conseil à l’égalité et la Fondation des femmes a appelé à l’augmentation du budget de la lutte contre les violences faites aux femmes, estimant les besoins à 500 millions d’euros contre 79 actuellement.

D’Opéra à République, la marche a rassemblé entre 12 000 et 50 000 personnes selon les sources. A présent, le mouvement #NousToutes invite à “écrire la suite” sur son site Internet. Samedi, le gouvernement a annoncé le lancement mardi prochain d’une plateforme de signalement en ligne des violences sexistes et sexuelles. 

Audrey PRONESTI

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