Voilà près d’une semaine que le peuple s’est soulevé en Egypte. Des manifestations, des armes, des barres de fer ou encore des magasins pillés. Tel est le quotidien des Egyptiens depuis mardi. La crainte de se faire attaquer pour quelque raison que ce soit est de plus en plus grande. De plus, plusieurs milliers de prisonniers se sont échappés de la prison de Wadi Natroun à 100 km au nord du Caire, dimanche matin, ce qui accroît les tensions et la peur dans le pays. La police a semble-t-il quitté les rues. Ce sont les hommes des quartiers qui s’organisent en milices afin de protéger leurs habitations, leurs familles et leurs commerces.

A Shobra, un des plus vieux quartiers du Caire, les pères de familles, les frères, les oncles tentent de protéger ce qui leur reste. Ma famille de France a pu contacter celle d’Egypte, avec un réseau quasi nul étant donné que les fournisseurs d’accès à Internet et les opérateurs téléphoniques ont eu pour ordre de couper les émissions d’ondes. Cependant, j’ai pu avoir quelques témoignages des miens.

Mon oncle de Shobra m’a rapporté ceci : « Ici c’est la guerre, la folie s’est emparée des hommes. Ils brûlent tout, cassent tout, ils entrent même dans nos maisons pour nous voler, nous leurs frères. Les boutiques de l’avenue ont été pillées. Le super-market aussi. Avec les hommes du quartier, on se relaie en bas des immeubles, armés de barres de fer et autres objets de défense. Celui qui tente de nous voler est tabassé. Hier (samedi) deux rues plus loin, il y a eu un groupe de voleurs qui s’est fait attraper, ils ont été tabassés jusqu’au sang ! »

La violence née de la révolte ne cesse de se propager dans ce pays jusque-là calme en apparence. La prison Fayoum non loin du Caire s’est insurgée. Les prisonniers se sont emparés du pouvoir et le général de la prison a été égorgé indiquait Al Jazeera dimanche matin. Les autorités paraissent totalement débordées par les événements, et les forces de l’armée qui, selon les dires, se lient d’amitié avec les manifestants-émeutiers ne disent rien de bon pour le régime de Moubarak.

Mon cousin qui réside à Madinat an Nasr au Caire est en école de police. « Je ne sors plus de chez moi après le couvre-feu. Habituellement, je n’ai pas le droit d’entrer dans mon université si je ne porte pas mon uniforme de policier mais avec cette révolution, le proviseur nous a ordonné de venir en civil. Mais même comme ça on a peur. »

La capitale devient un bain de sang mais les autres grandes villes du pays comme Suez, Alexandrie et maintenant Hurghada ne sont pas épargnées. Hurghada est une ville côtière du sud et là-bas aussi, les manifestations, les révoltes contre les forces de l’ordre et les vols ne cessent de prendre de l’importance. « Nous allons bien même si nous avons peur mais je suis fière des Egyptiens. Ils ont enfin su se révolter même si cela a pris des proportions énormes. Je suis fière de voir mon mari, mes voisins et mes amis protéger leur femme, leurs enfants, leur maison, contre les pilleurs et autres fous furieux. La révolution, c’est vraiment ce qui décrit ce mouvement. Nous vivons au jour le jour à présent. Jamais je n’aurais cru vivre une telle révolution dans ce pays pour lequel j’ai quitté l’Italie voilà près de 10 ans. Je pleure mes frères égyptiens et je pleurs pour l’Egypte car il était temps que ce silence se rompt. Je ne donne pas de nouvelles car le réseau a été coupé chez moi. Je suis dans un cybercafé en se moment », me confie ma tante d’origine italienne sur Facebook.

Ainsi, la peur qui envahit ces Egyptiens est accompagnée d’une fierté, une joie intérieure parce qu’enfin, ils se sont révoltés. Après que la Tunisie a été l’élément déclencheur de la révolte en Egypte, les questions que se posent le peuple à présent sont : quand Moubarak va-t-il quitter le pays ? Que va-t-on devenir ensuite ? Aucune réponse n’existe pour le moment et la sécurité des citoyens dans le pays est illusoire. Mais une chose semble sûre, rien n’arrêtera la révolte. « Ils veulent instaurer un couvre-feu ? Nous resterons dehors à manifester et si cela les dérange, qu’ils nous tirent dessus ! », affirme un Egyptien en direct du Caire sur la BBC.

Inès El Laboudy

Photo : Leil-Zahra Mortada

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