Aïcha, c’est un peu nous. Depuis la veille, maman avait fait mijoter de bons petits légumes et cuit un poulet bien charnu. Depuis la veille, l’un après l’autre les membres de ma famille soulevaient le couvercle de la casserole et tentaient d’y plonger un bout de pain. Maman arrivait à temps pour lancer un « touche pas, c’est pas pour ce soir ! ». Alors ce soir (hier), j’étais censée savourer le festin qui s’était tant fait désirer. Il n’en a rien été. En trois cuillères, j’ai englouti mon assiette pour ne pas rater l’événement de la soirée : Aïcha 2.

Et je ne suis pas la seule. On a eu beau ne pas se passer le mot, à la maison, tous les postes de télévision étaient branchés sur la même chaîne. Nous avions regardé le premier et n’avions rien vu d’autre entre-temps. Rien d’autre qui nous fasse nous déchausser sur le palier et pousser la porte d’un de ces bâtiments que l’on connaît. Alors forcément, c’est bizarre sans l’être qu’on ne se soit pas posé la question du choix du programme télé de ce soir.

C’est fou, je commençais à croire que la France ce n’était que des dolmens en Bretagne, des anges descendus sur terre ou des commissaires chapeaux vissés sur la tête et gabardine à col relevé. Ce soir à la télévision française, dans un registre particulier, plus ou moins comique, l’autre côté du périph a eu son moment et a inspiré un téléfilm diffusé en prime time.

Que certains passages soient jugés un peu « cul-cul », un peu trop caricaturaux, un peu trop romancés, après tout qu’importe. On a approché le réel, parlé de cette Aïcha héroïne moderne un peu cliché mais qui ne nous est pas étrangère. La double culture et ses difficultés, ce perpétuel combat pour ne pas trahir ses origines et les valeurs familiales, rester fidèle à son éducation et à ses proches tout en construisant sa propre vie. Une vie qui ne prendra pas les mêmes chemins que ceux des parents pour des raisons purement logiques. Le travail, l’amour, l’amitié, la famille, tout est à adapter.

Aïcha ce n’est pas s’intégrer, ni s’assimiler et encore moins se renier. Aicha, c’est juste se trouver. Et si ce soir ça a été un carton, c’est parce que vu comme ça, bah, Aïcha, c’est un peu nous.

Joanna Yakin 

Formidable Biyouna. Le téléfilm « Aïcha » a pour mérite de mettre en lumière les difficultés rencontrées par les jeunes français d’origine maghrébine à accéder au monde du travail. Et chacun d’y aller de sa réponse. Ainsi, l’héroïne, Aïcha, a eu de la chance, elle a été embauchée dans une société de cosmétiques après s’être faite remarquer lors d’une remise des prix avec sa tante Biyouna au Sénat (allusion, sans doute, aux « Talents des cités »).

Mais tout le monde n’a pas cette chance. Comme Nejma, la cousine d’Aïcha, beaucoup de jeunes diplômés sont contraints de faire des petits boulots faute de mieux ou en attendant le job de leur rêve. En effet, il n’est pas rare de voir des bac+4-5 travailler dans des fastfoods ou des grandes surfaces. Cela peut durer des mois voire des années pour certains.

D’autres comme Houria, alias Gloria, cachent leurs origines maghrébines. Ils se donnent un prénom européen et s’inventent parfois des origines italiennes ou espagnoles. Aujourd’hui, certains parents, pour contrecarrer cette discrimination choisissent de donner à leurs enfants des prénoms français ou des prénoms qui passent bien (prénoms sans consonance particulière). 

Ce film est parsemé de nombreux moments drôles, grâce notamment au charme ravageur de Biyouna. Cette actrice et chanteuse algérienne, à la voix inimitable, est drôle sur scène comme dans la vie. Elle joue comme elle respire. Biyouna ! Elle  est cash. Elle est touchante et pleine de fraîcheur. Elle nous fait hurler de rire avec son  humour à l’accent algérois. Elle a su garder cette spontanéité qui nous vient de l’enfance, que malheureusement beaucoup d’entre nous perdent à l’âge adulte. Elle est simplement géniale dans ce film comme ailleurs. On aimerait la voir plus souvent sur nos écrans.

Tassadit Mansouri

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