La « Genève internationale » n’est pas le havre de tempérance qu’on croit. Dimanche, l’extrême-droite populiste a fait un bond aux élections au Grand Conseil (parlement cantonal). L’UDC (Union démocratique du centre), très peu centriste, et le MCG (Mouvement citoyen genevois), partis ouvertement xénophobes, ont obtenu à eux deux 27 sièges (+7), sur un total de 100.

Toutes les autres formations politiques stagnent ou sont en recul, à l’exception des Verts, qui gagnent un siège et passent pour la première fois devant le Parti socialiste. L’UDC et le MCG, s’ils n’obtiennent pas la majorité absolue (perspective quasi impossible pour tout parti en raison du système proportionnel en vigueur), sortent cependant majoritaires du scrutin en terme relatif.

Cette élection s’est déroulée sur fond de campagne anti-étrangers, en particulier antifrançaise et singulièrement anti-« immigrés », en clair, les Arabes de France voisine. Dans les derniers jours précédents le vote, l’UDC genevoise a fait paraître dans la presse locale une publicité au ton agressif et dépourvue d’ambiguïté, relative à un projet de raccordement ferroviaire (CEVA) entre la gare de Genève et Annemasse, ville française frontalière. Voici son contenu : « Le CEVA ? Un nouveau moyen de transport pour la racaille d’Annemasse ! Expulsons les criminels étrangers ! Ne leur offrons pas encore un accès à Genève ! Votons UDC ! »

Le vote d’extrême-droite s’inscrit dans un contexte de peur et de tensions économiques et sécuritaires. Une partie de l’électorat populaire genevois, celle qui a voté pour l’UDC et le MGC, s’estime « envahie » par les frontaliers français, transformés en boucs-émissaires de tous les problèmes.

Joint jeudi dernier par l’hebdomadaire suisse Le Matin Dimanche, le président de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer (UMP), élu de Haute-Savoie, le département dont dépend Annemasse, a réagi à l’encart publicitaire de l’UDC : « C’est inacceptable. Cette campagne a des relents de xénophobie, elle est démagogique, Nos voisins et amis suisses nous ont habitués à des valeurs de respect et là, on leur tourne le dos. Je ne m’exprime ici que sur cette publicité et ses auteurs, et non sur les rapports entre la France et la Suisse que j’ai voulu renforcer en recevant la présidente du Conseil national (chambre des députés) et en rendant visite au président du Conseil des Etats (Sénat). »

A propos des frontaliers français, contre lesquels des Genevois se déchaînent parfois, le président de l’Assemblée nationale estime que leur travail en Suisse obéit « à un besoin réciproque » et que « revenir sur cette évidence témoigne d’une méconnaissance des réalités ».

Quand on fait observer à Bernard Accoyer que l’expression « racaille » figurant sur la publicité de l’UDC genevoise, est une allusion au même terme, employé en octobre 2005 à Argenteuil, par Nicolas Sarkozy, à l’époque ministre de l’Intérieur, il a cette réponse : « C’est une bonne vieille méthode qui consiste à extraire les mots de leur contexte. Nicolas Sarkozy parlait alors d’une population de voyous dans une banlieue parisienne. »

La tonalité est tout autre chez Dominique Martin, secrétaire départemental du Front national en Haute-Savoie. « La publicité de l’UDC n’est pas une ingérence dans les affaires de la France, dit-il. Elle est au contraire pleine de bon sens. On constate à Genève ce qu’on constate au centre de Paris en fin de semaine lorsque des racailles venant de banlieue débarquent. Il est logique que l’UDC genevoise, en mettant le doigt sur un problème lié à l’immigration en France, prévienne ses concitoyens. Nous ne sommes pas dupes. Cette publicité n’est pas une attaque contre les voisins étrangers des Suisses mais dénonce un phénomène de délinquance, comme il en existe au quartier du Perrier, à Annemasse. »

Bernard Accoyer s’inscrit en faux contre cette logique qui revient à faire le tri entre ceux des Français qui peuvent entrer sur le territoire genevois et ceux qui ne le pourraient pas en raison de leurs origines ou de leur lieu d’habitation, jugé à risques. « Cette vision des choses est choquante. On ne peut pas fermer les routes au prétexte que des populations dérangent. »

Antoine Menusier

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