Article initialement publié le 12 novembre 2020. 

À la manière d’un « posez vos stylos » en examen, le « un peu de gel, beau gosse ? » sonne la fin des travaux. Plus de retour en arrière possible, la coupe de cheveux est terminée. Les esthètes exigeront quelques retouches ici et là pour sauver les meubles quand les plus défaitistes demanderont à être libérés. De toute façon, quand une coupe est ratée, elle ne se rattrape pas. Elle se pleure. C’est surtout l’après qu’il faut préparer, et avec, l’accessoire qui camouflera la tuerie : la casquette ou le bonnet selon la saison, le béret pour l’amour de la Patrie.  Les plus radicaux ou audacieux – selon la forme de leur crâne – opteront pour « la boule à Z » : le calice jusqu’à la lie.

La trentaine bien entamée, j’ai connu les coupes aux ciseaux de couture dans une salle de bain d’un F4, les premières réalisées à la tondeuse en extérieur au quartier et celles exécutées dans un foyer de travailleurs immigrés où l’odeur d’une eau de Cologne 1er prix se mélangeait à celle des épices de la gamelle du coiffeur.

Si la réputation de tout commerçant se joue avant tout sur Internet, la rue continue de peser sur celle du hellaq.

Dans mon parcours capillaire, pas de teinture, de l’huile d’olive et forcément quelques ratés dû à certaines prises de risque. Si la réputation de tout commerçant se joue avant tout sur Internet, la rue continue de peser sur celle du hellaq*. On observe les coupes de ses potes, et détermine, selon le coiffeur, un ratio « têtes coupées/coupes réussies » que l’on mettra en perspective avec le prix à débourser. A la manière d’un contrôle de l’Urssaf, une visite surprise, pour inspecter du coin de l’œil la propreté du salon, peut également influer sur sa décision d’offrir ou non sa tête à celui qui sait qu’à la baraque le peigne ça s’appelle l’mechta.

« L’mechta » susmentionnée. Créée dans les années 60 au Maroc par Abdelaziz Tazi, celle qui a aussi été surnommée « brosse Tazi » est devenue incontournable dans toutes les salles de bain maghrébines et au delà grâce à son prix abordable et à sa capacité à brosser tous types de cheveux. Elle se glisse entre les doigts pour une adhérence maximale.

Au cours des dernières années, le rapport des hommes à leur apparence a changé et les tendances capillaires sont très nombreuses. Parmi les principales évolutions, les cheveux long façon PNL et le port de la barbe façon républicaine.

Selon le « Bic Shave Club», en France, 78% des moins de 35 ans et 92% des 25-34 arborent en effet une barbe. Pour accompagner ce changement, nos salons de coiffure se sont transformés. Désormais on ne va plus chez le hellaq le samedi après-midi, mais chez le barber. Toutefois, on a beau investir dans une nouvelle déco, de nouvelles tondeuses et offrir tout une gamme de soins à barbe, certaines habitudes ont la vie dure.

On ne demande jamais à voir les diplômes des coiffeurs

Pas de rendez-vous, des horaires adaptés, l’intégral de Cheb Hasni en boucle et pour les plus chanceux un verre de thé à la menthe, préparé par l’un des coiffeurs entre deux clients. Deux règles fondamentales sont également à respecter : on ne demande jamais à voir les diplômes des coiffeurs ni pourquoi on ne peut pas payer par carte. Les tarifs appliqués sont généralement bien en dessous de ceux pratiqués dans les barbers parisiens pour un travail quasi-identique. Je vous dis ça mais je n’ai jamais essayé. En même temps, j’ai toujours été satisfait de mon barber et c’est peut-être le seul endroit où on m’appellera toujours « beau gosse ».

*hellaq : coiffeur en arabe

Ahmed AIT BEN DAOUD

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