Cela ressemble à une histoire fabriquée tant elle se situe aux frontières de l’absurde. Depuis des mois, les migrants Tunisiens arrivés à Paris via l’île de Lampedusa passent de parcs en squats, de gymnases en squares, se mettent en rang pour un plat chaud qu’ils engloutissent, debout. En pénétrant dans cet immeuble de trois étages du 36 rue Botzaris, dans le 19e à Paris, les migrants recherchaient un toit. Très vite, la situation les dépasse.

Ces Tunisiens venus chercher une vie meilleure en Europe trouvent refuge dans l’antre du loup. Celui-là même qu’ils ont justement fui, au péril de leur vie. Vingt-quatre heures sur un bateau qui tanguent et qui prend l’eau, pour atterrir ici ? Les Tunisiens du 36 rue Botzaris, se sont transformés en enquêteurs malgré eux, en « experts à Paris ». Ils découvrent que le centre culturel tunisien qu’ils squattent n’est autre le siège de la représentation du RCD en France, le parti de Ben Ali, le président déchu.

A l’intérieur, la vie s’organise. Les migrants s’occupent à visiter les bureaux et tombent sur une manne inattendue de documents qui témoignent des activités louches du RCD. Ils trient, classent, filment, photographient, stockent tout ce qu’ils peuvent, à l’extérieur du bâtiment, dans un local tenu secret. Le téléphone arabe se met alors en marche et les dossiers trouvés dans les bureaux semblent intéresser de nombreuses personnes. Objets et dossiers commenceraient à se monnayer. Parfois, les migrants remettent des documents à certaines personnes. Celles qui ont su montrer patte blanche. Ils font confiance à ces dernières, jusqu’au jour où elles disparaissent, les bras chargés de ce qu’elles étaient venues chercher.

Il y a quelques jours, l’immeuble a été évacué par les forces de l’ordre au petit matin. Utilisation de bombes lacrymogènes, affaires personnelles confisquées, garde à vue. Certains sont allés aux urgences. Pour Ali Gargouri, membre du nouveau parti politique tunisien Afek Tounès, « la situation n’est plus supportable, il faut trouver un hébergement d’urgence pour ces personnes ».

En attendant, les jeunes migrants de Tunisie pique-niquent sur la pelouse plus tout à fait verte du parc des Buttes Chaumont. Les plus jeunes téléphonent à leur maman, la voix tremblante pendant que les autres rédigent leurs CV et leur projet professionnel dans l’espoir de rentrer chez eux et de commencer une autre vie.

Mona Choule

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Montage vidéo : M. Ch.

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