Comme la majeure partie de la diaspora maghrébine, ces grandes vacances, je me rendais au Maroc, en espérant pouvoir dissiper mon stress post bac. Dans la ville tant contrastée de Casablanca, en constante effervescence, je me rendais donc, mais avec cette fois, un autre objectif que celui de languir à longueur de journée dans l’attente interminable de la coupure du jeûn, ou des résultats de mes épreuves anticipées.
En effet, si 12,5 millions de touristes se rendaient au Maroc, cet été, j’espérais qu’ils n’empiéteraient pas sur mon terrain d’action. A savoir, percer tous les secrets, d’un produit phare du Maroc, véritable fief pour tous les adulateurs de cette marchandise, une spécialité du pays par excellence, réputé comme étant l’un des premiers exportateurs mondiaux. Mais non, je ne parle pas du cannabis, mais bien du business huileux de l’argan, facteur d’un commerce florissant pour l’économie, et dont la production est estimée à quelques 4000 tonnes par an.
Une huile aux mille vertus
Exporté à plus de 22 tonnes par an, cet or oléagineux, possède mille et uns bienfaits, puisqu’il est considéré à la fois, comme un remède pharmaceutique, un aliment culinaire et un produit de cosmétique. Si elle fait le bonheur dans les cuisines marocaines, comme j’ai pu le constater maintes fois dans les plats de grand-mère, où elle assaisonne et parfume viandes et salades, cette huile précieuse de part son prix assez onéreux (en moyenne 200 dirhams, soit 20 euros), est réputée noble et cérémoniale, avec son goût atypique de noisette et d’amande.
Riche en vitamines E ainsi qu’en antioxydants, l’huile d’argan a la capacité de stabiliser l’hypercholestérolémie et de stimuler les cellules cérébrales et le fonctionnement du foie. Cela signifie, en une variante un peu moins prudhommesque, que l’huile permet à celui qui la consomme régulièrement, d’être immunisé contre les risques d’infarctus, de diabètes tout en réduisant le taux de mauvais cholestérol et en favorisant la circulation du sang. Un point avantageux dans un pays où il est impérieusement imposé, six fois par jour, de boire le fameux thé à la menthe, breuvage surdosé en sucre, de l’hospitalité.
Grandement utilisé, afin de sublimer et magnifier le cuir chevelu des femmes berbères, depuis des siècles, cette huile non allergisante, nourrit la peau en prévenant l’assèchement de celle-ci et parvient à fortifier les cheveux secs, et cassants.
« Pour dépulper le fruit, on en extrait l’amande avant de les concasser à la main »
C’est donc avec ces diverses notions que je me suis lancée à la recherche d’un producteur d’huile bio d’argan, qui m’apparaissait maintenant comme un élixir (terme emprunté à l’arabe ibérique médiéval d’ailleurs) miraculeux, dans le marché du Vieux Quartier de Casablanca. Après plusieurs déceptions en constatant que la plupart des marchands se faisaient livrer leur huile par des grossistes, je me suis dirigée vers une petite échoppe à l’aspect miteux où un homme d’une quarantaine d’années manœuvrait un outil d’aspect étrange, dans l’arrière boutique. Dans mon arabe dialectal à la prononciation plus qu’approximative, je lui demandais s’il était le fabriquant de son huile, sans grande conviction, avant de finalement entendre une réponse des plus positives. Il a sans doute perçu au-delà de mes bafouillis, que je n’étais pas d’ici, pas vraiment en tout cas. Cet artisan à la chemise délavée, s’est gentiment prêté au jeu de mon petit entretien.
« Ca, c’est pour dépulper le fruit, on en extrait l’amande avant de les concasser à la main, c’est une étape très importante », me dit-il en me montrant une machine de bronze posée à même le sol.  « A la campagne, ce sont les chèvres qui s’en occupent, elles mangent la noix et recrachent l’amandon » poursuit-il et m’explique ensuite comment se fait la torréfaction des amandes dans un récipient en terre cuite, où elles sont chauffées à feu doux afin d’en distiller et d’en évacuer la couleur et l’odeur. Il m’indique ensuite une meule dont le fond, est déjà tapissé par une poudre brune très fine. « Il faut ensuite broyer les amandes cuites grâce à ce pilon, en faisant attention à ses doigts » expose t-il en riant, avant d’aller accueillir, toujours avec son air souriant, quelques nouveaux clients. J’en profitai pour faire un tour, en observant l’étalage de bouteilles, avant de m’apercevoir qu’elles n’avaient pas la même couleur selon les étiquettes. Ainsi, il nous faudra donc distinguer l’huile alimentaire à la teinte plus foncée, les amandes ayant été plus étuvées et l’huile de cosmétiques, beaucoup plus claire. « Pour la dernière étape, il faut ajouter un peu d’eau tiède avant de la presser pour en extraire l’huile, mais faut faire bien attention à ne pas avoir la main trop lourde dans le dosage, sinon l’huile sera de moins bonne qualité ! ».
J’étais curieuse de savoir depuis combien de temps il exerçait ce métier qui semblait tant lui plaire. Le commerçant me raconte que c’est son oncle qui lui a enseigné toutes ces techniques. « Mes fruits viennent de mon propre verger, je fais 300 kilomètres par semaine depuis Essaouira dans le Sud Ouest du pays, pour les ramener à Casablanca, car les arganiers ne poussent pas naturellement ici ». Je lui demandais aussi s’il se sentait fier de pratiquer ce métier, qu’était la fabrication de l’huile d’argan. Avec un air un peu gêné, il me répondit que oui, il était fier même si ce n’était pas facile tous les jours, mais qu’il était content de perpétuer cette tradition typiquement marocaine.
Après notre discussion je lui achetais une bouteille de cette huile, dont j’étais alors sûre qu’elle était naturelle et élaborée dans les procédés d’extraction artisanaux. Cette fois, pas de marchandage ou de négociations, comme j’avais l’habitude d’en user avec les commerçants pour m’approprier les plus beaux caftans, je l’achetais au prix qu’on m’indiquait car c’était ce qu’elle valait.
Ikrame Ezzahoui

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