Dans son autobiographie romancée Ma part de Gaulois, publié chez Actes Sud, Magyd Cherfi trace les lignes de son enfance de Français, Toulousain, d’origine algérienne, kabyle, prolétaire aussi. L’écrivain, l’artiste, l’engagé est sélectionné dans la première liste du prix Goncourt. Il répond aux questions du Bondy Blog. Entretien.

Bondy Blog : C’est vraiment sympa ce que vous avez écrit, Magyd…

Magyd Cherfi : (Rires) Bien vu !

Bondy Blog : Je fais référence ici à ce que l’on vous disait, gamin, lorsque vous écriviez cet adjectif qui veut dire à la fois que c’est nul et que c’est bien, comme vous l’expliquez.

Magyd Cherfi : A Toulouse, dans les rues, on m’a dit aussi « ton bouquin est sympa » (rires). D’autres m’ont aussi dit: « Magyd, le Goncourt, on croise les doigts ». Je trouve ça ravissant. Il y a une empathie terrible parce que nous-mêmes avons porté une empathie terrible.

Bondy Blog : Nous ?

Magyd Cherfi : Oui je pense à Zebda car ça a été surtout ce qui a marqué les gens qui nous ont intégré comme un groupe. Et puis, il y a les plus érudits comme on dit, ceux qui lisent, et il y a ceux qui travaillent le texte dans ces tréfonds et qui me regardent et me jugent sur l’aspect littéraire.

Bondy Blog : Dans ce livre, biographie romancée, vous racontez votre histoire, celle de l’enfant d’immigré kabyle algérien, avec des personnages forts qui sont des personnes qui ont jalonné votre vie. Comment ont-ils réagi à cette peinture que vous faîtes d’eux?

Magyd Cherfi : Je raconte des copains d’il y a plus de trente ans. Il y a ceux qui ne lisent pas. Et il y a c’est vrai les fameux Samir et Momo. Nos itinéraires se sont séparés depuis longtemps, pour les mille et une raisons pour lesquelles les gens se séparent. Elles sont affectives, politiques, idéologiques. Je n’ai pas eu tellement de retour de ces gens-là.

Bondy Blog : Samir et Momo, ce sont des personnes importantes de votre livre. Parlez-nous en.

Magyd Cherfi : Samir, c’est l’idéologue politique qui n’a pas un marquage rebeu. Il a très vite intégré des codes occidentaux parce qu’il a navigué dans des circuits : des centres de vacances, des circuits politiques, des groupes idéologiques. Momo, lui, veut être un peu le Depardieu des quartiers Nord, mais il veut le marquer de son arabité.

Bondy Blog : Vous avez souvent des mots très crus sur vos amis, camarades, proches dont Samir et Momo. Vous ne redoutiez pas leur réaction?

Magyd Cherfi : C’est vrai, ça m’a fait peur longtemps, mais en même temps aussi, cela fait longtemps que je rêve d’écrire cette histoire de l’immigration, mon histoire. Aujourd’hui, à plus de 50 ans, j’ai beaucoup moins peur d’en parler et de dire ce qu’on a été.

Bondy Blog : Dans votre écriture, il y a une chose qui m’a gênée. Comme un coté qui donne à penser, que vous, vous étiez du bon coté, celui des mots, celui de l’évasion par la littérature et que par opposition, les autres n’y étaient pas, avec quelque chose, en tout cas j’en ai eu l’impression, qui se trouve à la limite du jugement moral.

