Ces derniers temps, personne n’a échappé à la polémique concernant le départ d’un des plus grands acteurs du cinéma français, pour un pays où il fait très froid et cela pour des raisons fiscales. Mettons en lumière des personnes qui quittent la France pour des raisons plus sérieuses et honorables. Ne réussissant pas à trouver un travail, étant discriminé ou renvoyé à leurs milieu d’origine, beaucoup de jeunes issus de l’immigration ou des quartiers décident de quitter la mère patrie pour un avenir meilleur.

Sabrina, aujourd’hui âgée de 35 ans, revient sur son parcours : « Ayant quitté ma cité pour faire des études, j’ai obtenu un doctorat en droit des affaires et j’ai déroché un poste à la Bourse de Paris. Ce fut pour moi l’expérience qui a déclenché en moi un véritable déclic. Voyant des jeunes sous diplômés arrivant après moi et accédant à des postes de responsabilité, je n’ai pas eu d’autre choix que de partir. Je ne comprenais pas pourquoi le dur travail que je faisais et la difficulté que j’ai eue à finir mes études ne me permettaient pas d’accéder à des postes auxquels j’avais le droit. »

« Londres est la ville où j’ai décidé de m’installer, là-bas, seul ton travail compte. L’origine, la famille à laquelle tu appartiens n’importent pas. C’est ton CV, ta réactivité, ton travail qui font la différence. C’est sûr que je regrette certains attraits de la France, comme la sécu. Ici, mieux vaut ne pas avoir mal aux dents ! Ma famille me manque mais ici, je me sens à ma place et je me sens être une personne comme les autres, et non appartenant à une catégorie trop souvent cataloguée comme en France. »

Nous rencontrons une jeune étudiante de 24 ans. Elle a passé un an et demie en Algérie au service d’une radio, tout cela après un stage de trois mois. «  Ayant toujours eu la passion pour l’histoire du pays d’origine de mes parents et devant effectuer un stage, je me suis beaucoup  demandée ce que pouvait m’apporter un stage si ce n’est une expérience professionnelle. Dans mon entourage,  beaucoup en ont fait et se sont plus souvent retrouvés à faire des photocopies plutôt qu’autre chose. Ne voulant pas faire la stagiaire modèle et surtout n’ayant pas de réseau dans le monde du journalisme, j’ai fait mes valises et, avec l’aide d’une connaissance, j’ai déroché mon stage. »

« Je ne nierais jamais qu’il aurait été difficile pour moi d’effectuer ce stage sans ce contact sur place mais toujours moins qu’en France et surtout, je n’ai pratiquement pas fait de photocopies. On m’a mis dans le bain d’un reporter tout de suite, en arrivant le premier jour. J’aimais tellement ce que je faisais que je me rendais à la rédaction six jours sur sept. A la fin de mon stage, on m’a proposé de prolonger mon expérience et je n’ai pas hésité à accepter. Ce fut une expérience enrichissante, tant au niveau professionnel que personnel. C’est aussi une période pleine de souvenirs, notamment la chute du régime libyen : j’avais touché de très prés un évènement historique. En revenant pour finir mes deux années d’études, j’ai eu une nouvelle image de ce pays que je croyais connaître. Je pense repartir un jour là-bas ou ailleurs, dans un pays, en tous cas, où seul mon travail compte. »

Ma vieille copine Sana, après son BTS commerce international, passe les concours des écoles de commerce et est admise à l’ISC Paris. En première année d’école de commerce, on lui a imposé d’effectuer un stage à l’étranger. Sans hésitation elle choisit Dubaï. Avant cela, elle avait, à plusieurs reprises, séjourné dans ce pays. Puis en deuxième et en troisième année, elle a le choix entre la France ou l’étranger et choisira encore les Emirats. En troisième année, elle décroche même un poste dans une grande boutique de luxe française : un poste dans le marketing. Il est vrai, comme elle l’avoue, que le fait d’y avoir de la famille et des amis l’a poussée à s’y rendre mais la qualité de vie ainsi que les activités proposées toute l’année l’ont convaincue à faire ce choix.

De plus, elle ne se sent plus en sécurité en France. Pour elle, la délinquance y est de plus en plus flagrante et violente, surtout dans les transports en commun. Selon elle, la mentalité en France n’est pas un facteur qui la pousse à rester pas plus que le stress ambiant d’ailleurs. A cela, s’ajoute la stigmatisation, comme elle le rapporte dans cette anecdote : «  je me présente à un entretien anonyme. En arrivant, le recruteur me regarde en me disant qu’il a déjà trouvé un stagiaire. Il me demande si je suis bien bilingue, ce que je lui confirme. Il me rétorque qu’il souhaite m’entendre car nous autres aimons bien enjoliver les choses dans nos cv… J’ironise en disant nous autres, en école de commerce ? Mais, heureusement, je mentirais si je disais que cela m’arrive tous les jours. A force de travail, il est vrai qu’on peut réussir mais la France ne nous offre plus de perspectives. »

Ce sont ces talents, trop souvent méprisés par les grandes entreprises, quittant  la France qui doivent susciter notre intérêt. La France doit permettre aux étudiants d’être fiers de faire de longues études, de ne pas être stigmatisés en raison de leurs origines, de vouloir accéder à des postes importants. Il est vrai qu’on a vu des ministres issus de la « diversité », comme on se plaît à le dire souvent, mais quand on regarde l’hémicycle à l’assemblée nationale ou la tête des PDG ou des cadres de grandes entreprises et des présentateurs du JT, on est loin de la France « Black Blanc Beur ». Et c’est de cela que doit se préoccuper le gouvernement car Obélix peut se rendre où il veut, il restera français pour tout le monde.

Iymen Mani

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