C’est l’une des marches les plus massives que le Maroc ait connu ces dernières années. Dimanche 15 octobre, les rues de Rabat ont vu une foule défiler en soutien au peuple palestinien. Depuis l’attaque massive du Hamas, le 7 octobre, l’armée israélienne pilonne sans relâche la bande de Gaza et ses civils.
« People of Morocco stand with people of Palestine. » Dans les rues de Rabat, les manifestants scandent leur soutien aux Palestiniens et condamnent la normalisation des relations diplomatiques entre le Maroc et Israël.
Des femmes, beaucoup de femmes, des mères et des grands-mères, des poussettes recouvertes de keffieh protégeant les bébés du soleil, des jeunes défilent sur le boulevard principal de la capitale. Les visages sont heureux de ce rassemblement des rbatis (habitants de Rabat) et des habitants des régions périphériques. Organisée par le Front Marocain de Soutien à la Palestine et Contre la Normalisation (FMSPCN), le convoi débutait à 10h (UTC+1) et prévoyait un parcours de Bab Al Had jusqu’au dôme du parlement.
Il s’étale finalement jusqu’à la gare centrale et voit le reste du boulevard vidé et protégé par des rangées de policiers, camions de sûreté nationale, canon à eau et militaires sur les rues adjacentes. Le palais du roi ne se trouve qu’à quelques centaines de mètres de là.
Une majorité de Marocains contre la normalisation
Sur le boulevard, les drapeaux du royaume chérifien s’unissent et se confondent avec celui du drapeau palestinien. Le peuple revendique son clivage clair avec les décisions diplomatiques prises par le gouvernement du Premier ministre marocain, Aziz Akhnouch. Selon un sondage publié en 2022 par le réseau de recherche Arab Barometer, seuls 31 % des Marocains sont favorables à la normalisation avec l’État hébreu.
Cha3b yourid tajrim atetebi3
Sur les pancartes, en arabe, en français, en anglais, cette revendication s’affiche, comme dans les slogans scandés. « cha3b yourid tajrim atetebi3, inchaellah, inchaellah » entonnent les manifestants. (“le peuple veut la criminalisation de la normalisation, si Dieu le veut, si Dieu le veut”). Slogan le plus scandé, entraîné par le cortège de tête, les organisateurs demandent à la foule de frapper dans leurs mains : “1, 2, 3, 4, à la quatrième, le parlement doit trembler !”.
Une normalisation actée en 2020
Les relations entre le Maroc et Israël ne sont pas nouvelles. Le 10 décembre 2020, elles se rétablissent lors d’un accord trilatéral. L’ancien président des États-Unis, Donald Trump, promet de reconnaître la souveraineté du Maroc sur le Sahara Occidental si le royaume normalise ses relations avec Israël. Le Maroc devient ainsi le troisième pays arabe, après les Émirats Arabe Unis et Bahreïn, à ouvrir une ambassade israélienne sur son territoire, à Rabat, rue Ben Barka.
Ironie de l’histoire, cette rue porte le nom de Mehdi Ben Barka, une figure politique marocaine, chef de file du mouvement tiers-mondiste et panafricaniste, et principal opposant socialiste au Roi Hassan. En 1965, Mehdi Ben Barka a été tué à Paris, son corps n’a jamais été retrouvé. Une affaire dans laquelle les rôles des pouvoirs politiques marocains et français, mais aussi israéliens, sont mis en cause.
Dans les rues de Rabat, le décompte des manifestants s’élève au moins à 300 000 personnes, selon les organisateurs de la marche. À la fin de la manifestation, sur une pancarte, on lit : « Si tu ne peux pas relever l’injustice, au moins parles-en à tout le monde ».
Rose Allinet
Photo ©IlalAkkouch