Magyd Cherfi : C’est votre ressenti. Moi, j’essaye de dépasser la vision du gentil Magyd et des méchants voyous. Mais à un moment de ma vie, ça a été ça. Je suis un itinéraire d’un enfant gâté dans la jungle des loups. Je ne suis révélateur en rien d’un circuit d’un enfant de quartier. Mon itinéraire m’a mené à la littérature du XIXe siècle à l’âge de 14 ans. Est-ce que c’est un jugement ? J’essaye d’expliquer pourquoi mon itinéraire a été celui-ci et pourquoi des proches n’y sont pas arrivés. Mais je suis dans la profonde empathie parce que j’ai toujours eu le sentiment de la dette qu’il fallait que je renvoie, la monnaie de ma pièce, la part de mes privilèges. J’ai toujours été dans cette mécanique, car c’est une histoire de privilèges. Je porte un regard dur parce que la chose est dure et qu’ils ont basculé dans toutes les violences et les vicissitudes, moi pas.

Bondy Blog : Votre histoire, c’est ce que vous nommez dans votre livre une « schizophrénie identitaire« . Qu’est-ce que cela veut dire et à quel moment elle est arrivée ?

Magyd Cherfi : La schizophrénie identitaire c’est d’être lié par la douleur à mes parents qui sont infectés de leur misère intellectuelle, matérielle, culturelle, et de la guerre d’Algérie. Celle-ci fait tout leur patrimoine. Leur patrimoine, c’était 1954-1962. Je suis donc lié à eux comme le devoir de vacciner cette plaie, de la guérir. Mais c’est aussi mon érudition, celle des Blancs car être blanc c’est être dans l’érudition, dans la rhétorique. Je tiens à cette érudition parce qu’elle m’éclaire et je tiens à mes copains et à mes parents car je veux colmater la brèche. Mais être à la fois comme les parias et les parvenus, ce n’est pas possible.

 Bondy Blog : Être à la fois comme les parias et les parvenus ce n’est pas possible. Ah bon ?

 Magyd Cherfi : Non, on ne peut pas être à la fois exclus et citoyens, exclus et consommer du spectacle, exclus et écouter Zebda. C’est une constatation.

 Bondy Blog : Une défaite aussi, non ?

 Magyd Cherfi : Oui, une défaite de la République, puisque son grand projet c’est de faire une école gratuite et d’élever l’élève, de l’amener à son libre arbitre. En réalité, elle amène les meilleurs, les plus riches et quelques exceptions.

Bondy Blog : Pourquoi selon vous ?

Magyd Cherfi : Parce que c’est un projet fou d’emmener un ensemble d’élèves, prétendre les amener à l’égalité, tout en haut, oui c’est fou ! C’est une espèce d’entourloupe républicaine qui consiste à formuler des voeux et ne pas se donner les moyens de l’égalité, de la fraternité, de la solidarité. J’en veux pour preuve un truc significatif : le droit de vote des immigrés. Depuis 1980, j’entends parler de cela. Il eut été salutaire de l’accorder à nos parents sans exiger d’eux qu’ils soient français. Ca aurait été un défi car ils sont dans une blessure qui les empêche d’être sous le fronton républicain. Du coup, ils ne sont pas rentrés dans le récit français et ils n’ont pas infusé une empathie républicaine.

Bondy Blog : Une entourloupe. Le mot est fort ?

Magyd Cherfi : Oui, je le pense. La solution c’eut été de raconter un récit français dans lequel les immigrés, les enfants d’immigrés entrevoient un reflet qui tienne compte d’eux et qui les intègre dans quelque chose. A partir du moment où une société se compose d’ethnies différentes et de cultures différentes, il faut la reconsidérer. Il s’agit d’apporter un supplément, il faut des signaux supplémentaires pour ces enfants qui ne sont pas nés dans le bocage normand.

Bondy Blog : J’imagine un de ces jeunes qui lit vos mots. Que doit-il faire ?

