Le cinéaste franco-grec Costa-Gavras est l’invité du grand entretien du Bondy Blog cette semaine. Le réalisateur fête ses 50 ans de carrière et à cette occasion sortent en coffret DVD ses 9 premiers films en version restaurée. L’occasion d’aborder ses films, le travail de restauration, son cinéma et l’actualité, un peu. Rencontre.
Extraits de l’interview avec Costa-Gavras :
Sur le travail de restauration de ses neuf premiers films :
« Nous avons repris les négatifs orignaux et les regarder images par images, voir où il y a des défauts, car parfois ils subissent le changement de temps. J’ai essayé de retrouver exactement les images comme on les a fait pour le premier public qui a vu le film, sans édulcorer, sans faire de belles images, sans mettre du rose comme on fait maintenant, car sinon c’est un petit peu une escroquerie, il ne faut pas tricher, il faut voir les films tels qu’ils ont été faits. On coupe le son pour réagir techniquement, puis on refait le son car il devient très aigu à cause du temps. Maintenant il y a des machines pour faire ça. Cela a pris pour 9 films deux mois et demi, trois mois. »
« Je les ai vus une fois finis, j’ai été assez étonné qu’ils soient restaurés comme je voulais qu’ils le soient. Ca m’a rappelé beaucoup de beaux souvenirs et un peu de mélancolie aussi car beaucoup beaucoup d’acteurs ne sont plus là. J’étais content car ces films ont retrouvé une nouvelle jeunesse qui peuvent être vus assez facilement. On ne pouvait les voir que dans des grandes salles de cinéma. Le fait qu’on regarde les films au téléphone, c’est terrible. C’est tellement d’argent pour avoir un bon son, de belles images, avoir de bons acteurs et les voir comme des têtes d’épingle sur le téléphone, on ne voit rien du tout, on entend le son qui est mauvais en général. Il faut voir les films soit à la télévision en DVD soit au cinéma ».
Sur le film « Z » tourné dans l’Algérie de Houari Boumediene
« On ne trouvait pas d’argent et on ne trouvait pas de lieu où le tourner, à tel point qu’un jour, j’ai appelé Jacques Perrin, qui était acteur dans le film, et je lui ai dit qu’on ne pouvait pas faire le film. Il m »a demandé : « est-ce qu’on peut le faire à Alger? » Je lui ai dit que je ne connaissais pas Alger. Nous sommes alors allés voir, il avait des amis là-bas. On a donné le scénario à lire aux autorités, ils nous ont dit qu’on pouvait tourner ici mais qu’ils ne pouvaient pas nous donner de l’argent. On a eu toutes les facilités, on a tourné dans les meilleurs conditions possibles. Oui, c’est un film politique, un film sur l’étouffement par les militaires et les militaires étaient au pouvoir à l’époque en Algérie. J’ai appris que ce scénario est arrivé jusqu’au président Boumediene. Il les a engueulés d’abord, il a dit : »vous voulez faire un film de colonels qui ont pris le pouvoir mais c’est nous qui avons fait ça ici! « Après il a dit : « Nous, on est des révolutionnaires, eux ce sont des militaires habituels, alors on le fait quand même! » On a réussi à le faire dans un pays qui en principe aurait dû le refuser ». «
Tous les films sont politiques
« Je pense que tous les films sont politiques. Un grand penseur français Roland Barthes a dit que tous les films sont politiques, ou il y a de la politique dans tous les films, ou on peut tous les analyser politiquement. Même les films les plus bêtes qui abêtissent le peuple, ils font un travail politique sur le peuple. Je pense que le rôle de l’artiste c’est de poser les questions, pas de donner des réponses, pas de livrer des messages. Est ce qu’on doit être raciste? Est-ce qu’on doit être contre l’autre? Est ce qu’on doit être extrêmement riche tandis qu’à côté, d’autres sont extrêmement pauvres ? »
« Ce qui me révolte essentiellement c’est le racisme. Pour des raisons électorales, beaucoup de gens prennent des positions racistes. Ce qui me révolte aussi c’est qu’il y autant de pauvreté alors même qu’il y a de plus en plus de riches. Dans des sociétés comme la nôtre, vivre cette situation-là, c’est inacceptable. Ceux qui font tout pour que les actionnaires gagnent de plus en plus d’argent au lieu d’avoir un peu plus de gens qui travaillent. Dans mon film Capital, je parle du rôle que jouent de plus en plus les banques et sociétés financières qui pompent toute la richesse et laissent les autres dans le vide ».
Propos recueillis par Nassira EL MOADDEM et Fethi ICHOU
Pour en savoir plus sur l’oeuvre de Costa-Gavras, lisez ce billet de blog signé Edw Plenel sur Mediapart