Les Docks paraissent moins animés qu’au premier tour. Il faut dire que cet entre deux-tours de trois semaines a été très intense : ralliement un à un des autres candidats derrière Macky Sall, tensions dues aux consignes des confréries religieuses, suspicions de votes ethniques, Wade qui propose de réduire son mandat à 3 ans pour  terminer ses chantiers etc… Les Sénégalais se sont peut-être essoufflés…

Hawa, franco-sénégalaise de 28 ans, a été fortement surprise dès l’arrivée au bureau de vote : « Il y avait vraiment moins de monde qu’au premier tour, je crains un fort taux d’abstention ». Cette jeune CPE d’un collège de la Courneuve a choisi de voter pour Macky Sall. Ou plutôt contre Abdoulaye Wade. « Je ne suis pas confiante à 200 % quant à un changement profond de la politique au Sénégal. Quoi qu’on en dise, Macky Sall est resté longtemps un collaborateur de Wade et ça ne s’efface pas du jour au lendemain ».

Le challenger de Wade a été son ministre puis premier ministre puis président de l’Assemblée Nationale. Elle rebondit tout de même sur ses espoirs : « Une fois élu, je pense qu’il serait intéressant qu’il associe l’ensemble des candidats de l’opposition au gouvernement ». Pour ses compatriotes, elle souhaite un véritable changement dans les priorités gouvernementales : « Il faut dans un premier temps que Macky travaille pour les plus démunis. Il faut que les gens aient à manger. Wade a travaillé sur les infrastructures, la culture, la place du Sénégal. Mais pour moi ce n’est pas la priorité ». C’est ensuite davantage la CPE que l’électrice qui parle : « Il faut que tous les Sénégalais sachent lire, écrire, compter. Il faut développer l’éducation, ça passe par là pour tout pays qui veut avancer. La situation ne peut perdurer comme ça ».

Madame Diop, petite femme de plus d’un demi-siècle, interpelle les électeurs à la sortie du bureau de vote. Elle distribue des programmes de … François Hollande. Non, elle ne s’est pas trompée d’élection. Pour cette binationale, le changement c’est maintenant. Pas seulement en France ou au Sénégal, mais partout dans le monde. « Si Macky Sall est élu, on pourra changer le Sénégal ». Elle souligne les difficultés de sa famille restée au pays : « Le riz est cher. L’huile est chère. Tout est cher au Sénégal. Il faut que Wade parte, on est fatigué ». Si Macky se retrouvait en face d’elle, Madame Diop lui conseillerait de : « s’occuper immédiatement de baisser le prix des denrées alimentaires ».

Les témoignages des deux femmes se rejoignent sur cette préoccupation alimentaire. A l’heure où l’Éducation est en panne (grèves depuis des mois), à l’heure où les estomacs crient famine pendant les périodes de sécheresse, l’ancien élève d’Abdoulaye Wade nourrit de profonds espoirs. L’élève dépassera-t’il le maître dans la tenue de ses promesses de campagne ?

Bien qu’il soit soutenu par l’ensemble de l’opposition à Dakar, bien que la diaspora française l’ait choisi dès le premier tour, Macky Sall, devra affronter la vigueur des Sénégalais. Ils ont montré qu’ils savaient se battre pour leur démocratie. Avec leur jeunesse. Avec leurs rappeurs. Et maintenant avec leurs urnes :  Macky Sall a battu le président sortant en réunissant 65,80 % des voix.

Rouguyata Sall

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