Souvent peu au courant de leurs droits, parfois peu revendicatifs, certains Chibanis se retrouvent dans des situations précaires qui n’honorent pas notre pays…

Malgré les promesses, le combat est toujours d’actualité. Depuis plusieurs années, Salem Fkire, président de l’association « Cap Sud MRE » se bat pour que les « Chibanis » (« cheveux blancs », en arabe) puissent, comme les retraités français, bénéficier d’une couverture médicale sans se voir imposer une condition de résidence. En effet, les retraités étrangers ne peuvent en bénéficier qu’à condition de résider plus de six mois sur le territoire français, ce qui les contraint à faire des allers-retours et les prive d’une retraite paisible dans leur pays.

Ce combat, Salem Fkire pensait le voir avancer lorsque, lors du Bondy Blog Café du mois de juin 2015, Jean-Christophe Cambadélis, qui s’était dit sensible à cette question, avait proposé « d’aller voir Manuel Valls en délégation » afin qu’une solution soit trouvée et qu’une réponse puisse être donnée « lors du prochain Bondy Blog Café ». Mais malheureusement, nous le savons bien, « les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent » et depuis cette date, il y en a eu des émissions tournées… Il y a eu aussi de multiples relances, par mail ou téléphone mais… Rien. Pas même une entrevue avec le premier secrétaire du Parti Socialiste. Il faut croire que les convictions de Jean-Christophe Cambadélis sur le sujet se sont éteintes au même moment que nos caméras.

Pourtant, cette revendication reste d’actualité même après la mesure en vigueur depuis le 1er janvier qui permet aux Chibanis vivant seuls et disposant de faibles revenus d’effectuer de longs séjours dans leur pays d’origine en bénéficiant d’une aide pouvant atteindre 6600 euros lorsque les revenus annuels sont inférieurs à 600 euros. S’il s’agit d’une avancée, celle-ci est insuffisante car l’inégalité demeure concernant la couverture médicale dont seuls les retraités français peuvent bénéficier sans conditions lorsqu’ils vivent à l’étranger – et cela depuis le 1er janvier 2014.

Afin d’interpeller une nouvelle fois le gouvernement, Salem Fkire a déposé au Journal Officiel une question sur la couverture maladie des retraités étrangers. Il prend soin de rappeler que ces « Chibanis » ont été une main d’œuvre précieuse durant les Trente Glorieuses et qu’ils ont aujourd’hui droit à une retraite « au soleil » au même titre que les retraités français.

Les vieux jours des chibanis souvent sous le signe de la lutte

Devant cet immobilisme, on a l’impression que les autorités jouent au jeu macabre de la montre ou qu’elles attendent d’être condamnées pour agir, car aujourd’hui, au-delà de certains droits, ce qui manque aux Chibanis, c’est malheureusement le temps. Et cette attitude n’est pas nouvelle. Il faut se souvenir que par le passé déjà, l’État n’avait agi pour la décristallisation des pensions des anciens combattants des ex-colonies qu’après une condamnation du Conseil d’État, puis une recommandation de la HALDE (devenue Défenseur des droits) et parce que le couple Chirac avait été « touché » par le film « Indigènes ».

Mais même lorsqu’une décision de justice est rendue en faveur des Chibanis, afin de mettre fin à une iniquité, le combat n’est pas terminé. Prenons l’exemple des « Chibanis de la SNCF » dont certains avaient obtenu le paiement de 170 millions de dommages et intérêts pour « discrimination dans l’exécution du contrat de travail ». Certains touchent une retraite trois fois inférieure à celle d’un cheminot pour le même nombre d’années travaillées, car ne bénéficiant pas du même statut. Mais cela n’a pas empêché la SNCF d’interjeter appel et ce dans les derniers jours du délai de recours, un appel suspensif qui bloque le versement des indemnités…

On dit souvent qu’une société se juge à la manière dont elle traite ses aînés, heureusement alors que tous nos aînés ne sont pas ces Chibanis…

Latifa Oulkhouir

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