Je préfère croquer une grenade dégoupillée plutôt que ma mère apprenne que j’ai assisté à  l’élection de Miss Berbère 2011. Si elle sait que je suis allé à la cérémonie sans demander une des candidates en mariage, elle va me faire ma boum, façon kabyle, Sophie Marceau remplacée par  un couteau de cuisine entre ses dents. Et croyez-moi, elle va viser la tête. Alors motus, amis lecteurs. La stratégie de toute une vie est en péril, celle dite de « mon fils est gay ».

C’est un pote juif qui m’a refilé le tuyau à la fac. Parce qu’on se tape peut-être pour savoir qui a la plus grosse au Moyen-Orient, mais les sémites sont liés à vie par une chose : les dragons qui nous ont mis au monde. Ce concept d’autorité possessive que les autres enfants humains, élevés dans l’amour filial, appellent maman. Mère juive, mère rebeu ? Kippa blanche, blanche kippa.

La technique de « mon fils est gay » consiste à jouer le célibataire endurci jusqu’à l’écœurement. Traînez qu’avec des mecs, un petit bisou avant de raccrocher quand on papote avec les copains, du parfum (ouais ! je trouve que sentir bon ça fait gay), une chemise rose qui dort dans le linge sale, et la madré va se mettre à paniquer tellement fort que vous pouvez faire ce que vous voulez. Au bout d’un an à faire l’homo sapiens, comme Wall Street en 2008, elle jouera votre avenir matrimonial à la baisse. Fini les aspirations communautaires, ses ambitions de vous voir en ménage avec la cousine de bonne famille maraboutique du bled se dissiperont comme un pet dans la tempête. Tout ce qu’elle demandera à la vie c’est une humaine comme belle-fille, dusse-t-elle être une Esquimau marocaine avec un os de phoque dans le nez.

Je présente ma Kosovare à mère dans deux semaines, elle a eu deux gamins de son premier lit, alors s’il vous plaît, chut !  Maman est à point, elle est cuite, elle a trouvé un magazine Têtu sous mon lit, elle va tout accepter ! Je ne suis donc jamais allé couvrir l’élection de Miss berbère France 2011, ça c’est notre petit secret. Ceci étant dit commençons.

Le Casino de Paris accueille ce dimanche 17 avril, la crème des crèmes des filles Berbara Gould. Dix-huit jolies femmes, marocaines ou algériennes, et toutes françaises, puisque nées ici pour la plupart. Elles vont s’affronter à coups de jolis regards et de sourires au laser qui vous piquent les yeux, pour pouvoir poser sur leur belles chevelures stellaires, la très convoitée couronne.

Mais qui donc peut postuler au titre de Miss Berbère ? « Toutes les filles qui ont un lien culturel avec l’Afrique du Nord », affirme Billal Chegra, animateur et organisateur de la manifestation. Donc même les arabophones pouvaient postuler. Après tout, quand on est maghrébin, il y a toujours un petit risque d’avoir un ancêtre qui a combattu les légions romaines à la bataille de Cannes en -216 av JC, dans les rangs de la cavalerie numide. Faites excuses,  j’avais promis de ne plus saouler personne avec mes études d’histoire.

La cérémonie commence et  je me tape un de ces éclats de rire sorti du fond de la gorge, je suis parti le chercher dans le foie, celui-là. Un écran géant s’allume, avec Geneviève de Fontenay, l’ex-coach des Miss France et soutien de l’événement. Elle lance à la compagnie un Azul fellawen (bonjour à tous en berbère), plus vrai que nature. Ça m’a fait rire. A ton tour Copé ! La prochaine fois quand tu lanceras tes débats sur la laïcité musulmane de l’islam laïque, tu les commences par un : « AH SALAM ALIKOUM WA RAHMAT’ALLAH WA BARAKATOUH, s’il vous plaît les gars, arrêtez de prier dans la rue, vous n’êtes pas dans le désert, nous après c’est chaud pour se garer. » Tu verras, ça passera mieux.

Après Genièvre, qui au passage en a profité pour faire un appel au recrutement pour son concours de Miss Nationale, le défilé peut commencer. Ah ! Bah ! Bah ! Bah ! Berbères du président ! C’est du lotus ! Ah bah, ça mon sanglier, on s’est pas foutu de notre museau. C’est autre chose que les rouquines en furie du village à papa qui se battent  chaque jour à la fontaine avec leurs bidons pendant la corvée d’eau. Elles sont belles, franchement, les candidates à Miss berbère de France. Faut dire, elles n’ont jamais eu à se battre contre Faroudja Hocini, alias Sourcils d’ours, 22 ans, 120 kilos, 15 KO par bidon bleu, championne du  village de Water Fighting catégorie Jerricane de 30 litres ; belle comme tout, mais des camions à la place des bras et un cul de la taille de l’URSS qui aurait envahi la Chine. Non, au Casino de Paris, elles étaient toutes rayonnantes et apprêtées comme des fées. Des brunes, des blondes, des noires, des yeux clairs ou aussi sombres que le jais, il y en avait pour tous les gouts et toutes les couleurs de l’arc en ciel.

