Le président Juan Manuel Santos annoncera, ce jeudi 23 juin, à La Havane un accord de paix définitif avec les FARC, mettant fin à plus de 50 ans de conflit.

Le 23 juin 2016 pourrait bien être une date historique en Colombie. Le président de centre-droit, Juan Manuel Santos, en poste depuis 2010, réélu en 2014, est en train de réussir son engagement de pacification du pays. Et plus particulièrement, un accord de paix trouvé avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie – armée du peuple (Fuerzas armadas revolucionarias de Colombia – ejército del pueblo, FARC-EP). Sur son compte Twitter, le président colombien ne cache pas son enthousiasme dans un tweet du 22 juin.

« Demain sera un grand jour. Nous travaillons pour une Colombie en paix, un rêve qui commence à être réalité. #OuiALaPaix »

Plus de 50 ans

Les dirigeants des FARC assurent que le mouvement rebelle suivra le cessez-le-feu. Selon Carlos Lozada, un des négociateurs du côté des FARC, le 23 juin 2016 sera le dernier jour. Néanmoins, Timoleón Jiménez, le chef des guérilleros qui se revendiquent du marxisme, est plus prudent et ne veut pas forcer à fixer une date pour la signature de l’accord, bien qu’il estime qu’il y a eu des avancées :

« Pour que l’horrible nuit cesse et s’ouvre le chemin de la paix et de l’espoir. Jeudi 23 juin, nous annoncerons #LeDernierJourDeLaGuerre »

« La pratique a démontré que fixer des dates a fait du mal au processus, davantage quand il n’est pas un accord… bien que nous avancions, il manque toujours quelque chose ».

Quoiqu’il en soit, les Colombiens peuvent être soulagés de voir une issue à une guerre civile qui dure depuis 1964. Plus de 50 ans ! Ce qui fait des FARC, jusqu’à ce jour, le mouvement guérillero le plus ancien d’Amérique latine, héritier des luttes marxistes des années 1960 sur le sous-continent, à la suite de la révolution cubaine des années 1950. Selon des données du Réseau national pour l’attention et la réparation des victimes (Red Nacional para la Atención y la Reparación a las Víctimas), plus de sept millions de colombiens furent victimes de ce conflit de plus d’un demi-siècle. Parmi ces victimes, plus de 6 millions d’entre elles furent obligées de se déplacer de leur terre natale et près d’un million de morts par homicide furent comptabilisés.

Cuba dans la peau du médiateur

Le processus de paix, sur les quatre dernières années, est marqué par le rôle pris par Cuba. La Havane a servi de terrain neutre entre le gouvernement colombien et les FARC. Une position qui a été saluée par la France, par exemple, lors de la visite de Laurent Fabius, alors ministre des Affaires étrangères, dans la capitale cubaine, en avril 2014.
Avec ce processus de paix, ainsi que les relations diplomatiques avec le Venezuela, autre interlocuteur dans le conflit intérieur colombien, l’île castriste retrouve de l’importance dans la vie politique latino-américaine. Un rôle diplomatique qui incita – peut-être – le président des Etats-Unis Barack Obama à « normaliser » les relations entre Washington et La Havane depuis la fin 2014.

Un processus long

Même si l’accord devra subir une ratification de la part de la Cour Constitutionnelle et d’un plébiscite avant le 20 juillet, jour de fête nationale et objectif du pouvoir colombien, le fait qu’il puisse avoir une existence réelle marquera une nouvelle étape dans l’histoire du pays. Cependant, certains Colombiens, dont l’ex-président Alvaro Uribe (2002-2010), lié à l’extrême-droite et aux paramilitaires, refusent les négociations entre le gouvernement et les FARC, et M. Uribe fait partie de ceux qui demandent la démission de M. Santos, qui fut son ministre de la Défense au milieu des années 2000.

Toujours est-il que plusieurs questions se posent pour les observateurs internationaux. La première d’entre elles est la suivante : comment les FARC peuvent se transformer en un parti politique classique ?
Ceux qui ont de la mémoire se souviennent que dans les années 1980 et 1990, un processus de paix s’était engagé avec les FARC et d’autres mouvements rebelles comme le Mouvement du 19 Avril (Movimiento 19 de Abril, M-19), afin qu’ils renoncent à lutte armée pour combattre dans l’arène politique uniquement. Les FARC en avaient profité pour fonder un parti, l’Union patriotique (UP), avec l’aide du Parti communiste colombien. Seulement, comme des milliers de militants de l’UP furent tués par des paramilitaires d’extrême-droite, la lutte armée reprit de plus belle dans les années 1990, avec l’utilisation du narcotrafic pour financer le mouvement.

Mais d’autres questions arrivent très vite et restent en suspens : qui paiera les dommages causés aux victimes ? Comment restructurer des territoires marqués par le conflit, notamment sur la question du narcotrafic ? Est-ce que les dirigeants des FARC, ou des paramilitaires, passeront par la case prison ou pas ?

Par conséquent, certains colombiens se demandent si l’accord trouvé entre le gouvernement et les FARC signifie une impunité générale, face à des vies brisées par l’ensemble des protagonistes, sur plus d’un demi-siècle.

Jonathan Baudoin

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