Magyd Cherfi : Le problème, ce n’est pas eux, le problème c’est cette République qui doit se donner les moyens. Ces mômes naissent français. En réalité, on a des parcours de défrancisation : on divorce d’avec l’idée républicaine, le patrimoine, le récit puisqu’on n’y est pas. « Moi je vais le bousiller ton récit. La société ne tient pas compte de moi et bien je vais lui faire le plus mal ». Dans le pire des cas, c’est les attentats, dans le meilleur, c’est un refoulement doux et docile : des gens qui ne vont commettre aucun méfait. Ils vont avoir une parfaite visibilité citoyenne dans une identité originelle l’islam ou une islamité aussi douce soit-elle, dans une exemplarité citoyenne, mais dans un intérieur refoulé.

Bondy Blog : Sauf que ce que vous dîtes, c’est que la République, elle est sourde et aveugle.

Magyd Cherfi : Elle a peur de ce tremblement, du socle qui bouge car les uns et les autres se demandent où ils sont, ce qu’ils sont. Côté blanc, on ne sait pas s’identifier, coté maghrébin et subsaharien, on ne sait pas s’identifier non plus. Les deux camps perdent et ne se trouvent pas. Comment conjuguer la laïcité et cette forme de nationalisme multiculturel ? On doit pouvoir rester patriote et multiple. Il y a quelque chose à fouiller pour rendre cette France éternelle caduque. Et si effectivement, il y aura plus de musulmans que de catholiques, cela ne veut pas dire qu’ils ne sont pas des citoyens exemplaires. Si c’est la peur que vous avez chers frères, c’est tout à fait envisageable qu’il y ait plus de musulmans, cela ne veut pas dire qu’ils n’en sont pas des citoyens et exemplaires, c’est ma conviction. Et tous ces musulmans ne seront pas à l’image de cet islam du barbare.

Bondy Blog : Dans votre livre, vous revenez souvent sur les liens qui vous unissent à votre maman. Vous écrivez : « J’ai longtemps maudit ma mère de m’avoir tant couvé, dans les cités ça ramollit l’âme, ça vous fait poli, poète et merdeux, détesté de la bande. » Vous lui en voulez encore ?

Magyd Cherfi : Absolument pas ! J’ai une écriture enflammée et inflammable, je laisse des zones de braise sans m’en rendre compte, un peu partout. Il y a longtemps que je ne lui en veux plus, que j’ai compris que c’était tout simplement parce qu’elle était née sous la cendre. Elle est sortie de la cendre, elle est arrivée en France, et devenue une bête de somme comme d’autres. On ne pouvait pas lui demander la lune en termes d’éveil et de modernité. Le temps de la rancune c’est le temps de l’adolescent, il est révolu.

Bondy Blog : Au début de l’ouvrage il y a un passage marquant. Celui des rencontres parents/professeurs. « À l’heure des convocations parentales, ils étaient pétrifiés du peu de mots, du degré zéro de l’échange et pratiquaient la chanson de geste comme s’ils avaient des sourds en guise d’interlocuteurs. Ou bien tentaient le “petit nègre” en détachant toutes les syllabes. » Les fils et filles d’immigrés ont quasiment tous vécu ces moments. Racontez-nous, vous, comment vous l’avez vécu ?

Magyd Cherfi: Avec effroi. Mon père débarquait et tu sentais qu’il allait y avoir du sang sur les murs ! Régulièrement, un père débarquait et il suffisait d’une syllabe… Tu entendais des : « Cognez-le vous-même, je vous en donne l’autorisation »! L’école primaire que j’ai connue, c’était des hussards de la République du Sud-ouest. Pour eux c’était : « il n’y a pas de pauvres« . Tu entres en classe, c’est l’égalité mais on n’arrive pas à égalité ! C’est ça, je pense, qui n’a pas été compris. Dans les années 70, on commence à être en groupes. Alors, ces professeurs commencent à se demander : « Mais qu’est ce que c’est que ça! » Très vite, ça décroche au niveau scolaire. Ma mère, elle, rentrait en classe et disait aux professeurs en parlant de moi : « Lui, il doit être devant« . Elle leur imposait qu’on soit au premier rang, ça fait une différence entre ma mère et les autres. D’ailleurs, elle venait nous traquer trois fois par semaine, les instits avaient compris que ma mère voulait que j’apprenne.

