Cette année, à travers sa programmation le festival a vocation à donner « la parole aux peuples », à « la majorité silencieuse, le plus souvent bannie des écrans » indique Hicham Fellah délégué général du festival, « les sans voix, sans droits, qui vivent dans les banlieues, les zones rurales » qu’ils soient au Maroc, en France (avec la projection du documentaire de Julien Dubois, « Bondy Blog, portrait de famille« ), au Brésil ou en Jordanie.
Une programmation qui donne donc à voir les contrastes de la société marocaine. Pays en voie de développement mais aussi pays d’accueil ou de transit de ceux qui rêvent d’ailleurs et qui se retrouvent à devoir vivre au Maroc le temps de rassembler l’argent nécessaire pour faire la grande traversée vers l’Europe. Cette histoire elle est celle de milliers d’Africains, celle de Marème, vingt ans, dont le parcours nous est raconté dans un documentaire marocain touchant de Raja Saddiki intitulé Aji-bi, femmes de l’horloge. Marème fait partie d’un groupe d’aji-bi (esthéticienne) venant du Sénégal qui alpaguent les clientes près de l’ancienne médina de Casablanca.
Ainsi on les voit confrontés au racisme de certains marocains, à la difficulté de devoir manger, se loger et épargner le peu d’argent restant pour payer un passeur. Certaines ont fait les choix de rester au Maroc, d’autres comme Marème, dont tous les amis ont réussi la traversée de la Méditerranée ou le franchissement de la frontière à Melilla, rêvent encore de partir.
Les mêmes difficultés économiques sont dépeintes dans « La route du pain » le documentaire d’Hicham Elladaqui. Un documentaire qui nous montre le quotidien de ces hommes, jeunes pères de famille ou âgés qui passent leurs journées aux pieds des remparts de la Medina à demander du travail. Souvent maçons, on vient les chercher pour une journée ou deux quand la main d’œuvre manque dans l’un des innombrables chantiers qui entourent la ville impériale dont l’essor touristique ne semble pouvoir s’arrêter sans que tout le monde y puisse compléter y prendre part. « C’est la vie, répète l’un d’entre eux, remercions Dieu peu importe la situation ».
Le festival consacre également la diaspora marocaine à travers un panorama sur les « 50 ans de l’immigration marocaine en Belgique » fêté en 2014, année anniversaire de l’accord bilatéral relatif au recrutement de main d’œuvre marocaine pour les besoins de l’économie belge. Dans le cadre de ce panorama a été projeté un très joli documentaire de Faïza Boumedian « Que sont-ils devenus ? Nos rêves » ou l’on retrouve, trois jeunes garçons qui ont fait l’objet d’un reportage dans les années 70 où un journaliste leur demande ce qu’ils s’imaginent faire plus tard, s’ils comptent faire leur vie en Belgique…
Des années plus tard, il y a de la nostalgie forcément, tous se sont réalisés d’une manière ou d’une autre, tous se considèrent belges mais ce documentaire est aussi celui d’un exil, celui d’une double-culture que chacun vit à sa manière. Il donne aussi un éclairage sur l’accueil qui a été celui de ces immigrés en Belgique à travers des témoignages de l’époque, notamment celui d’un patron qui déclare « nous avons utilisé tous les moyens pour attirer de la main d’œuvre, nous sommes bien obligés d’accepter de la main d’œuvre étrangère ». Les difficultés racontées pas ces enfants d’immigrés sont celles que l’on retrouve partout, à toutes les époques, comme l’un d’entre eux le déclare « les derniers arrivés sont toujours ceux qui souffrent le plus, c’était dur pour les Italiens aussi. C’est toujours dur au début mais je suis sûre qu’avec le temps ça va s’arranger ».
Des constats difficiles à accepter, des situations d’urgence mais aussi et surtout de l’espoir à travers ce festival et ces documentaires. De l’espoir pour le cinéma, de l’espoir pour l’Afrique qui regroupe un nombre important de réalisateurs brillants qui ont tous un message important à faire passer, et qui auront, souhaitons-le, une voix qui porte dans tout le continent et au-delà.
Latifa Oulkhouir

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