Après la « journée de deuil » et les journées de grève, le verdict a sonné pour les collaborateurs de l’enseigne The Phone House vendredi 6 septembre. Depuis plusieurs mois, plus de 500 salariés sont concernés par un plan social conséquent. Les grévistes étaient présents au comité d’entreprise. Reportage

image(4)image(4)Le lieu des derniers rendez-vous des grévistes était donné au 4 rue Diderot à Suresnes, adresse du siège de The Phone House. Ce vendredi matin, près de cinquante personnes étaient présentes au pied de la tour pour une dernière fois. Le rendez-vous était donné à 11 heures. Leurs revendications : toucher non pas 0,6 mois d’indemnité de licenciement par année d’ancienneté, comme annoncé par le groupe de téléphonie mobile, mais 1 voir 2 mois ainsi qu’un congé de reclassement vu à la hausse (65% leur avait été annoncé).

Le groupe de grévistes est armé. Mégaphone, sifflets, maracas, pancartes, gilets couleur fluo : tout était en place pour faire le plus de bruit possible. Qu’ils viennent des boutiques, du siège, de la plateforme et surtout de Grenoble, Dijon, Strasbourg ou encore Thonon-les-Bains, rien ne pouvait décourager ces salariés qui ne réclamaient rien de plus que leurs droits. Caroline, qui travaille  sur la plateforme, confie : « On se dit qu’on n’intéresse pas ! On se sent seuls. Les médias ne parlent même pas de nous alors qu’il s’agit de plus de 500 personnes concernées. Par contre pour Total ou Waterman, on en parle alors qu’il s’agit d’un nombre inférieur. Les délégués du personnel on tenté de contacter la presse, mais rien… »

Sandra, responsable de magasin à Grenoble, s’exprime, le cœur lourd : « Vous imaginez, pour certains c’est leur premier job, d’autres se sont lancés dans des crédits. On a toujours tout fait pour que nos boutiques fassent leur chiffre. J’ai acheté une maison, j’ai trois enfants, on me disait de me motiver à fond car j’allais évoluer dans mon poste et finalement cela n’a servi à rien. Ils se sont servis de nous alors qu’ils savaient déjà que c’était la fin. On ne demande pourtant pas l’aumône, parce que c’est uniquement grâce à nous qu’ils sont là.

image(1)Contre toute attente, ce matin là, des journalistes de BFM TV étaient présents. Au moment de monter à l’étage afin d’interrompre la dernière réunion du CE, Philippe Mazaud (RH) n’a pas du tout apprécié la présence de la caméra de la chaîne d’info et ne s’est pas gêné pour raccompagner, la main sur l’objectif, les deux journalistes jusque dans l’ascenseur. Pour s’assurer qu’ils descendent bien, il est resté avec eux jusqu’au rez-de-chaussée. Ce qui n’a pas manqué de faire réagir la foule : « Les médias sont là et vous les renvoyez ! », « On n’est pas des low-cost », « On ne lâche rien ! », « Deux mois ! »

Sadiaa,  salariée dans la boîte depuis plus de dix ans, a interrompu la séance avec l’alarme du mégaphone. En faisant des va-et-viens au milieu de la table en forme de U. Après être redescendus tous ensemble, Paul Lopes, délégué syndical de la CFTC annonce dans le mégaphone : « Ils suspendent la séance durant trente minutes et demandent à voir les huit votants du comité d’entreprise. »

L’attente se fait longue et devient interminable. Chacun part de son côté pour apporter de quoi se restaurer. Les trente minutes se transforment en plus de deux heures d’attente et d’impatience. L’un des votants redescend. C’est une femme qui, après avoir allumé sa cigarette, prend la parole : « Cela ne conviendra peut-être pas à tout le monde, les huit membres du comité ont pris cette décision à l’unanimité, on a acté un congé de replacement qui démarrera pour tout le monde à 70% du brut. Concernant les indemnités supra-légales, de 0 à 4 ans touchera un mois, de 4 à 8 ans touchera 1,2 mois et au-delà de 8 ans 1 mois ».

imageLes réactions sont diverses : satisfactions, révoltes, larmes, coups de gueule. Mais comme le précise Sadiaa, « ce n’est pas ce qu’on voulait mais ce n’est pas une carotte non plus… » On apprend par la suite que l’indemnité minimum, peu importe l’ancienneté, sera fixée à 4 000 euros, qu’un budget individuel de formation sera lui fixé à 4 000 euros pour les formations d’adaptation et 6 000 euros pour les formations longues de reconversion. Une enveloppe de 50 000 euros s’ajoutera pour financer le dépassement éventuel lié au projet du salarié.

Même si pour certains, le sentiment de trahison et la douleur sont immenses et que, de leur point de vue, la négociation a été faussée du fait de sa tenue à huit-clos, c’est une page importante de leur vie qui se tourne. En attendant de trouver une nouvelle vocation au bout du fil.

Ines El laboudy

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