Bondy Blog: « On a été Français un temps, le temps de la petite école qui nous voulait égaux en droits. Oui, un temps, qu’est-ce qu’on a aimé être Français ». Ce sont vos mots utilisés au passé. A quel moment cela a basculé ?

Magyd Cherfi : Ca bascule au fil du temps, on arrive vierge de tout. Nos parents étaient pauvres. On nous dit : « Oh la culture berbère est énorme » mais que m’ont transmis mes parents du patrimoine berbère ? Quasiment rien ! On arrive dans une école et on nous dit « Vos ancêtres sont gaulois », on se dit que c’est chouette. On nous offrait une famille, une histoire, ça marche en réalité au départ. Gaulois ou autres, mais pourquoi pas ! Quand on est en demande de savoir des choses qui permettraient de mieux nous connaître, en réalité ça fonctionne, l’intention n’est pas néfaste. Mais c’est au fil du temps lentement, quand on voit comment nos parents sont traités chez l’épicier, dans les supermarchés, dans l’administration surtout. En fait, on se « défrancise », c’est-à-dire qu’on se met dans un état de résistance mêlé à de la rancoeur. En on se dit : « Vous nous désintégrez au début et vous nous demandez une intégration à la fin du parcours ».

Bondy Blog : On sent profondément une désillusion quasi-totale.

Magyd Cherfi : Peut-être. Je ne sais pas si elle est totale, mais elle est large. J’ai plus de 50 ans maintenant. J’ai deux enfants à qui j’ai essayé d’inculquer l’idée de la laïcité, de l’Etat républicain, du droit, de l’ouverture du métissage, d’une identité à la française et pas française. Un jour mon fils aîné, il avait 16 ans à l’époque, vient me voir et me dis : « je cherche un club de foot Papa, tu m’aides? ». Je lui dis : « Il y en a plein, ce n’est pas à moi de le faire à ta place, débrouille-toi ! » Il en trouve un. Un mercredi à l’entraînement; j’arrive et je vois sur le stade 16 ados tous d’origine maghrébine. Il était allé chercher un ghetto ethnique, en guise de famille, de refuge. J’ai eu les boules. J’aurais voulu que ça respire, qu’il y ait des Bancs, des Noirs, des Arabes. Il a trouvé un club de quartier. Ils étaient 16, 16 fils de Maghrébins, et lui, ce mec à qui il n’a rien manqué, qui fait des études d’ingénieur du son, qui fait de la musique classique, qui a vécu comme un petit bourgeois et bien, avec tout ce confort il a eu besoin de refuge. Et puis, il y a eu les marches républicaines dans toutes les villes suite aux attentats de janvier 2015. Je défile à Toulouse habillé de toute ma « tricolorité«  bleu blanc rouge, Français, républicain. Une fois dans la foule, des amis de gauche qui me regardent effarés et me lancent : »Mais vous êtes où ?! » Il parlait à un Arabe et à un musulman. J’étais donc redevenu un Arabe. A tout moment, il faut qu’on soit des Arabes car ça arrange la République, à tout moment il faut qu’on soit aussi des Républicains, des laïcards, car ça arrange la République, mais on va où là ?

Bondy Blog : Et vous leur avez répondu quoi au « mais vous êtes où ? » ?

Magyd Cherfi : J’étais défait, j’ai rien su répondre. Car il s’agit de gens qui me connaissent. Tout d’un coup, je redevenais l’Arabe.

Bondy Blog : Les Français descendants d’Arabes seront donc toujours vus comme des Arabes avant tout ?

Magyd Cherfi : A moins qu’on se décide à commencer un nouveau récit national, celui d’une République cosmopolite. Je dis : « Faites-nous refléter la diversité dans vos symboles ! »

Bondy Blog : Par exemple, changer le drapeau ?

