Maître de conférences et chercheure en science de l’éducation au sein de l’université Paris XIII (Villetaneuse), Nacira Guénif-Souilamas a un CV bien garni. Femme charismatique et emblématique du 21e siècle, elle est l’une des rares personnes en France à traiter des thèmes sociaux-culturels (immigration, ethnicité, croyance, féminisme) de manière décalée et non-convenue.

Pourquoi avoir organisé Drama Queen/Malika au moment de la Nuit Blanche à Paris ? Et pourquoi avoir choisi le 104 ?
Je voulais que cette manifestation s’articule avec les expositions artistiques qui se déroulent pendant plusieurs jours au 104 car les points de vue des artistes présents ont permis de faire avancer nos sujets. Ils étaient en lien direct avec cette journée de réflexion  Mode-Beauté-Humour. J’ai donc présenté cette idée au commissaire chargé des expositions. Elle a  été appréciée par la direction et cette journée a était placée la veille de la Nuit Blanche. Bien sûr, le 104 a été choisi pour son coté artistique parisien.

Quel est le message que vous souhaitiez faire passer à travers cette exposition ?
Il est à présent obligatoire d’être visible physiquement dans nos sociétés occidentales démocratisées. Nous sommes sous la contrainte, nous devons nous conformer aux normes dans lesquelles par exemple le port de la burqa est interdit car on ne voit pas le physique de ces personnes. Pour en arriver à appliquer ces nouvelles normes, des sanctions nationales sont mises en place pour mener à bien cette politique dite démocratique de transparence. On est dans l’idée où tout le monde doit être pareil. Or, même s’il on est tous pareils, certaines apparences (« tête d’arabe ») ne trompent pas ! Et les différences générationnelles (tecktonik, gothique) existeront toujours ! La vidéo présentée à l’Institut des cultures d’Islam le week-end dernier lors de la Nuit Blanche touche de près les intérêts suscités par cette manifestation. On y voit notamment une société marginalisée où les jeunes ne se conforment pas à cette visibilité contrainte, c’est une forme de résistance.

Vous traitez de la question du rire en la confrontant à des sujets parfois difficiles. On peut parler de Dieudonné par exemple ?
Le rire permet de faire de grandes choses, comme déjouer la haine qu’on peut ressentir à cause d’un événement tragique et faire rire les gens. Il y a un sketch de Dieudonné sur le 11 septembre qui reflète bien cette idée. Il utilise l’outrance sur quelques points de cet événement comme parler des mille vierges ou de l’atterrissage sur une paroi verticale… mais de sorte à ce que ça ne soit pas visible, en sous-entendant les choses. D’ailleurs, Jamel Debbouze a été convié à cet événement, mais il n’a jamais répondu à l’invitation.  Peut-être en raison des thèmes traités…

L’Islam interdit le travestisme. Pensez-vous que le travestissement forme un choc des civilisations autant pour la culture musulmane que pour la culture occidentale ?
Non, et pour vous dire, les musulmans sont ceux qui portent le plus de robes, hommes et femmes. On parle ici de convention sociale, les hommes ne portent pas de robe que parce qu’on dit de ne pas le faire. Et, au fur et à mesures que les années passent, il n’est pas normal de voir un homme habillé d’une robe dans nos sociétés occidentales car cela ne se fait pas, les hommes et femmes doivent être différents ! Ce phénomène de travestissement s’oppose à cette frontière, elle brouille « cette réalité ».

Ferhat Dikmetas

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