Prêt, partez ! Le 22 et 23 octobre à l’espace Marcel Chauzy (Bondy) se tient un championnat de lecture rapide. Un événement organisé par les fondateurs de Graines de réussite, Nadia Bouali et Kamel Kajout. Ce dernier, ingénieur spatial de formation, a remporté le championnat du monde qui avait lieu en Chine, en 2021 et en 2022.

Nous les avons rencontrés dans leur locaux à Bondy. Interview.

Pourquoi lire vite ? Est-ce que ça répond à un impératif de notre époque : consommer à outrance, lire plus de livres ?

Nadia Bouali : À mon sens, l’appellation lecture rapide dessert la discipline. Ce n’est pas juste une lecture rapide, mais une lecture efficace. On lit vite, je le conçois, mais on est davantage concentré et on mémorise mieux.

Quand on lit doucement ce n’est pas stimulant, l’esprit peut être dispersé. La lecture rapide m’a permis d’acquérir beaucoup plus de savoir et de vocabulaire. Aujourd’hui, tout va très vite à l’ère de la technologie et de la science. Si tu ne t’adaptes pas, tu es vite dépassé et je pense que la lecture rapide aide.

Pouvez-vous vous présenter ?

Kamel Kajout : Je suis ingénieur dans le spatial et également double champion de lecture rapide. Je suis aussi le directeur général du centre de formation «Graines de réussite ».

Né à Aubervilliers, j’ai grandi à la Courneuve. Depuis 12 ans, je vis à Bondy avec Nadia Bouali qui est la cofondatrice de Graines de réussite.

Tu as un parcours atypique, peux-tu nous en dire davantage ?

Kamel Kajout : Je viens d’une famille marocaine, pas aisée du tout. Mes parents ne savaient ni lire ni écrire, mais ils m’ont encouragé à aller loin dans les études. Ces valeurs transmises m’ont aidé à intégrer une classe préparatoire intégrée, puis une école d’ingénieur

Une école que j’ai ensuite quittée. J’ai choisi d’intégrer l’École Nationale Supérieure de l’Electronique et de ses Applications.

Est-ce que tu as vécu des formes de racisme au cours de ta scolarité ? Kamel Kajout : Oui, tout le temps. Je pense que les émeutes de 2005 ont eu pour conséquence, à mon échelle, que j’ai tout de suite été très stigmatisé.

J’ai eu énormément de mal à trouver un emploi comparé à mes collègues de promotion

Je venais d’un quartier populaire. En fin de scolarité, j’ai eu énormément de mal à trouver un emploi comparé à mes collègues de promotion. Pourtant, j’étais major de promo. J’ai envoyé plus de 500 CV et aucune réponse. Dans le monde du spatial, il y a peu de diversité ce qui n’aide pas. Pour espérer avoir un entretien, j’ai parfois changé mon lieu de résidence.

Comment as- tu développé une passion pour la lecture rapide ?

Kamel Kajout : À la suite d’un voyage en 2018, c’est avec Nadia que j’ai découvert ce sport. A l’origine, j’accompagnais Nadia qui, elle, participait au championnat. Je n’étais pas un grand fan de lecture. Avant, ma culture littéraire se résumait aux mangas.

Nadia Bouali : En effet, je participais à la compétition, mais on a eu un imprévu dans notre équipe. Il nous manquait quelqu’un. J’ai motivé Kamel, qui n’était pas forcément chaud au début (rires). Je l’ai convaincu et lui ai expliqué les techniques de mémorisation ou de prise de note pour qu’il soit prêt le lendemain.

Et coup de théâtre, le jour de l’épreuve, il a fini devant moi ! Mais il avait fait une erreur…

Kamel Kajout : Dans un championnat, on commence par lire l’œuvre. Ensuite, on doit répondre à des questions sur textes rédigées soit par l’auteur ou la maison d’édition. On est évalué sur notre vitesse de lecture et notre compréhension du livre. Le livre est inconnu, il n’est pas publié en amont.

Tout est fait devant un huissier pour éviter la triche. Lors de la compétition, j’ai oublié de retourner la page qui était recto-verso. Mais j’ai réussi à répondre aux questions.

En Seine-Saint-Denis, beaucoup d’enfants ont des parents qui ne savent ni lire ni écrire. Cela peut créer des difficultés pour ces enfants.

Vous pensez qu’on devrait intégrer la lecture rapide à l’école pour pallier au problème ?

Nadia Bouali : À notre niveau, on accompagne des adolescents et des enseignants qui veulent se former à la lecture rapide. On travaille également avec des établissements scolaires sur Bondy. On aimerait évoluer davantage avec l’école, mais petit à petit.

Graines de réussite est née en 2020, pourquoi l’avoir créée ?

Kamel Kajout : Ce projet est né d’un long travail. On était déjà très impliqués dans le monde associatif. On rénove des écoles, on crée des puits au Maroc et on distribue des repas dans différents pays. C’est très important pour nous de donner à ceux qui sont dans le besoin.

Avec Nadia, on a voulu créer notre propre structure pour accompagner celles et ceux qui ont un besoin d’évoluer professionnellement.

Revenons au championnat de lecture. Qu’est-ce qu’il va se passer, qu’est-ce que vous avez prévu ?

Kamel Kajout : La première journée sera axée sur la compétition. Deux compétitions de lecture rapide le matin et l’après-midi. Et le deuxième jour, on organise des conférences avec des scientifiques autour des neurosciences.

L’événement est ouvert à tous. Pas besoin d’être formé en lecture rapide. Il y a des débutants, des initiés ou des experts.

Votre événement est-il gratuit ?

Nadia Bouali : À notre grand regret, comme c’est notre première édition, l’événement est payant. Cependant, on offre le repas en collaboration avec Harry’s Café.

Kamel Kajout  : L’entrée est à 80 euros pour deux jours de compétition et les conférences sont ouvertes dès 45 euros. L’évènement est en partenariat avec le Centre national d’études spatiales (CNES) et Culture Mouv, une association de la Courneuve.

Propos recueillis par Yvana Tchalla

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