Nombreuses sont les voix qui s’élèvent pour mettre en garde contre le danger islamiste, danger qui planerait sur les femmes et sur  le processus démocratique en cours. Les débats tournent souvent autour de ces questions. Moi-même, j’étais convaincu que les Tunisiens qui souhaitent porter Ennahda sont des partisans d’un islam radical. Mais en discutant, je découvre que les partisans de ce parti n’entrent pas tous dans cette catégorie.

Pour certains Tunisiens, Ennahda apparaît comme un parti d’opposition et de résistance au régime honni de Ben Ali. Un parti sans compromis avec les vestiges de l’ancien régime qui subsistent encore et notamment vis-à-vis d’anciens cadres du RCD (le parti de Ben Ali), qui se sont fondus dans d’autres formations politiques pour participer aux élections. Ils représenteraient près d’un quart des partis politiques en lice: « Les gens pensent que le parti va faire le ménage de l’ancien régime » déclare Houssem, un blogueur.

Pour d’autres, Ennahda joue le rôle de catalyseur de tout les « antis » : les anti-laïcs par exemple qui perçoivent les attaques contre le parti comme étant de l’islamophobie, venue de l’étranger. Les nombreux articles et discours dirigés contre le parti renforcent ceux qui rejettent toute forme d’ingérence ou d’autorité. Même à l’école, les élèves contestent l’autorité de leurs professeurs. Contre les pressions externes de diriger le vote, par contestation, certains vont se tourner vers Ennahda.

Plus largement, c’est la question de l’identité tunisienne et son rapport à l’islam qui va attirer les voix  vers les partis islamistes. Nombre de musulmans éprouvent le besoin de se réapproprier leur religion, instrumentalisé par des années de dictature : « Je vais voter Ennahda car le pays a besoin de retrouver des valeurs. L’islam peut en apporter » confie un chauffeur de taxi. Un ami Tunisien me raconte que c’est la quête d’une identité propre à la Tunisie qui pousse certains à se radicaliser pour ensuite revenir vers une pratique plus souple de la religion.

D’autre part, la logique de groupe dans laquelle évoluent les Tunisiens et les citoyens arabes de manière générale empêche, pour le moment, les comportements individualistes : « Les Tunisiens pensent en groupe. Ils font leur choix en groupe. Beaucoup de gens ont une connaissance, un proche qui milite pour Ennahda et incite à voter pour ce parti » indique Ahmed.

Certes le parti possédé une idéologie extrémiste, mais à ce stade du processus démocratique, il est  difficile d’établir une distinction entre simples sympathisants et un militants actifs.

Rafika Bendermel

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