« On y croyait encore. » Siaka Traoré, le grand frère de Bouna, l’un des deux adolescents morts électrocutés dans un transformateur EDF de Clichy-sous-Bois le 27 octobre 2005, est « satisfait » de la décision rendue hier par deux juges d’instruction de Bobigny. Les deux policiers mis en examen dans ce dossier pour non-assistance à personne en danger seront jugés en correctionnel, contre l’avis du parquet qui avait requis un non-lieu. Les familles de Bouna Traoré et Zyed Benna obtiennent ainsi le procès qu’elles réclamaient depuis cinq ans. Il se tiendra probablement en 2011.

Siaka Traoré, présent à la conférence de presse organisée vendredi dans le cabinet parisien de Mes Jean-Pierre Mignard et Emmanuel Tordjman, les avocats des familles, répond sobrement aux questions des journalistes. Ce procès, c’est « une étape, déjà ». Ces années de bataille judiciaire, la « solidarité » rencontrée, « ça m’a forgé », confie-t-il.

A quelques jours de la commémoration du décès de Zyed et Bouna, mercredi prochain à Clichy-sous-Bois, le renvoi en correctionnel de l’affaire « contribuera à plus de calme encore », déclare Me Mignard, qui rend hommage au « grand calme pendant cinq ans des jeunes à Clichy ». Il a une pensée pour Muhittin Altun, brûlé lors de l’électrocution qui a coûté la vie à ses deux amis, atteint, dit-il, d’« une grave détérioration psychologique ».

L’avocat se félicite que, par cette décision de justice, « la loi se réinstalle dans les quartiers ». Il salue les enquêteurs de l’Inspection générale des services, leur « loyauté remarquable ». « Ces policiers sont l’honneur de la police », ajoute-t-il. Ils ont mené un « travail minutieux ». Sur RTL, l’avocat des policiers renvoyés en correctionnel, Me Daniel Merchat, a estimé que ses clients avaient été « sacrifiés (sur) l’autel de l’opinion publique ». « Très honnêtement, depuis le début, je suis convaincu que les éléments constitutifs de l’infraction ne sont pas réunis, je suis convaincu de leur totale et absolue innocence et je suis également convaincu que cette affaire se terminera par une relaxe publique », a-t-il déclaré.

A ces affirmations, Me Mignard oppose les 90 pages du dossier constitué par les deux juges qui ont prononcé le renvoi. « A l’origine de cette affaire, il a été difficile d’abord de faire valoir qu’il y avait eu une course poursuite, alors que les plus hautes autorités de l’Etat estimaient qu’il n’y en avait pas eues, et aussi qu’il n’y a jamais eu d’infraction dans ce dossier », rappelle-t-il. Contre les deux gardiens de la paix mis en cause, une policière stagiaire qui était ce soir-là au standard et un policier qui était sur les lieux, il retient « l’omission de porter secours (aux adolescents) alors que tout concourait à laisser penser qu’ils étaient sur le site » EDF.

Lors de la conférence de presse, Samir Mihi, président de l’association Au-delà des mots, qui s’est battue avec les avocats des familles des victimes pour que l’affaire aille en correctionnel, souligne « le rôle grandi des juges d’instruction », estimant que leur disparition aurait certainement abouti à un classement du dossier par le parquet.

Mercredi, c’est le cœur sans doute un peu moins lourd que les parents, frères, sœurs et amis commémoreront la mémoire de Zyed et Bouna.

Antoine Menusier

Antoine Menusier

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