Avant toute chose, posons les bases : le tiramisu est le dessert le moins considéré du monde sucré. Et nous allons vous raconter pourquoi.

Du mascarpone, des biscuits boudoirs, du sucre, des oeufs, du cacao en poudre, de l’amaretto ou du rhum ou éventuellement du café. Voilà ce qu’il faut, à la base, pour réaliser un (vrai) tiramisu, c’est-à-dire la version classique italienne. La version du respect. C’est simple, inoffensif, efficace et délicieux. Mais l’humain est compliqué.

« Le tiramisu de la street » : origine et composition

Dans le tiramisu original il y a de l’alcool ou du café. Pour des raisons politiques, techniques, logistiques, allergiques ou non-laïques, ces ingrédients ne conviennent pas à tout le monde. Alors, il existe ce qu’on appelle « le tiramisu de la street ». Les ingrédients de base sont (presque) les mêmes, l’alcool ou le café en moins et (beaucoup) de sucre en plus.

Des variantes au Smarties, Maltesers, Bounty, M&M’s, Mars existent. Étonnant ? Innovant ? Surprenant ? Tout à fait. En tous cas, ça fonctionne et ça convient à certains palais qui ont décidé de l’élire « meilleur dessert de l’histoire ».

Un tiramisu ça se prépare en moins d’une demi-heure, pas besoin de four, ça se mange assez facilement, alors ça se distribue comme on distribue ses bactéries dans un bus bondé en période de grève. Ca se vend aussi via des pages Facebook, des comptes Instagram et surtout Snapchat.

Tiramibouns, tiramiams, tiramistreet… les comptes sont nombreux mais le fonctionnement est le même. Il suffit d’envoyer un message avec sa commande, son adresse et son numéro de téléphone pour se faire livrer quelques minutes plus tard. Pour l’aspect financier, notez que la barquette (assez généreuse, si nous pouvons nous permettre) coûte en moyenne cinq euros et généralement, la livraison n’est possible qu’à partir de dix euros soit environ deux parpaings de tiramisu.

L’âge d’or

Ce dessert s’est clairement institutionnalisé ces dernières années, notamment depuis son arrivée dans certains restaurants aussi appelés fast-food. Dans pas mal de grecs, après un bon chicken tikka – salade, tomate, oignon – sauces algérienne, biggie – supplément fromage, il est possible de finir son repas sur une petite note sucrée qui ne soit pas un loukoum coupé à l’ongle.

C’est là que le tiramisu Twix-caramel beurre salé entre en scène. Et même si vous ne le prenez pas, il est là, il vous regarde quand vous commandez à travers une vitrine quelque peu graisseuse et à côté d’une part de tarte au Daim acnéique (spécialité sur laquelle nous reviendrons dans un prochain article). C’est la marque Nubi, basée à Montgeron dans l’Essonne qui est la plus connue sur le marché. Créée en 2011, sa volonté est de « démocratiser les desserts au delà de la pâtisserie et de la restauration traditionnelle ». Mais comment démocratiser sans ruiner ces mêmes desserts ? Tout un programme. La clientèle est en tout cas clairement ciblée, dans la rubrique « à propos » du site, le slogan suivant « je ne conçois plus de manger un repas dans un fast-food sans finir avec un dessert Nubi ».  Nous, en revanche, nous le concevons très bien.

Le tiramisu se retrouve aussi à la carte de pas mal de restaurants halal fréquentés par une clientèle de banlieue jeune et dynamique désireuse de s’affranchir de temps en temps de la street et de ses codes culinaires. Souvent le temps d’un rencard ou d’un anniversaire. Là-bas, le tiramisu sera présenté dans une jolie verrine et sera sûrement saupoudré de biscuits speculos réduits en miettes dans le creux d’une main suspecte. Il y sera peut-être un peu plus élaboré mais vous ne fera pas voyager jusqu’en Italie pour autant. Porte d’Italie tout au plus.

Enfin, le tiramisu s’est aussi rendu populaire en banlieue grâce à celles que l’on appelle les « oukhtynettes » terme mi-arabe, mi-français signifiant « petites soeurs »). Elles sont connues pour l’élaboration de tiramisu à base d’Oréo ou de Schokobon dans des plats à gratin. Souvent exécuté pour la famille, il arrive qu’il soit confectionné pour un « hlel » fiancé). Dans ce cas, le tiramisu a un sous-titre sans équivoque qui est le suivant : « il est temps de m’épouser ».

Il se peut aussi que la oukhtynette en question soit plutôt indépendante et entrepreneuse et mette ses créations en vente, particulièrement lors du mois de Ramadan.

Comme chacun sait, la cuisine italienne a déferlé sur Paris ces dernières années. Plus possible de se construire socialement sans avoir à accepter un « p’tit restau italien » entre amis. Force est de constater que, comme souvent, la banlieue a été aux avant-postes de cette déferlante avec la réappropriation du tiramisu. Mais il est temps de déclarer une chose : au même titre que le couscous ball n’est pas un couscous, le tiramisu de la street n’est pas un tiramisu.

Latifa OULKHOUIR et Louisa MIDIOU

 

 

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