Ce n’est pas toujours facile de devenir adulte. Ça l’est d’autant moins lorsqu’on veut poursuivre ses études et que papa et maman, en l’occurrence c’est surtout maman, vous poussent vers la sortie. Le problème, c’est que Brahim, 19 ans, habite dans l’un des endroits où il est le plus difficile de se loger en France : Paris.
Il est originaire de la cité Ourcq, dans le 19e arrondissement. Il a bien voulu nous confier ses impressions et ses peurs du lendemain. « Mes parents, je ne sais pas ce qu’ils veulent, je suis perdu. J’aimerais continuer mes études, mais ils me demandent d’arrêter pour trouver un taf. »
» Quand je demande ne serais-ce qu’un euro à ma mère, elle me répond : « Vas travailler. » Moi, ça me décourage. Mes études, c’est « Définition des produits industriels, métier de bureau d’architecture ou de design ». Soit t’es vraiment à fond dedans, soit t’arrêtes, ça demande trop de devoirs à la maison. J’ai eu mon bac Etudes en juin 2007 et je voulais continuer dans cette filière. J’ai fait ma première année de BTS, mais cette année je la mets entre parenthèse, je dois chercher un travail car je dois subvenir au loyer ou partir. »
» Actuellement j’ai un contrat de 15 heures par semaine avec la mairie de Paris en tant qu’agent de maintenance pour l’entretien des Vélib’s, rémunéré 450 euros par mois. C’est pas le fait que je veuille arrêter les études, c’est que je suis obligé d’arrêter mes études. A partir du moment où tes parents veulent te mettre dehors t’as pas le choix. »
Nadia Méhouri : Dans ta famille, et sans entrer dans les détails, le père n’est pas du tout présent. C’est ta mère qui gère le quotidien. Réalise-t-elle qu’elle est peut-être en train de foutre tes études en l’air ?
Brahim : Je ne sais pas, en tout cas, je ne suis plus tranquille chez moi, je ne peux pas me servir à manger. A chaque fois je m’entends crier qu’il faut payer pour çà.
– Mais tu gagnes un peu d’argent, pourquoi tu ne leur en donnes pas une partie pour avoir la paix ?
– Ce ne sera pas suffisant, même si je donne 200 euros par mois. Je dois subvenir à mes besoins aussi.
– Tes parents te poussent vers la sortie, on dirait.
– J’ai deux solutions, soit je trouve un contrat dans un bureau d’études, soit je fais une formation en alternance de « dessinateur concepteur ». J’ai déposé pas mal de CV, avec un peu de chance ça devrait s’arranger.
– Pourquoi tes parents sont-ils aussi durs avec toi ?
– Je ne sais pas. La différence entre nous et les petits Blancs, même s’ils font des études jusqu’à 30 ans, c’est que leurs parents sont derrière eux et les soutiennent.
– Tu ne penses pas que c’est un cliché ce que tu dis là ?
– Non ce n’est pas un cliché, Nadia.
– Apparemment, tu vas devoir trouver un autre endroit où habiter.
– Oui, je sais que ça me pend au nez, mais je ne sais même pas quelles démarches entreprendre, tu sais toi à qui je dois m’adresser ?
– Vu ton âge, je te conseillerais d’aller te renseigner à la mission locale, pour commencer.
– Je vais aller prendre rendez vous, alors. »
Deux jours plus tard, Brahim a rendez vous à la mission locale de Paris-Est dans la rue d’Hautpoul. Je l’y retrouve, il est accompagné de sa petite amie, Eva. Un peu plus tard c’est un Brahim rassuré qui m’explique ce qui s’est passé lors de son entretien avec sa conseillère.
« Elle m’a proposé trois solutions : un, trouver un foyer de jeunes travailleurs vu que je taffe un peu. Deux, Urgence jeunes, c’est un lieu d’hébergement d’urgence pour les jeunes en foyer hôtel. Trois, faire le 115, mais elle m’a dit que c’est carrément pas envisageable parce que c’est pour les SDF de longue date et elle considère que ce n’est pas ma place. Elle m’a demandé de ramener mon contrat de travail avec mes trois dernières fiches de paie, ma pièce d’identité. Avec tous ces documents, elle va établir un rapport social. Elle m’a donné rendez-vous dans une semaine, me disant que l’on doit se voir une fois par semaine pour accélérer mon problème de logement pour que je reprenne le plus vite possible mes études. »
» Après ça, avec ma copine, on est allé retirer un dossier de demande de logement à la mairie. Puis je suis allé rencontrer l’assistante sociale de mon secteur dans la rue Meynadier. Elle m’a bien reçu mais m’a prévenu qu’il n’y aurait pas de solution immédiate. Pour le moment, je suis hébergé chez des amis mais je reste domicilié chez ma mère pour conserver une adresse en attendant d’avoir une solution. »
Nadia Méhouri