Le jury, présidé par Kenza Farah, ne sait pas où donner de la tête face à tant de beauté. Karim du 113 et Mehdi animateur de Beur FM sont également intronisés juges, ainsi que Takfarinas, un mec à qui vous ne donneriez même pas l’heure dans la rue à Paris, mais qui est une immense star en Kabylie.

Pour se départager les filles doivent présenter un talent personnel. Je me suis dis : « Miss Berbère, qu’est-ce qu’elle doit savoir faire ? Le couscous et la galette. » Ben ça n’a pas manqué.  Je vous jure, il y en a une, elle a fait Arlom Zit (la galette et l’huile) accompagnée de hemiss tomatiche (poivron et tomate) en plein milieu de la scène. C’était sa présentation. Ah ça c’était osé, j’aime. Je vois mal Miss Bretagne faire des crêpes à Foucault pendant l’enregistrement de Miss France, elle se mangerait une de ses quiches par la prod’.

Les autres filles ont fait des sketches, de la danse acrobatique et même une démonstration de  bachata, une sorte de slow issu de la salsa, un peu, comment dire, décomplexé. Une des candidates s’est aussi lancée dans un poème sur l’histoire des Berbères de l’antiquité à nos jours, concluant sa prose par un : « Du haut de cette pyramide, nah, nah, nah, des siècles, nah, nah, nah d’histoire berbère nous contemplent. » Non, je ne suis pas d’accord, le sommet de la pyramide de l’histoire des Berbères, ce n’est pas l’élection de Miss Berbère 2011. Le top du sommet de l’histoire des Berbères c’est ? Non pas le roi Massinissa. Ni l’empire almohade, surtout pas la conquête de l’Espagne, ils nous ont refilé leur nez péninsulaire, ces cons. C’est, c’est … LES DEUX BUTS DE ZIDANE EN COUPE DU MONDE !!!!!, dit-il avec un rire fou.

Revenons à nos jolies brebis. Dix-huit candidates qui présentent leurs talents personnels, toutes aussi superbes qu’elles sont, c’est long, trop long ! Miss Berbère a duré 5 heures. De toute façon, c’est bon, j’ai choisi, pour moi c’est Linda Crochet et ses yeux en diamants verts, qui devraient gagner l’élection. Puis faut que ça aille vite, ça, je dois aller coucher les petits de ma Kosovare.

Pour laisser le temps aux organisateurs de compter les votes – le public pouvait en effet voter par sms -, une dame de chez Aigle Azur, partenaire de l’élection, annonce les gagnants de la tombola à laquelle tous les spectateurs ou presque ont participé. Ils repartiront du Casino de Paris avec deux billets d’avion. Vous auriez vu les gagnants, mon Dieu, ils se sont mis à crier et à danser, ils avaient gagné la Coupe du monde. Le plus beau jour de leur vie ? Deux billets pour Alger à 200 euros…. « On est un peuple unique au monde, les seuls à réagir comme ça », dira très justement l’animateur en plaisantant.

Ça fait quand même 10 000 ans qu’on reste entre nous dans nos montagnes de l’Atlas. Pour changer un peu de l’habitude, les organisateurs ont décidé d’honorer une autre culture à la cérémonie : l’Inde. Déjà représentée par les robes portées par les candidates, nous avons eu droit à l’entracte à un une jolie démonstration de danse effectuée par un quatuor de messieurs originaires d’Inde du nord, ce fut digne des plus beaux bollywoods.

Pour le final, c’est la musique d’Aladin et son rêve bleu qui sont à l’honneur. Autre petit clin d’œil à l’Asie et ses mystères car, comme chacun le sait, Aladin dans « Les mille et une nuits », n’est ni perse ni arabe, il est chinois. Eh ouais, déjà à l’époque ils étaient bien en place, mon cher Jean-Michel. Pour finir, c’est avec une grande fierté que je vous annonce que c’est l’Algérie qui remporte la coupe, représentée par Belinda Guettouche, kabyle et Miss Berbère France 2011, remarquée pour sa très belle prestation de flamenco.

Avant de clore la cérémonie, la mère d’une des candidates ne manque pas de remercier l’animateur. Sa fille moitié kabyle, moitié argentine, a renoué selon elle, avec une partie de ses racines grâce au concours. Maintenant elle danse kabyle, elle bouffe kabyle, plus qu’une dernière étape : les vacances au bled, avec protège-dents, bidons et corvée d’eau, sans oublier les cousins en dalle de visa, formation épervier sur la carte séjour.

Miss berbère 2011, ça m’a donné une de ces envies d’aller au bled, moi. Allez, j’annule mes projets pour l’été ! Viva l’Algérie,  papa, attends-moi, je prends un billet ! Ngazëllora, ma petite denrée, cette année, le Kosovo c’est sans moi.

Idir Hocini

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