Duque de Caxias, ville de la banlieue de Rio de Janeiro, au bord de l’immense baie. La pluie est au rendez-vous, une pluie tropicale qui cause des remous dans l’avion en provenance de Paris et crée une atmosphère lourde et humide au sol. Sur le bout d’autoroute qui mène à Duque, des habitations délabrées s’alignent les unes après les autres. C’est la nuit, étouffante. Perchées sur les hauteurs des collines, les fameuses favelas, illuminées ça et là par des réverbères.

Parmi ces habitations, des bureaux, des usines tout aussi délabrés, et des églises évangéliques frappées de cette inscription qui sonne comme un appel au ralliement, « Jesus Cristo é o Senhor ». Et puis il y a ces pubs géantes de femmes que le « Senhor » a généreusement gâtéees… Ce mélange entre le matériel et le spirituel peut être vu comme une contradiction ou comme une cohabitation dans le Brésil de Dilma, la nouvelle présidente.

Me voilà à Duque après quinze minutes de trajet. Je découvre une ville aussi bruyante que le quartier des Quatre Chemins à Aubervilliers, avec des bus qui déboulent a toute vitesse au milieu des piétons, des feu de circulation en option, et au milieu de tout ça, un chien étendu à même le sol, dormant paisiblement malgré le bruit des voitures, des motos et des piétons réunis. Une patrouille de police roule les gyrophares rouge allumés, le policier côté passager pointant par la fenêtre baissée une arme automatique de type M16.

La violence, les jouissances charnelles et la religion, trois éléments de la vie brésilienne. La télévision organise ses programmes autour de ça. Tout au long de la journée, les journaux TV traitent longuement des derniers faits divers : vol à main armée, assassinat, arnaque, viol, trafic de drogue… Un « envoyé spécial » interviewe les victimes, la police et même les « bandidos ». Le tout entrecoupé par les images de l’interpellation, montrant une flaque de sang, prises d’un hélicoptère.

Après le duplex, le présentateur, sur le plateau, s’exprime avec la grandiloquence d’un acteur sur le fait divers en question. La voix menaçante, le poing rageur, il balance un plaidoyer moralisateur aux téléspectateurs. Presque toutes les chaines ont ce type programme. Sur l’une d’elle, le présentateur se fait le VRP d’un complément alimentaire comblant le manque de calcium chez les personnes âgées ; mais on a droit aussi à une bimbo – qu’une étude de traçabilité révélerait sans doute peu conforme aux normes AOC – vantant les métites d’un magnifique caméscope, pareil à ceux qu’on trouve dans les bazars chinois de la rue de Paris à Montreuil…

En zappant, on tombe sur un programme évangélique « show da fé », très regarde ici. « Ces personnes (les évangéliques, ndlr) ont de plus en plus d’influence dans ce pays. Ils transmettent des idées très dangereuses. Ça m’inquiète de voir toujours plus de gens les suivre, car il n y a pas de foi dans tout ca, ce n’est que du business », s’inquiète Heraldo, un bon vivant qui vous enfile cinq litres de cerveja, la bière brésilienne, et peut ensuite marcher droit sans problème. Notre Booba national peut en prendre de la graine, lui qui, après dix verres, est déjà flagada.

Dans la rue, on trouve à chaque coin les « salgados », des sortes de petits en-cas au fromage, poulet ou jambon, enroulés dans une pâte à pain. A tout moment de la journée, les Cariocas en consomment pour calmer leur faim. Malgré le culte du corps omniprésent, le plaisir de l’estomac n’est pas négligé.

Le ventre à l’embarras du choix, poisson, viande, chacun y trouve votre compte. Les amateurs de sushis peuvent compter sur  la communauté asiatique pour satisfaire leur envie. Les Asiatiques sont bien implantés à Duque de Caxias. Autre culture bien présente, celle de Molière et de Renault. Que ce soit par sa culture ou son industrie automobile, la France occupe de bonnes positions au Brésil. Et depuis les émeutes de 2005, on la connait sous un autre angle aussi. Nombreux sont mes interlocuteurs brésiliens qui me parlent des « voitures brûlées » ou me demandent : « Qui a bien pu voter pour Sarkozy ? » Le même profil d’électeurs, peut-être, qui a réélu l’actuel gouverneur de l’Etat de Rio de Janeiro, engagé dans une politique sécuritaire à trois ans et demi du prochain mondial de football.

Aladine Zaïane (Duque de Caxias-Rio de Janeiro)

Photo : Teatro Raul Cortez (Duque de Caxias)

Prochain article : le reportage d’Aladine, au coeur de l’assaut militaire contre les narcotrafiquants.

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