Ça n’a jamais été un secret et historiquement, c’est aussi intangible que le parvis de la basilique de Saint-Denis : la conférence de rédaction du Bondy Blog se tient tous les mardis, à 19h, à Bondy, Seine-Saint-Denis, depuis toujours (2005, mais c’est pareil). Mais ce mardi 11 juin 2019 faisait partie des rares exceptions. Invités par l’association Nova Villa pour une résidence d’une semaine à Reims et à peine débarqués du train que nous dérogeons pour la bonne cause à deux règles : la localisation et l’heure.

En MC, Ilyes Ramdani, rédacteur en chef de son état et pour faire les backs, 4 blogueurs. A 14h, au Cellier, lieu culturel niché au cœur de la ville, nous accueillons les 4es du  collège George-Braque et les 2nde du lycée Libergier que nous avons suivis toute l’année pour un exercice nouveau et inclusif. Plus qu’un simple tour de table, il s’agissait, aujourd’hui, de donner la parole à une quarantaine de filles et de garçons et à cette échantillon de jeunesse rémoise d’apparence bien timide. Alors, nous insistons : « C’est important pour nous de voir ce que vous voyez, d’entendre ce que vous voulez raconter ».

Tandis que les lycéens affluent de différents points géographiques (l’un d’eux nous parlera même de son « bled paumé », répondant au nom de Sept-Saulx, « juste relié à Reims par la départementale, sinon c’est la mort » et comptant « 500 personnes, sans compter les vaches dans les prés ». Il vient au lycée en prenant le train puis en finissant le trajet à pied), les collégiens viennent, pour la grande majorité, du quartier Croix-Rouge. Certains sont pointilleux et tiennent à une précision, « nous, on est de Croix du Sud ! ».

Et ça leur inspire quoi, Croix-Rouge ? Les réponses fusent entre des « trafic de drogues », « une patinoire », « c’est chaud » ou encore « l’université ». Nous affinons avec eux la définition d’un quartier populaire. Pour la perception de leur ville, c’est « des touristes et du champagne (…) surtout pendant la Coupe du monde ». Nous saisissons l’occasion pour balayer un large panel de sujets. La Coupe du Monde féminine de football et le rap local (même si « c’est pas encore ça »), d’abord. Ils écoutent Ninho, Zola, Koba la D, Fianso, Djaja et Dinaz. « Mais c’est que du rap parisien ça ! Vous avez quoi chez vous ? ». Ils citent une rappeuse, Aynine, et des potes à eux, le CDS Gang, « 20 000 vues sur Youtube ! ».

L’écologie (et sa punchline « un vegan, c’est un mec qui mange des fleurs ») et l’orientation, ensuite. Ils sont la première génération à expérimenter la nouvelle réforme du baccalauréat. Ils sont incertains, « on est un peu le test. On ne sait pas trop ce que voudront les facs ». Leur professeure renchérit : « Certains de leurs professeurs opposés à la réforme leur ont même attribué les notes de la confiance. » Dounia, une élève, en rigole. « On a tous eu 20, en fait, c’est la première fois que je monte à 17 de moyenne générale ! ».

Alors, nous leur faisons noter que c’est ça, le vrai sujet. Pas se triturer les méninges à trouver le sujet le plus ambitieux ou l’angle le plus original : parler de son quotidien suffit, parce qu’ils en sont les premiers témoins et qu’il est souvent riche d’histoires et de personnages. Après plus d’une heure et demi d’échanges, tout ce petit monde prend congé. Eux, visiblement ravis des échanges, et leurs professeurs aussi. Nous, avec une flopée de sujets dans la besace et un programme rémois chargé. Et, mine de rien, vachement fiers de « nos » collégiens et lycéens.

Eugénie COSTA

Crédit photo : Vanessa GAUNEL / Nova Villa

Articles liés