17 juin 1987, Los Angeles. Personne ne se doute encore que ce jour sera l’un des plus importants de l’histoire du rap et de la musique en générale. Kendrick Lamar Duckworth de son nom complet voit le jour. Kenny (son père) et Paula (sa mère) et leur nouveau-né résident plus précisément à Compton, une ville en périphérie de la cité des anges et où les taux de criminalité et de chômage surpassent largement la moyenne nationale.

Ici la guerre des gangs, la surconsommation de drogue et la pauvreté font des ravages. C’est dans cet environnement que le jeune Kendrick évolue aux côtés de ses pairs : « Venant de Compton, j’aurais pu facilement dire que j’ai fait ceci ou cela, que j’ai tué un paquet de n*gros, et ç’aurait été crédible parce que j’ai grandi dans une ville comme celle-là » déclarera-t-il au cours d’une interview au média américain Noisey. Kendrick parle en connaissance de cause. L’artiste a vu nombre de ses amis et membres de sa famille tombés sous les balles comme l’explique l’auteur français dans son œuvre.

Kendrick, roi des mots devenu silencieux 

Bien qu’il ait accordé des interviews par le passé, le récent mutisme et l’inaccessibilité de Kendrick Lamar font de lui un personnage énigmatique et contribuent à créer un mythe autour de lui. C’est cette fascination qu’a tenté de percer Nicolas Rogès dans son livre.


Le souriant Nicolas Rogès a du faire des pieds et des mains pour tenter de contacter l’entourage de Kendrick Lamar. 

« Au début j’ai hésité à commencer ce livre, j’étudiais avec mon éditeur mon précédent livre sur la musique soul. A la base j’avais décidé de ne plus trop écrire sur la musique pour me concentrer sur mes romans, et on a commencé à parler de Kendrick Lamar un peu par hasard ».

Nicolas est peu convaincu par son éditeur qui le pousse à écrire sur le rappeur, trouvant le moment inopportun : « Je trouvais que c’était un peu tôt parce que sa carrière est loin d’être finie, donc j’ai hésité. Mais le lendemain j’ai dit à mon éditeur que j’étais prêt à écrire sur lui. Je trouvais important d’écrire sur une histoire en cours, parce qu’on a tendance à écrire sur des personnes qui sont décédés, et c’est important de célébrer les artistes qui ont un impact sur la musique et dans la société quand ils sont encore vivants » détaille-t-il.

De Compton à la Maison Blanche… En 2016 Kendrick Lamar se produisait sur une scène dans le centre névralgique de l’état fédéral américain.  

Le rap, un prétexte pour parler du racisme systémique

Pour ce faire le journaliste travaille d’arrache-pied durant presque deux ans pour raconter le parcours du natif de Compton en 28 chapitres. Des heures d’écoutes, d’entretiens et une semaine passée à Los Angeles ont été nécessaire pour l’écriture du livre : « Je suis allé sur le terrain pour rencontrer des amis d’enfance. L’histoire de Kendrick avant son album ‘Good kid m.A.A.d city’ est peu raconté et c’est pour cela que je suis allé à Compton pendant une semaine ».

Kendrick Lamar doit son exposition mondiale à son album ‘Good kid m.A.A.d city’, reconnu à ce jour comme un classique du rap de la dernière décennie. 

Malheureusement le journaliste n’a pas pu s’entretenir avec Kendrick ‘himself’, en raison d’une stratégie de communication totalement opaque que lui et son label (T.D.E) s’imposent : “Je les ai harcelés un truc de fou, je pense qu’ils n’en pouvaient plus de moi ! (Rires). Par dm Instagram et twitter. Kendrick et son label sont totalement inaccessibles à part s’ils sont en promo.” se souvient-il. A l’heure de la surmédiatisation Kendrick fait figure d’exception, lui qui s’affiche peu sur Instagram ou Twitter contrairement à Drake ou Travis Scott, ce qui renforce le côté énigmatique du personnage.

Le livre ne s’attarde toutefois pas seulement sur Kendrick et son œuvre complexe, il y est également question de la musique noire, de violences policières, de religion et d’un historique sur le racisme systémique Outre-Atlantique : “Kendrick Lamar c’est presque un prétexte pour parler de pleins d’autres choses. Cette personne-là dans la mesure où c’est devenu une icône générationnelle tu peux écrire sur pleins de sujets autre que la musique.” raconte-t-il.

La filiation californienne avec Tupac

Pour les plus nostalgiques une grande partie du livre est consacré au lien qu’unit la légende Tupac à Kendrick : “Je savais que Kendrick a été globalement influencé par Tupac, mais je ne faisais pas le lien en termes de son ou de rythme. C’est quand je me suis mis à analyser les paroles notamment de ‘To Pimp a Butterfly’ (son troisième album) que j’ai compris qu’il y avait beaucoup en commun Tupac avait cette sensibilité, parlait de ses peurs et ses démons. Kendrick est aussi dans la même démarche.”  raconte le journaliste.

 

Kendrick est devenu King, un statut qu’il assume complètement. En témoigne le titre « King Kunta ». 

A l’arrivée le livre est un véritable plaisir pour les amateurs de rap et de musique. L’impressionnant travail du journaliste donne un ouvrage empli d’anecdotes savoureuses nous amène à comprendre pourquoi et comment Kendrick Lamar Duckworth est devenu une véritable légende du rap. De ses premiers morceaux écrits au collège jusqu’aux albums multirécompensés notamment par un prix Pulitzer, ce livre (à lire avec du Kendrick dans les oreilles évidemment) est l’occasion parfaite de découvrir un peu plus celui qu’on surnomme d’ores et déjà « King » Kendrick.

Felix Mubenga

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