Magyd Cherfi : Par exemple. Garder le bleu blanc rouge et rajouter de l’africanité. C’est au peuple de choisir, mais je dis, soit tu vas vers l’avenir et il est damné à la pluralité, soit il y a ce forcing qui consiste à dire « on va garder notre immaculée blancheur ». Je pense qu’il faut mettre la République dos au mur et se dire quelle France doit naître à l’avenir.

Bondy Blog : Et alors, selon vous, comment on met la France dos au mur ?

Magyd Cherfi : J’ai la modestie de dire que je n’ai pas toute la réponse. Ce que je dis c’est que les notions de nation, d’Etat, de République, il faut les remettre sur la table. L’universalité selon les Blancs, la diversité selon les Blancs, les droits de l’homme selon les Blancs, ça c’est une vision à l’ancienne et c’est faire machine arrière toute. Certains se disent « on va rester chrétiens » et bah non ce n’est pas comme ça.

Bondy Blog : Quel regard portez-vous sur les nouveaux militants antiracistes ?

Magyd Cherfi : Ca ne me parle pas car je considère que c’est en haut lieu que ça doit basculer, s’il n’y a pas un gouvernement, une assemblée qui se prennent à bras le corps, ce seront toujours des combats vains.

Bondy Blog : Etonnant d’entendre cela de la part d’un militant associatif qui a mené ce combat non pas en haut lieu mais à partir du terrain?

Magyd Cherfi : Et qu’est-ce qu’on a fait ?! Regardez, je n’aurais jamais imaginé des jeunes avec des barbes, des chéchias, ces femmes voilées. Moi, j’imaginais une jeunesse laïque, moderne, avec le savoir. Je ne veux pas faire de mal au milieu associatif mais s’il n’est pas soutenu de la manière la plus solennelle possible, il ne créé rien.

Bondy Blog : Avec la crainte légitime de certains de ces militants associatifs de ne surtout pas être récupérés politiquement et de ne pas répéter ce qui est arrivé dans le passé.

Magyd Cherfi : Mais il faut être récupéré ! Il faut intégrer les partis politiques qui sont la symbolique démocratique, il faut les secouer, ou les inventer. S’il est accompagné, je crois au mouvement associatif. « Motivés » a été condamné à faire des promesses mais c’était un projet mort-né car un programme idéaliste ne fonctionne qu’au premier tour. Les gens rêvent d’un monde meilleur au premier tour, au second, ils gèrent. « Motivés » a été condamné à étouffer dans l’histoire. C’est comme la marche des Beurs, elle a complètement disparu de la mémoire collective. Il faut marcher avec la mécanique des partis, même si je les porte de moins en moins dans mon coeur.

Bondy Blog : Quid de la vigie, de la critique, de la contestation nécessaire qu’incarnent ces mouvements associatifs pour le processus démocratique ?

Magyd Cherfi : Tout dépend de l’objectif de ces mouvements de vigilance. Si c’est pour être une proposition gouvernementale, si on s’assume et qu’on veut aller plus loin, il faut un parti, il faut l’agrément central.

Bondy Blog : Aujourd’hui, votre « part de Gaulois », elle est où, si elle existe vraiment ?

Magyd Cherfi : C’est une formulation. Ma part de Gaulois, ma vision à moi, elle n’est pas gauloise justement, elle est même son antithèse. Cette part n’existe pas.

Bondy Blog : Finissons cet entretien par ce qui est le début de votre livre. Cette phrase d’introduction :« L’exception française, c’est d’être Français et de devoir le devenir« . C’est encore plus d’actualité aujourd’hui.

Magyd Cherfi : On naît Français et on nous demande de le devenir. On naît et après on passe son temps à nous dire : « Deviens-le ! » On court derrière une chimère impossible, on n’est jamais assez satisfaisants pour eux.

Propos recueillis par Nassira EL MOADDEM

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