72 jours d’existence et la Commune de Paris continue d’influencer et d’inspirer les jeunes engagé·e·s et militant·e·s, 150 ans plus tard. La courte période insurrectionnelle, qui a vu celles et ceux qu’on appellera plus tard les Communards, prendre le pouvoir à Paris, alors que le gouvernement parlementaire venait de se faire élire, au suffrage universel masculin,  dans le cadre de la Troisième République.

Les conditions jugées injustes de l’armistice signée avec la Prusse, après une guerre difficile, font ressurgir un idéal égalitaire chez les Parisiennes et Parisiens qui prennent le pouvoir dans la violence pour instaurer une démocratie directe. Une aventure politique avant-gardiste finalement réprimée dans le sang, deux mois plus tard par l’armée régulière.

On se rappelle des gens qui avant nous ont fait de belles choses, pour ne pas les
oublier.


L’épisode de Karambolage d’Arte permet une rapide et efficace introduction à la période de la Commune. 

La commune par les chansons : ‘Le temps des Cerises’

Yanni, 20 ans, étudiant et militant aux Jeunes Communistes du Val-de-Marne (94),  a rencontré l’histoire de la Commune pour la première fois à travers l’une des deux célèbres chansons qui lui est associée, Le temps des cerises (écrite et composée par Jean Baptiste Clémnt et Antoine Renard entre 1866 et 1868).  C’est avec  le film d’animation Porco Rosso de Miyazaki, que le jeune homme, encore adolescent, entend pour la première fois cette chanson qui va devenir l’hymne de la Commune.

« Le temps des Cerises » chanté dans le fim Porco Rosso. 

Plus tard, lorsqu’il entre aux Jeunes Communistes, il en apprend plus sur cet événement historique qui a marqué des générations et le marquera à son tour. Pour lui, célébrer les 150 ans de La Commune « fait partie de cette mémoire alternative en France qu’on célèbre à gauche, comme l’histoire anticoloniale. On se rappelle des gens qui avant nous ont fait de belles choses, pour ne pas les oublier. »

Parmi les nombreuses avancées sociales qui ont eu lieu durant les 2 mois et 10 jours qu’ont duré La Commune, Yanni en garde particulièrement une en tête : « C’est l’arrêt du travail des enfants. Pour les libéraux de l’époque c’est inconcevable, c’est de l’ordre de l’utopie. C’était de l’ordre du fantasme d’arrêter le travail des enfants et de leur donner une éducation, et les Communards l’ont fait et ils ont démontré que c’était possible un modèle de société où les enfants ne sont pas exploité·e·s. »

 Il n’y a rien de surprenant que ces idées-là qui ont traversé l’Europe, depuis les Lumières, aux révolutions marxistes, aux révolutions indépendantistes plus tard, soient dans la même ligne directrice.

Le jeune militant communiste considère davantage la révolution pour l’indépendance algérienne en 1962 comme faisant partie de son « code génétique de la lutte, de la mémoire », mais pour lui elle est dans la lignée de La Commune : « La révolution des Communards ça fait partie de ces moments où  en Europe on pressentait quelque chose, on voulait réinventer la société, on voulait autre chose que le modèle qui était proposé. Les idées ne sont pas imperméables, elles passent les frontières, les époques. Il n’y a rien de surprenant que ces idées-là qui ont traversé l’Europe, depuis les Lumières, aux révolutions marxistes, aux révolutions indépendantistes plus tard, soient dans la même ligne directrice. »

La commune : un héritage féministe

« Oui mais ! Ça branle dans le manche, Les mauvais jours finiront. Et gare ! à la revanche, Quand tous les pauvres s’y mettront » c’est en chantant ce refrain de la chanson révolutionnaire, La semaine sanglante, écrite par le Communard Jean Baptise Clément, qu’Eva, 21 ans, étudiante et militante féministe libertaire introduit la discussion.

C’est un moment féministe parce qu’il a permis l’émergence de revendications de femmes pour les femmes.

Politisée par le biais du féminisme et de l’anticapitalisme, c’est par la figure emblématique de Louise Michel qu’Eva s’intéresse à l’histoire de La Commune. Bien qu’elle revendique son héritage, elle déplore la réduction d’un mouvement à une figure, qui tend à invisibiliser les milliers de personnes qui ont lutté. Pour elle, « c’est un moment qui fait sens parce que c’est un moment de tentative révolutionnaire, d’expérimentations démocratiques, et c’est un moment féministe parce qu’il a permis l’émergence de revendications de femmes pour les femmes. »

La militante féministe libertaire revendique l’héritage féministe de La Commune, et particulièrement ses organisations en non mixité dans des syndicats et des comités. Le 11 avril 1871 est fondée l’Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés, composée à majorité d’ouvrières et c’est l’un des premiers mouvements se réclamant ouvertement du féminisme.

Elles publient un texte qui affirme : « La Commune représente le grand principe proclamant l’anéantissement de tout privilège, de toute inégalité, – par là même est engagée à tenir compte des justes réclamations de la population entière, sans distinction de sexe, – distinction créée et maintenue par le besoin de l’antagonisme sur lequel reposent les privilèges des classes gouvernantes ».

On ne vient pas de nulle part, l’anarchisme ou le féminisme ne datent pas d’aujourd’hui, ce sont des luttes qui ont une histoire. 

« Les gens qui luttent pour la justice et l’émancipation, pour moi c’est important de leur faire mémoire, parce que ça a un rôle moteur dans nos luttes à nous aussi. On ne vient pas de nulle part, l’anarchisme ou le féminisme ne datent pas d’aujourd’hui, ce sont des luttes qui ont une histoire », rappelle Eva.

La semaine sanglante

Ce moment révolutionnaire a subi une répression sanglante, dont on estime le nombre de mort·e·s entre 6000 et 30000. L’étouffement idéologique de La Commune par le gouvernement républicain passe aussi par son effacement de la mémoire collective, notamment par la construction encore aujourd’hui controversée de la basilique du Sacré Cœur, sur la butte Montmartre, lieu où l’insurrection des Communard·e·s a débuté le 18 mars 1871.

C’était non sans compter sur la force de la mémoire, de la transmission et de la lutte. Eva conclut : « Ça donne de la force de se rappeler qu’il y a des gens qui ont lutté. Ca peut paraître contradictoire parce qu’on pourrait se dire que La Commune a été écrasée, mais voir que ce sont des idées qui ont marqué le temps, et que malgré tout ce qui a été fait pour effacer les traces de La Commune, aujourd’hui il y a encore tellement de gens qui s’en réclament, pour moi ça c’est une force. »

Anissa Rami

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