De minuscules flocons de neige tombent sur les skatteurs qui slaloment entre les touristes. Et sur les personnes rassemblées autour d’une petite table, devant le « Fluctuat nec mergitur », la devise de Paris inscrite en hommage aux victimes des attentats de novembre. Une poignée de bénévoles distribue couscous aux légumes, salade et soupe, accompagnés de sourires bienveillants. Le collectif La Marmite Vegan – De la bouffe pas des bombes -, a préparé un repas vegan (sans produit issu des animaux ou de leur exploitation) et freegan (issu des invendus alimentaires). Compote et salade de fruits sont là pour le dessert. Thé et café sont servis à volonté pour lutter contre le froid glacial, l’invité de cette journée d’information et de sensibilisation sur les conditions de vie des exilés.
« C’est un peu dur la vie en France »
Ils sont quelques dizaines. Des bénévoles, des artistes, simples curieux et des exilés. Parmi eux, un jeune Somalien, qui revient sur la place de la République où il a dormi pendant près de deux mois. Comme tous ceux qui croient encore à l’eldorado français, il est venu ici pour avoir une vie meilleure. Mais depuis son arrivée, ce jeune homme d’une vingtaine d’années déchante : « C’est un peu dur la vie en France. C’est la première fois de ma vie que je vois des gens qui dorment dehors ». Il hésite dorénavant à partir en Suède « où c’est mieux qu’ici ».
Yayeh veut quant à lui rester en France : « Je ne veux pas partir ailleurs. Je veux vivre ici, travailler ici, si j’obtiens des papiers, si on m’accepte ». La place de la République a été son premier foyer. Il a dormi ici, sous les tentes fournies par les associations de soutien. Après ces premiers mois difficiles, cet Érythréen d’une trentaine d’années qui a fui la dictature, espère un avenir meilleur en obtenant l’asile. Depuis l’évacuation de la place début janvier, Yayeh vit dans un hôtel à Aulnay-Sous-Bois. Il est venu au rassemblement avec une amie bénévole, pour partager un moment convivial avec les collectifs de soutien aux réfugiés.
Une évacuation qui passe mal
Il y a deux semaines, les réfugiés qui dormaient place de la République ont été évacués et placés dans des centres d’hébergement. Le funeste anniversaire des massacres de janvier 2015 approchait. Le concert de Johnny Hallyday et la venue de François Hollande n’étaient sans doute pas compatibles avec ce dortoir géant. « Les gens passaient pour allumer des cierges, et ils n’avaient pas un regard pour les mecs derrière. Ça nous fait beaucoup de peine. Puis les réfugiés ont été évacués, deux jours avant les hommages aux victimes des attentats », rappelle Sonia, organisatrice de l’évènement, membre de La Marmite Vegan et du Collectif de soutien aux exilés. Pour cette militante, l’évènement organisé ce dimanche vient aussi d’une volonté de les rassembler : « À Paris, les Afghans sont Gare de l’Est, les Soudanais sont à la Chapelle. Aujourd’hui ils sont tous ensemble à République ».
La Journée mondiale du migrant et du réfugié, institué par le pape Benoît XV en 1914, est l’occasion de rassembler les bénévoles et les réfugiés. Et aussi de « donner un peu de voix au combat des réfugiés, pour demander l’hébergement et la régularisation, et un peu de considération de la part de l’État », précise Morgann, également organisatrice. « C’est un évènement pour parler avec les gens. Et puis il y a des graffeurs de l’autre côté. Les graffs vont permettre d’avoir une autre vision du combat des exilés. Ces personnes sont elles aussi victimes du terrorisme. Elles ont aussi besoin d’être aidées par la France. Ce rassemblement est un premier pas vers plus de considération pour ces personnes, qui ne sont pas venues ici pour nous voler nos privilèges, mais pour survivre », poursuit la jeune bénévole.
Une fresque pour raconter la vie des migrants
De la bouffe pas des bombes. Sauf celles des street artistes peintres qui s’activent sous les regards curieux des passants et des réfugiés. Ils s’appellent Ogre, Nassyo, Popay, Etzam, Ixin, Mag, Nespa et Seven. Ils se sont réunis pour créer une frise chronologique qui raconte l’exil. Le dernier graff porte la mention Welcome (bienvenue). Mais on peut y reconnaître un petit garçon tristement célèbre qui a ému le monde entier, Aylan, le jeune syrien de trois ans retrouvé mort sur une plage turque le 2 septembre dernier, alors que sa famille fuyait la guerre en Syrie. On peut aussi y voir des migrants, qui courent. Pour fuir leur passé ? Pour échapper aux gardes-frontières qui les pourchassent ?
L’artiste de rue Seven supervise le « Mur des Exilés », cette fresque qui raconte leur histoire, qui les humanise. Seven veut utiliser l’art pour soutenir les réfugiés : « J’ai fait des ateliers avec eux. J’ai essayé de les faire écrire, dessiner, pour que les gens puissent les comprendre. Quand ils arrivent ici, ils n’ont plus de papiers, ils n’ont plus leurs familles, ils n’ont plus d’identité ». Il a rencontré des réfugiés qui ont bouleversé son travail : « J’étais dans un squat avec des Camerounais, des Congolais, des Sénégalais. Ils m’ont expliqué comment ils avaient traversé la Méditerranée, l’Espagne ». Au point qu’aujourd’hui, il ne peut pas « continuer à dessiner pour rien ». « Il faut les aider. Mais on n’est pas assez », conclut-il. Même son de cloche sur le tract distribué par les associations de soutien aux exilés : « Hello beautiful people. Nous avons besoin de bénévoles ».
Rouguyata Sall
Le Collectif parisien de soutien aux exilés recherche des bénévoles. Vous pouvez les contacter à l’adresse paris.refugies@gmail.com.

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