Cela s’est passé à Tlemcen, à l’ouest d’Alger, début août. Un mariage a uni un homme et une femme, pour le meilleur et pour le pire. Il faisait une chaleur à faire frire un œuf sur l’asphalte. Il y eut d’abord les réjouissances de la salle des fêtes – climatisée, s’il vous plaît –, où l’on a savouré des mets composés de viande, de miel et d’amandes. Les deux familles ont ensuite rejoint la maison nuptiale.

Le soir venu, l’homme a été conduit à sa future épouse sur un cheval, entouré d’une troupe armée, à cheval aussi, comme le veut la tradition. Sa mère l’accueille alors, lui essuie le visage avant de lui passer autour du cou le fameux collier en or (massif ou plaqué), symbole de la bénédiction maternelle. L’homme s’en va retrouver sa mariée, dans l’intimité, sous le bruit des coups de feu et des youyous.

Dans la maison, un rassemblement s’opère sur le seuil de la porte de la chambre nuptiale. Musique, chants et youyous accompagnent l’acte amoureux. La famille de l’épouse attend avec impatience de voir le fameux drap souillé de sang. Preuve ultime que la fille a conservé l’honneur des siens. Le couple s’active, il zappe les préliminaires. Il ne faut pas faire languir les invités. Ceux-ci tambourinent à la porte depuis que le couple s’est enfermé dans la chambre. Ils ne cesseront leur vacarme qu’au moment où le mari en sortira. Ils seraient capables d’enfoncer la porte, sinon.

Je songe au marié. Il lui faut des nerfs d’acier et mieux vaut pour lui assurer le « coup ». Cela me fait penser à un autre mariage auquel j’avais assisté : l’homme était sorti engueuler tout le monde, il était incapable d’avoir une érection. Je ne vous dis pas la rumeur d’impuissance qu’il a traînée comme un boulet jusqu’à la naissance de son premier enfant.

La porte s’ouvre enfin. Le marié, sourire aux lèvres, tend une fleur à sa belle-mère. Mais où est passé le célèbre drap ? Terminé, le drapeau blanc et rouge ? Place à la rose ? La fleur serait-elle devenue le nouveau symbole de la virginité cueillie ? Etonné, je demande des explications. Un des neveux du nouveau marié me répond : « La fleur, ça veut dire que la fille était vierge ! C’est fini, le drap souillé, maintenant, c’est une rose et peu importe sa couleur. C’est plus propre et plus pudique. »

Je demande alors : « Pourquoi ne pas tout simplement abandonner ce rituel ? » Le neveu hausse les épaules : « C’est imposé par la belle-famille, dit-il. Personne ne rentrera chez lui tant que la fleur n’aura pas été présentée aux familles. Pour tout le monde, c’est très important. – Mais avec la fleur, enchaîné-je, le couple peut tricher sur la virginité de la mariée et la belle-famille n’en saura rien ? – C’est plus une question de confiance que de preuves. Il y des couples qui font l’amour avant le mariage. Tout ça, ce sont des apparences. »

Je souhaite connaître son avis sur cette coutume et s’il compte s’y plier lorsqu’il se mariera. « Ha non ! Quand bien même je me mettrais à dos ma future belle-famille. Je refuse de cautionner ce type d’usages. Je trouve cette tradition arriérée. Elle n’a plus sa place en 2008. »

Je m’éloigne pour prendre un thé à la menthe tout en me faisant cette réflexion : les fleuristes vont se frotter les mains, mais les blanchisseurs, eux, vont faire la gueule.

Malik Youssef

Malik Youssef

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