Chaozhou, également appelée Teochew, est située dans la province de Guangdong, au sud de la Chine. C’est de cette ville, ou plutôt cette région que proviendraient mes gênes… Bien que je sois né à Aubervilliers qui se trouve à 9672,88 km, je connais le dialecte local de Chaozhou. Depuis mon enfance, c’est avec cette langue que mes parents m’ont élevé. Ils auraient pu nous élevés, mes frères, sœurs et moi, en mandarin, la langue nationale, mais comme grand-mère vivait avec nous et ne connaissait que le chaozhou, ce fut plus simple d’utiliser le dialecte.

D’ailleurs, mes oncles et mes tantes en France ont également transmis ce dialecte à leurs enfants. A la maison, c’était donc le chaozhou, et à l’école j’apprenais le français. Naturellement, avec mes frères et sœurs, nous parlions en français. Pourquoi ? Je ne sais pas, c’est venu naturellement.

Mais aujourd’hui, je n’ai plus de lien familial dans cette région de Chine. Papa et sa famille l’ont quittée lorsque lui-même était tout petit, à cause de la guerre civile. Ils faisaient alors partie des Chinois qui se sont réfugiés au Cambodge. La famille de ma mère, elle, avait déjà émigré au Cambodge depuis un bon moment. C’est là-bas qu’elle née. Elle y a donc grandi mais ne parle pas le cambodgien. Restant en  communauté, les Chinois se parlaient en chaozhou. C’est au Cambodge, entre Chinois d’une même communauté, que mes parents se sont rencontrés.

La suite : coup d’Etat militaire au Cambodge, guerre civile… C’est peu avant 1975 que mes parents fuient le pays pour venir se réfugiés en France. Heureusement pour eux car quelques temps après, le dictateur Pol Pot et les Khmers rouges prennent le pouvoir. Mes parents échapperont alors à l’un des plus grands génocides du siècle dernier. Près de 2 millions de victimes. S’ils étaient restés là-bas, je n’aurais certainement jamais vu le jour.

S’ils étaient retournés en Chine, je n’aurais probablement jamais vu le jour non plus. Avec la politique de l’enfant unique, moi qui suis le troisième « gosse », je n’aurais peut-être pas été dans les plans de mes parents. Cela dit, ils ont gardé les traditions des familles nombreuses. Nous constituons une tribu de six enfants ! Chose qui, aujourd’hui, est inconcevable en Chine. Ici, à Chaozhou, c’est limité à deux enfants. Lorsque je raconte aux gens que j’ai cinq frères et sœurs, ils sont très surpris : « Balaize ta mère! »

Le chaozhou est une langue chinoise parlée au Cambodge, ainsi qu’en Thaïlande. De même que par des minorités à Hong Kong, au Viêt-Nam, en Malaisie, à Singapour et en Indonésie. Il constitue l’un des dialectes chinois les plus représentés en France. Historiquement, la ville fut l’un des berceaux de « la route maritime de la porcelaine ».

A Chaozhou, je peux communiquer avec les gens. Je me sens beaucoup plus à l’aise qu’avec le mandarin. Cependant, je sens une énorme différence quand je parle à un local. Le chaozhou dont j’ai hérité a fait un crochet par la France, est passé par le Cambodge… Il y en a eu des transformations de mots, de syllabes, et de ton. J’ai l’impression qu’ils me parlent tous en « chaozhou ch’ti »! Mais en fait, c’est plutôt moi, le « Ch’ti, ici !

Je n’ai plus de famille à Chaozhou, mais en voyant cette localité sur la carte de la Chine, j’ai eu l’envie d’y aller. Maintenant que j’y suis, cela me fait un petit quelque chose… Je ne sais pas quoi exactement, mais un petit quelque chose…
Bisous maman, bisous papa !

Chou Sin

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